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Aviation Générale

REX – Dislocation en vol d’un Cessna Grand Caravan au cours d’un vol d’essai

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Fabrice Morlon

Engagé dans un programme de vols de tests en vue de l’obtention d’un certificat de type supplémentaire (STC), un Cessna Grand Caravan 208B EX se désintègre en vol puis s’écrase avec 4 personnes à bord le 18 novembre 2022 à Snohomish dans l’État de Washington. Le NTSB conclut à une mauvaise gestion des manœuvres par le pilote et une incapacité à sortir d’une position « nez bas ».

Le 18 novembre 2022, un Cessna Grand Caravan décolle de l’aéroport de Renton, dans l’État de Washington. A son bord, deux pilotes de ligne et instructeurs et deux ingénieurs chargés de mesurer les tests en vol.

L’opérateur, Raisbek Engineering, a mandaté l’équipage, chargé de mener des tests en vol d’un dispositif de réduction de la traînée, en vue de l’obtention d’un certificat de type supplémentaire (STC). Ce dispositif n’était pas installé sur l’avion le jour de l’accident. Les vols incluaient également des tests pour un STC sur un système d’extension de la charge utile de l’avion, désigné APE III. Ce dernier dispositif, installé sur l’avion, comprend l’ajout d’un « flap Gurney », une réglette installée à angle droit au bord de fuite de l’aile, et visant à améliorer l’aérodynamisme de la voilure à basse vitesse.

Les débris de l’épave ont été récupérés dans un rectangle de 560 m par 180 m. © NTSB

L’équipage du Cessna Caravan avait débuté les essais en vol 3 jours auparavant, pour des tests de stabilité. La veille du test, le même équipage avait rencontré des problèmes en vol. « Alors qu’il effectuait un décrochage en virage, puissance au ralenti et à 30° d’inclinaison à gauche avec les volets sortis, l’avion s’est rapidement mis en roulis à gauche jusqu’à un maximum de 83° avant que le pilote ne remette les ailes à plat. Après avoir récupéré l’appareil, le pilote a affiché environ 25° à piquer, de manière à retrouver de la vitesse. » Pendant cette manœuvre, l’avion avait à la fois dépassé l’inclinaison limite mais aussi la Vmo (vitesse maximale d’opération) de 175 kts en atteignant 183 kts. D’après le NTSB, l’équipage n’aurait pas eu conscience d’avoir franchi les limites, ce qui aurait invalidé les tests en vol. Aucune vérification de la structure de l’avion n’a été entreprise après le vol.

Le vol du 18 novembre 2022 avait pour objectif de terminer les tests de la veille, qui avaient dû être écourtés, l’un des ingénieurs à bord se sentant malade. L’avant-dernier test du jour consiste en un virage à gauche à 30°, à 96 kts, volets en position atterrissage. Le but est d’effectuer intentionnellement un décrochage accéléré.

Après quelques manœuvres, prévues dans le programme de tests, effectuées pendant 45 minutes, le Cessna Caravan se trouve à 10.000 ft à 110 kts. Puis la manœuvre de décrochage accéléré débute. La vitesse de l’avion oscille entre 90 et 105 kts et son altitude varie entre 9.700 et 9.350 ft. Le couple moteur est à 930 ft-lbs, au-dessus du ralenti. Une minute plus tard, la vitesse chute à 48 kts et le couple moteur augmente à 2.200 ft-lbs.

Après le décrochage, l’avion a rapidement affiché un fort roulis à gauche à 120° et un nez bas à 60°. Les données ADS-B indiquent qu’après une chute de la vitesse à 35 kts, celle-ci augmente rapidement à 223 kts. L’avion dépasse alors la limite avec volets sortis (Vfe à 125 kts) et la vitesse maximale d’opération (Vmo à 175 kts). Les données ADS-B ont indiqué un taux de descente de 8.700 ft/min. Puis la vitesse verticale a encore augmenté, atteignant jusqu’à 14.000 ft/min.

« Des témoins ont déclaré avoir vu l’avion se disloquer en vol et des morceaux retomber au sol. L’avion est ensuite descendu en piqué et en spirale presque à la verticale vers le sol. »

Des vidéos de la chute de l’avion, prises par un témoin (à gauche) et une caméra de surveillance (à droite), ont été récupérées par les enquêteurs. © NTSB

D’après le NTSB, le Grand Caravan était équipé d’une avionique Garmin G1000 NXi couplée au pilote automatique Garmin GFC 700 et un système électronique de stabilité et de protection (ESP). L’ESP est « conçu pour éviter les dépassements d’assiette et de vitesse pendant le pilotage manuel et pour maintenir un vol stable en appliquant une force opposée à la direction de déplacement prédéterminée ». L’ESP n’a pas été désactivé par l’équipage.

Le NTSB a effectué un vol en simulateur recréant les conditions ayant mené à l’accident et a conclu qu’ il est « probable que l’ESP s’est déclenché lorsque l’avion s’est mis à cabré avec plus de 19° d’assiette. Cela aurait obligé le pilote à exercer une plus grande force vers l’arrière sur le manche afin de provoquer le décrochage. Après le décrochage, l’ESP se serait déclenché à 45° d’inclinaison, puis se serait désactivé, l’avion dépassant 75° d’inclinaison. »

Au sujet de l’ESP, le NTSB fait enfin remarquer qu’il « n’a pas été possible de déterminer dans quelle mesure les forces exercées par l’ESP sur les commandes, ou la distraction potentielle due à l’enclenchement et au déclenchement du système, ont pu contribuer au fait que le pilote n’a pas réussi à sortir de l’assiette à piqué après le décrochage. »

Image du PFD au simulateur, reproduisant la manœuvre de décrochage. En haut à gauche : avant l’activation de l’ESP; en bas à gauche : après l’activation de l’ESP. Les flèches rouges indiquent les repères de limite d’inclinaison. © NTSB

D’après le rapport d’enquête du NTSB, le pilote était pilote de ligne et instructeur. Il totalisait 11.720 heures de vol dont 232 sur Cessna Grand Caravan. Le copilote était lui aussi pilote de ligne et instructeur, avec 10.600 heures de vol dont 5.000 sur Cessna Grand Caravan.

Dans son rapport, le NTSB identifie comme cause probable de l’accident le fait que « le pilote ait effectué un mauvais rétablissement à la suite d’une sortie du vol contrôlé après un décrochage aérodynamique intentionnel. »  D’après le NTSB, le pilote n’a pas été en mesure de sortir d’une position « nez bas ». La perte de contrôle aurait mené à « un dépassement des limites de vitesse, et de la cellule, qui ont mené à une désintégration en vol. »

Le NTSB fait remarquer que « le fait que le pilote n’ait pas réduit la puissance du moteur au ralenti après la perte de contrôle de l’avion était contraire aux directives publiées ainsi qu’aux procédures d’atténuation des risques en vol d’essai. »

Tout en prenant la précaution de préciser que les rapports d’enquête du NTSB n’ont pas vocation à attribuer de faute ou de blâme, les enquêteurs précisent encore que « la reproduction au simulateur de la manœuvre de décrochage a indiqué que la réduction de la puissance moteur au ralenti après l’abattée aurait pu réduire la vitesse et les charges aérodynamiques associées, et aurait probablement donné au pilote plus de temps pour sortir du décrochage. »

Pour lire le rapport d’enquête du NTSB.

Pour accéder au dossier complet de l’enquête.

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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