Les As de la chasse allemande au grand jour

Jean-Louis Roba rend hommage aux « As de la chasse de jour allemande ». La période couvre uniquement la dernière guerre, de 1939 à 1945. Les histoires ne concernent que les pilotes allemands. Et les récits ne tiennent compte que des vols effectués le jour…

On est en droit de se poser un certain nombre de questions à la lecture du dernier livre de Jean-Louis Roba « Les As de la chasse de jour allemande », paru aux Editions E-T-A-I. D’abord, est-il opportun de dresser l’apologie de la chasse allemande, les tristement célèbres escadrilles Jagdgeschwader ?

En réalité, « Les As de la chasse de jour allemande » raconte de façon très historique, parfaitement précise, voire méticuleuse, sans aucun parti-pris, les exploits des souvent très jeunes pilotes de chasse allemands. Quoi de plus normal finalement, pour un pilote militaire, que de faire son métier ? Ensuite, on peut légitimement se demander pourquoi consacrer un aussi important volume aux « as » de la chasse ? Réponse de l’auteur : « Pour la plupart privés de toute possibilité d’évasion [entre les deux guerres], les jeunes Allemands purent se consacrer totalement à la lecture. De nombreuses publications bon marché vantaient les exploits de Richthofen [une légende de l’Aviation allemande durant la Première guerre] et de ses camarades, sans oublier les nombreuses biographies d’aviateurs. D’où cette envie de voler comme ces héros pour quitter une vie morne et sans avenir… »

C’est donc tout naturellement que Jean-Louis Roba, qui a déjà signé une dizaine d’ouvrages relatifs aux combats aériens, aux avions, aux pilotes de la dernière guerre, a réuni toutes ces aventures aériennes, effectuées par des « as » connus, reconnus, ou oubliés. Enfin, on peut s’étonner que le livre ne mentionne que les pilotes des Jagdgeschwader. Là encore l’auteur précise : « dans cet ouvrage, je n’ai pu me montrer exhaustif. Je me contente donc de donner une vision globale et chronologique du sujet, entrecoupée par quelques biographies. Certains m’accuseront d’avoir négligé des pilotes tout aussi honorables. Mais, dans un espace aussi réduit, force a été de faire des choix. J’espère néanmoins, grâce à ce travail, avoir pu rendre justice à ces hommes souvent très jeunes, qui furent des soldats courageux et respectables. »

On retiendra aussi de ce livre une vision différente de la guerre, vue côté allemand, avec ses horreurs, ces drames, ces combats démesurés. On redécouvre par exemple le poids gigantesque des aviations des différents pays en guerre. Quelques chiffres : « le 22 juin 1941, la Wehrmacht pénètre en URSS. Pour affronter le géant soviétique, la Tagjagd [la chasse de jour] engage environ vingt Gruppe de chasse, soit sept cent quatre-vingt treize Bf 109 [chasseur monomoteur Messerschmitt]… La Luftwaffe revendique en ce jour fatidique, mille huit cent onze victoires… Le 23 juin, huit cents nouveaux appareils sont détruits. Le 24 juin, cent cinquante sept. Etc. »

Rédigé simplement, dans un style sobre, « Les As de la chasse de jour allemande » privilégie les images, et les Hommes. « Honneur, camaraderie et fidélité furent des mots clé de la Tagjagd. Ce qui ne peut que troubler, étonner ou intéresser à une époque où ces termes ont perdu largement leur valeur. Peu avant sa mort, Günther Wiedenbrück, le plus jeune pilote de la JG 52 en 1945 se souvenait : en 1944, je fus dans diverses écoles de perfectionnement dont Schönried, sur le lac de Constance. C’est là que j’ai tâté pour la première fois du Messerschmitt 109. Maintenant que j’y repense, nous n’étions qu’à quelques kilomètres de la Suisse neutre et il eût suffi d’un simple coup d’aile pour s’y faire interner et ne plus combattre. Et, bizarrement, aucun de nous ne l’a fait. »

Bruno Rivière