La sécurité du transport aérien en accusation

Avec son nouveau livre intitulé « Ces avions qui nous font peur : les dossiers noirs du transport aérien », le journaliste François Nénin, continuer de creuser le filon vendeur de l’insécurité du transport aérien.

Le plus difficile pour une chronique d’un livre comme celui de François Nénin, c’est de ne pas polémiquer. Difficile, vraiment difficile! Pour ma part, et sur la base de plusieurs milliers d’heures de vols passées dans les cabines des compagnies du monde entier (dont tellement dans les cockpits !), j’ai eu envie, pour commencer, de dire à François Nénin : « bravo, ton livre dit ce que beaucoup pensent et personnes n’osent dire sur la sécurité du transport aérien ! » Car rien (à priori) n’est faux dans ce que dénonce l’auteur.

Oui, il y a des manquements à la sécurité dans l’exploitation des avions ! Oui, le poids des grandes compagnies et, plus encore celui des constructeurs, est tellement important qu’il peut biaiser tel ou tel rapport d’expertise à la suite d’un incident ou d’un accident aérien ! Oui les familles des victimes d’un crash ont le droit de connaître la vérité, la vraie ! Oui enfin, il est évidemment possible d’améliorer encore et toujours le niveau de sécurité du transport aérien.

Car, il faut le dire et le clamer haut et fort, le transport aérien est le plus sûr des moyens de transport actuel. Ce que ne fait pas François Nénin ! Il faut dire que c’est un récidiviste : déjà, en 2007, il avait sorti un livre « Crashs aériens, ce qu’on vous cache ». Et, outre ses collaborations à VSD et Marianne, il avait en son temps participé à la réalisation d’une émission « Spécial Investigation » sur Canal Plus, consacré au transport aérien…

Dans son dernier livre, tout le monde en prend pour son garde, sans ménagement. A commencer par Air France : « Notre grande compagnie nationale a toujours su dicter sa loi à la DGAC et au BEA : leurs pilotes ne veulent pas employer la langue aéronautique, l’anglais, en vol et dans leurs documentation ? Pas de souci… En infraction avec la réglementation, Air France oublie de remplir un rapport d’incident grave à Caracas suite à un atterrissage difficile. Pas grave… » (page 82). Le BEA est lui aussi particulièrement visé : « Le rôle même du BEA est contestable. Ses prérogatives d’enquête sur les incidents graves précurseurs d’un crash, entraînent une situation schizophrénique : il devrait parfois se remettre en cause lui-même pour n’avoir enquêté et assuré une prévention correcte… » (pages 118 et 119).

Ryanair, n’en parlons même pas, est descendu en flammes sur un chapitre entier. Attention ici, les choses prennent une tournure violente. Quand François Nénin demande, à propos de Ryanair : « Jusqu’où ira Ryanair pour réduire ses coûts ? […] Ryanair fera-t-elle un jour payer à ses passagers l’utilisation des toboggans en cas d’évacuation d’urgence ? Absurde ? Pas tant que ça ! » (page 139) on est en droit de se demander s’il est vraiment sérieux… Air Austral pour sa part, reçoit la palme d’or avec, comme « preuves à l’appui un constat accablant de la sécurité des vols… » (page 200).

Ah ! J’oubliais ! Des hommes aussi sont mis en cause dans le livre. « Si un homme symbolise à lui seul tous les défauts de l’aéronautique à la française, c’est Bernard Ziegler : le déni face aux drames, l’orgueil. » (page 218). Plus loin, Gérard Feldzer, Paul-Louis Arslanian, Pierre-Henri Gourgeon (page 229 et suivantes) entrent directement dans le collimateur de François Nénin…

Alors que dire d’autre ? Le livre mérite d’être lu, oui ! Il est bien documenté, parfois bien argumenté. Et puis, reconnaissons-le, la sécurité en général et la sécurité aérienne en particulier sont des sujets tellement vendeurs ! A fortiori lorsque, comme le fait François Nénin, on se drape des habits d’un chevalier blanc « volant » au secours des malheureux consommateurs-passsagers-qui-ne-comprennent-pas-les-réalités-du-transport-aérien… Mais est-ce vraiment la sonnette d’alarme que tire François Nénin ? Là est toute la question. Quoi qu’il en soit, le livre « Ces avions qui nous font peur : les dossiers noirs du transport aérien » ne peut laisser indifférent.

Bruno Rivière