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Armée de l’Air : la quadrature du cerle

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Frédéric Lert

Aerobuzz revient sur la rencontre organisée, au salon du Bourget, par l’association des journalistes de défense avec le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’Air. Cohérence, compétence et réactivité sont les mots clef à retenir…


Le dernier Livre Blanc sur la défense et la Loi de Programmation Militaire (LPM) qui va en découler entraineront une réduction globale du format des armées à laquelle l’armée de l’Air n’échappera pas. Mais pour le général Mercier, Chef d’Etat-Major de l’Armée de l’air, plus que le format, c’est avant tout la cohérence globale de l’outil aérien qui compte : « A quoi bon avoir des centaines d’avions si l’on ne dispose pas d’une cohérence globale ? » s’interrogeait-il. L’opération Serval a montré cette cohérence dont l’armée de l’Air peut encore se féliciter.

Pour la première fois depuis longtemps, la France a été engagée dans une opération aérienne à 100% sous commandement national. L’armée de l’Air y a démontré sa capacité à agréger des moyens très différents (chasse, transport, renseignement…) décollant de sept bases séparées les unes des autres par plusieurs milliers de kilomètres. « L’opération Serval nous a également conduit à utiliser l’ensemble de nos savoir-faire, depuis le bombardement de précision jusqu’à la reconnaissance et la surveillance, en passant par le « command & control », les poser d’assaut, le parachutage de charges lourdes etc. (…) Mon objectif à l’avenir est que l’on puisse préserver et moderniser cette cohérence ».

La cohérence est aussi une affaire d’hommes et de femmes. L’armée de l’Air maintient en permanence environ un millier de personnes sur le pied de guerre, prêtes à partir en mission au coup de sifflet bref. Les équipages ne représentent qu’une petite part de ce chiffre. Serval l’a encore montré, les spécialistes des réseaux prennent aujourd’hui une importance majeure dans la conduite des opérations. « Nos spécialistes des systèmes d’information et de commandement, qui sont des gens clef pour nos opérations, ont toujours la valise à la main… » soulignait le général Mercier. « Ce qui fait de nous une grande armée de l’Air (…), ce qui impressionne le plus nos homologues, c’est notre capacité à monter des réseaux complexes ». Faire communiquer les bases, les détachements, les aéronefs, planifier les opérations, organiser les centres de commandement et de contrôle et assurer la transmission des ordres et des informations, le tout dans des conditions de sécurité et de fluidité essentielles aux opérations militaires : le défi n’est pas simple.

Autre point évoqué, celui de l’entrainement des équipages et la disponibilité des appareils. Les deux sont intimement liés. « Le format de nos armées est plus conditionné par la capacité à entretenir le matériel plutôt qu’à l’acheter » rappelait le général Mercier. Faute de budgets suffisants, l’entretien programmé des matériels est devenu une variable d’ajustement au cours des années passées, ce qui c’est traduit par un appauvrissement des stocks et une capacité insuffisante à régénérer l’activité. « Notre activité a été réduite de 20%. C’est une situation que l’on peut maintenir deux ou trois ans mais pas plus. Je suis prêt à diminuer notre format mais à condition que cela nous permette de remonter le niveau d’activité des unités de première ligne, pour qu’elles gardent cette capacité à «entrer en premier » sur un théâtre d’opération ».

Car si la réduction du nombre d’appareils est rendue acceptable par la polyvalence des avions entrant en service (le meilleur exemple étant celui du Rafale), elle se traduit également par une exigence de formation accrue pour les équipages. Dans un monde idéal, et afin d’exploiter au mieux les capacités de son avion, un pilote de Rafale devrait voler 250 heures par an. La norme affichée est actuellement de 180 heures. Mais même ce chiffre est difficile à atteindre, l’armée de l’Air reconnaissant que ses pilotes de combat sont aujourd’hui plus près de 150 heures annuelles… Un déficit que l’on retrouve également chez les transporteurs et les pilotes d’hélicoptères.

Il n’y a pourtant pas de miracle : en 2011 en Libye, en 2013 au Mali, les interventions décisives de l’armée de l’Air se sont faites avec des préavis très courts, quelques jours tout au plus. Impensable dans ces conditions de s’accorder quelques semaines de remise à niveau : aéronefs et équipages devaient être prêts, immédiatement. Avec la compétence et la cohérence évoquées plus haut, cette réactivité est une qualité essentielle que l’armée de l’Air devra à tout prix conserver dans les années à venir pour garder toute sa crédibilité.

Frédéric Lert

Le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’Air.
Le maintien des compétences des navigants, qui passe par l'allocation de suffisamment d'heures de vol, est une nécessité pour les années à venir.
Par la voix de son chef, l'armée de l'AIr ne tarit pas d'éloge sur la polyvalence du Rafale.
Un des savoir faire essentiels de l'armée de l'Air tient à sa capacité à organiser des opérations complexes très loin de ses bases.
Le remplacement des Boeing ravitailleurs hors d'âge est un chantier urgent et essentiel pour l'armée de l'Air
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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Armée de l’Air : la quadrature du cerle
    Un article qui en dit long sur les difficultes et les capacites des gouvernements a gerer la crise...
    Les armes et les hommes sont efficaces jusqu a un point en dessous duquel il ne faut pas descendre. Ce point limite ne doit pas devenir critique ni un point de non retour car il fait egalement preuve de la faiblesse d une armee. Il s agit ici d un atout strategique important sinon capital en phase de conflit.

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