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Le Rotax 915iS sera-t-il à la hauteur des attentes ?

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Fabrice Morlon

Une quinzaine de constructeurs européens dont trois français sont en cours d’avionnage du moteur Rotax 915iS. Freinés dans leur élan par les modifications de dernières minutes apportées par le motoriste autrichien, leurs calendriers ont glissé et l’enthousiasme de certains devient plus mesuré quant aux performances escomptées. Tour d’horizon des chantiers en cours.

En 2015, le motoriste autrichien Rotax dévoilait à la surprise générale un nouveau moteur développé dans le plus grand secret. Dérivé du 912is, le 915is annonçait alors 135 cv au décollage et 127 cv en continu. Le moteur de 1.352 cm3 (84 x 61 mm) de cylindrée promettait également de maintenir la puissance jusqu’à 15.000 ft (4.750 m) tout en ayant un plafond pratique de 23.000 ft (7.010 m). En décembre 2017, l’EASA certifiait le 915iS avec lequel, le motoriste autrichien prend pied sur le segment de marché que se partagent Lycoming et Continental.

Basé sur un 912is, le 915is apporte de nombreuses modifications, dont l’intercooler, visible en haut à droite © Fabrice Morlon / Aerobuzz.fr

Modèle haut de gamme turbocompressé, le 915iS reprend l’injection du 912is, son électronique et ses 2.000 heures de TBO (Time Before Overhaul). En dépit des similitudes d’architecture et de conception avec le 912iS, le 915iS est un moteur différent, qui vise à équiper les aéronefs demandant plus de puissance, comme le DR400 équipé du Lycoming 160 et 180 cv. Il intègre un vilebrequin entièrement revu et renforcé et des pistons modifiés. Le réducteur du 915iS est doté de deux limiteurs de couple en plus d’une barre de torsion, alors que le 912iS ne dispose que d’un limiteur de couple. La lubrification a également été revue de même que le réducteur, de manière à absorber l’augmentation du couple, l’échappement et les systèmes de refroidissement.

Le groupe chauffant de manière importante, un intercooler a été ajouté. Il peut être configuré de trois manières différentes, afin de s’intégrer le plus facilement possible au capot moteurL’un avec les sorties opposées, un autre avec les sorties du même côté et un intercooler plus grand pour les capots très fermés.

Le bulgare Niki Rotor Aviation prévoit d’équiper son autogire Kallithea, habituellement motorisé en 912 ULS, avec un 915is © Niki Rotor Aviation

Tests avec moteurs de pré-série

Après un démarrage laborieux et une certification retardée, le nouveau moteur de Rotax a finalement reçu l’approbation de l’EASA en décembre 2017. Celle de la FAA est attendue sous peu. Alors que les premiers moteurs de série commencent à sortir de l’usine, des avionneurs se sont intéressés de près au groupe et se sont positionné pour recevoir un moteur de présérie. Celui-ci leur a permis de faire tourner le moteur pendant plusieurs heures au point fixe et en vol, en transmettant toutes les données au motoriste.

Le premier exemplaire du quadriplace Pioneer 400 d’Alpi Aviation a être équipé d’un Rotax 915is s’apprête à effectuer son vol inaugural © Fabrice Morlon / Aerobuzz.fr

Suite à ces essais « grandeur nature, » le moteur a subi quelques modifications finales, et a reçu, en particulier, un nouvel échangeur du turbo. Les avionneurs ayant reçu un moteur de présérie, s’ils n’ont pas encore reçu le nouveau moteur dans sa version certifiée, devraient réceptionner un nouveau groupe sous peu. Dans sa version certifiée, le moteur développe 141 cv au décollage et 135 cv en continu, soit plus qu’escompté.

En France, trois avionneurs ont choisi le Rotax 915iS

Issoire Aviation et l’APM-41

L’APM-41 Simba d’Issoire Aviation totalise près de 100 heures de vol avec le moteur 915iS. Isabelle Moniot, qui dirige la société créée par son père Philippe Moniot, est enthousiaste : « Nous sommes très satisfaits des performances, qui associées à notre cellules sont exceptionnelles. Nous avons de très bonnes relations avec l’équipe de Rotax, et nous apprécions réellement cet esprit collaboratif. Notre équipe développement a travaillé sans relâche afin d’optimiser l’avionnage.  »

Le Simba d’Issoire Aviation serait, d’après Rotax, l’avion en Europe qui totalise le plus d’expérience avec le moteur de pré-série © Fabrice Morlon / Aerobuzz.fr

Actuellement, l’avion et l’équipe d’Issoire Aviation se sont chez Rotax en Autriche à Wells qu’ils ont rejoint en vol depuis Issoire. « Notre quadriplace qui emporte 4x86kg et 20 kg de bagagesa volé pendant 3h10 sur 486 nm, avec une vitesse de 144 kts et une consommation de 28l/h » précise Isabelle Moniot.

Chez Issoire Aviation, le processus de certification avec l’EASA est démarré, avec en ligne de mire septembre 2018. Le CEV a déjà  fait un vol de familiarisation avec le Simba 915iS.

