REX – De l’importance de ne jamais improviser

Le 19 novembre 2023, deux jets SIAI Marchetti S-211 d’une société privée entrent en collision en plein vol tandis qu’ils réalisent un tournage vidéo. Riche d’enseignement, le rapport d’enquête met en avant d’importantes failles dans la préparation de ce vol atypique.

Ce jour là, les équipages des deux aéronefs se préparent sur l’aéroport d’Essendon, en Australie dans l’état de Victoria. La météo est bonne et pour les deux équipiers, Viper 1 (VH-DQJ) et Viper 2 ( VH-DZJ), l’objectif est de réaliser des prises de vues au-dessus de la baie de Port Phillip. C’est pour cette raison qu’un cameraman est en place arrière de Viper 2. Pour plus de sécurité, un pilote de sécurité a également pris place à bord de l’avion leader : Viper 1.

Comme il est coutume de le faire avant un vol en formation, les équipages briefent le déroulé du vol. Il est donc prévu que Viper 1 passe en vol dos puis réalise un renversement, tandis que l’équipier doit translater sur le côté à une vitesse légèrement inférieure (pour se faire dépasser) afin de capter toutes les facettes de l’avion leader.

A 13h24, alignés sur la piste, les deux jets décollent pour le tournage du clip promotionnel. Environ 6 minutes plus tard, alors que les avions volent à environ 3 000 pieds d’altitude et à une vitesse d’environ 200 kt, les équipages commencent à manœuvrer pour la séquence prévue. A cet instant, et contrairement aux éléments prévus au briefing, Viper 2 passe sous la trajectoire de Viper 1 afin de rejoindre la formation tout en informant le leader de ses manœuvres sur une fréquence discrète. Il indique par radio que cette manœuvre « offre une bonne occasion de filmer et demande à répéter la manœuvre. » A ce moment, un rapide échange radio fixe les modalités de la manœuvre, qui sont acceptées par le leader de la patrouille.

Comme lors de la tentative précédente, et toujours contrairement aux éléments du briefing réalisé au sol, Viper 2 se déplace vers l’arrière pour permettre à Viper 1 de rouler à l’envers. Avant que Viper 1 se stabilise en vol dos, Viper 2 commence à manœuvrer pour passer sous Viper 1. A ce moment, « Viper 2 passe en dessous et commence à cabrer et à s’incliner à gauche, en s’éloignant de Viper 1. À 13 h 33, alors que Viper 2 monte et s’incline vers la gauche, les ailes droites de chaque avion entrent en collision ». Rapidement, très endommagé au niveau du longeron, Viper 2 s’écrase en mer tandis que l’avion leader moins endommagé parvient à revenir au terrain de départ. Le crash sera mortel pour l’équipage de Viper 2.

Le rapport du ATSB pointe dans les premières lignes de ses conclusions les équipages comme fautifs dans la réalisation du vol. Il explique que le bureau d’enquête « a constaté qu’avant la manœuvre de l’accident, Viper 2 avait manœuvré pour passer directement sous Viper 1 afin de pouvoir filmer. Cette manœuvre spécifique n’avait pas fait l’objet d’un exposé avant le vol et augmentait le risque de collision. »

D’autres éléments plus secondaires sont relevés, comme le fait que que « le pilote de Viper 1 faisait l’objet d’une restriction médicale qui l’obligeait à n’utiliser qu’un aéronef avec une configuration de poste de pilotage côte à côte « . De plus, « l’exploitant ne possédait pas le certificat d’exploitation requis pour effectuer le vol de tournage et les aéronefs n’étaient pas autorisés à être utilisés à cette fin. »

En matière de recommandation, le rapport rappelle l’importance de se tenir au briefing réalisé au sol et propose la réalisation de pré-briefing en vol avant chaque manœuvre.