Nogaro Aviation et le DR400

L’équipe de Gilles Aurensan et Karine Baillou propose de remotoriser le Robin DR400 avec le 915iS. A l’été 2017, Nogaro Aviation avait effectué les premiers vols de son DR400. « Les premiers vols que nous avions effectué avec le « prorotype » du moteur ont confirmé que nous devrions atteindre des performances au moins égales à celles d’un DR400 équipé d’un moteur Lycoming de 160 hp » explique Gilles Aurensan qui poursuit : « nous venons de recevoir un nouveau moteur dans sa version certifiée et nous sommes en train de l’installer sur notre DR400. »

Les vols de test devraient ainsi reprendre courant juin 2018.

Robin Aircraft et le DR401

Robin Aircraft prévoit également de proposer le 915iS sur une cellule de DR400. L’avionneur a reçu quant à lui son moteur de test avec cinq mois de retard et devrait finaliser le prototype de DR400 dans le courant du mois de mai 2018.

Le premier vol devrait avoir lieu en fin d’année, entre novembre et décembre 2018. La STC (certification complémentaire) devrait suivre au début de l’année suivante et le DR401 à moteur Rotax devrait être présenté au salon Aero 2019.

En entrée de gamme, le Rotax 915iS devrait se substituer au Lycoming de 120 cv et au diesel Centurion 135CDI de 135 ch qui, depuis le lancement de la version diesel à 155cv, a du mal à trouver des clients.

Actuellement le prix du Rotax 915iS est supérieur de 30 à 35% à celui du Lycoming 120 cv. Robin Aircraft estime que lorsque la production sera lancée, l’écart de prix sera ramené aux environs de 15%. Dans ces conditions économiques, le différentiel de consommation de carburant, s’il existe, devra être conséquent pour que le Rotax 915iS demeure attractif.

Ailleurs en Europe

L’italien Alpi aviation vient d’équiper son premier Pioneer 400 quadri-place avec le 915iS. Motorisé par un 912iS, l’avion croise à 120 kt. Avec cette nouvelle motorisation, l’avionneur envisage une vitesse de croisière à 160 kts. Le premier vol devrait avoir lieu dans le courant des premières semaines du mois de mai 2018.

Le suédois BlackWing a effectué 400 heures de vol avec le BW 600R. Il envisage des tests avec le 915iS en 2019 © BlackWing

Au total, 12 constructeurs se sont intéressé au 915isS et ont reçu des moteurs de pré-série, dont Tecnam l’avionneur italien envisage de motoriser son bimoteur P2010 avec le 915is, le suédois BlackWing, le bulgare fabricant d’autogires Niki Rotor Aviation et l’hélicoptériste belge Dynali. Pour le moment, à ces 12 avionneurs viennent s’ajouter 47 autres produisant aussi bien des avions légers, des autogires et des hélicoptères.

Parmi eux, le vendéen Elixir Aircraft s’est dit intéressé à proposer cette motorisation en option au lieu du 912iS. Pipistrel envisage également ce moteur pour son Panthera Hybrid, associé à un moteur électrique de 200 W et prévoit des performances équivalentes à un Lycoming IO-540.

Au lieu des 100kW (136 hp) annoncés, le moteur offre finalement 104kW (141 hp) de puissance au décollage et 99kW (135 hp) de puissance maximale continue © Fabrice Morlon / Aerobuzz.fr

Alors que la version certifiée du moteur, modifiée en comparaison du moteur de pré-série, vient d’arriver chez les avionneurs, il faudra encore attendre un peu pour un retour d’expérience précis. D’ores et déjà, si le moteur est plus cher de 30% que ceux de la concurrence, les constructeurs restent confiants et optimistes dans ses capacités.

Fabrice Morlon

 

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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  • Un intercooler est là pour refroidir les gaz en sortie du turbo-compresseur avant admission pas pour refroidir le moteur lui même.

    • Un intercooler se situe entre la sortie compresseur du compound turbo compresseur et l'admission.
      Ce qui est refroidi est de l'air, compressé, naturellement échauffé par l'action de compression, un gaz certes, mais en aucun cas "les gaz".
      Effectivement, un intercooler ne sert en rien au refroidissement du moteur.
      Ce qui est relevant dans l'article, mais peut-être le fait d'une sémantique perfectible, réside dans le fait que de mentionner qu'un nouveau moteur chauffe de manière importante représente un aveu de mauvais rendement!
      Cette élévation thermique consomme de l'énergie... non transmise au vilebrequin mais bel et bien siphonnée dans le réservoir!

      • En utilisant les données de chez Issoire Aviation (pour le 915is) et les données officielles du 912is, je calcule les rendements suivants :

        Pouvoir Calorifique Moyen Essence = 35,475 MJ/litre

        Rotax 912is
        Régime en t/min 4300 4800 5000 5500 5800 (5 min max)
        Puissance en % 50% 65% 75% 100% 107% (5 min max)
        Puissance en kW 34,5 44,9 51,8 69 73,5
        Couple en Nm 76,6 89,3 98,9 119,8 121
        Conso en l/h 11,1 13,7 16,5 23,6 26,1
        Rendement en % 31,5 33,3 31,9 29,7 28,8

        Rotax 915is
        Puissance en % 50% 75% 100% 104% (5 min max)
        Puissance en kW 49,7 74,5 99,4 103,8
        Conso en l/h 19,5 29
        Rendement en % 25,8 26,05

        Donc le turbo réussi moins au 915is (26% c'est un peu décevant, là ou les plus de 30% du 912is sont à l'état de l'art du thermique essence).

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