F15 Coréens : La revanche du tonton flingueur.

Le pays du matin calme a annoncé que le F-15SE « Silent Eagle » restait seul en lice pour la phase 3 de la compétition F-X. Le besoin exprimé est de soixante avions pour remplacer les derniers F-4 Phantom et F-5 Tiger encore en service.

A première vue, la sélection d’un avion américain en Corée est un non événement. Une bref retour en arrière pour ceux qui l’auraient oublié : la première phase de la compétition F-X s’est tenue en 2000. Le marché portait sur 40 avions et avait mis aux prises le F-15, le Sukhoi 35, l’Eurofighter et le Rafale. Après avoir longuement ferraillé et s’être beaucoup investi dans la compétition, après être sorti premier de l’évaluation technique et après avoir été finaliste face à Boeing, Dassault avait finalement perdu.

Analysant son échec, l’avionneur français en avait déduit qu’il s’était heurté à un mur, que la pièce était écrite à l’avance et qu’il n’avait jamais eu aucune chance de l’emporter. Quelques années plus tard, la phase 2 du programme F-X vit l’achat de 20 F-15 supplémentaires puis le lancement de la phase 3. Dassault jugea inutile de participer à ce nouvel appel d’offre qui mit cette fois aux prises le F-15, l’Eurofighter et… le F-35.

Les militaires coréens auraient semble-t-il bien aimé le F-35, mais il se dit aujourd’hui que le F-15 aurait encore remporté la mise. C’est un petit tremblement de terre pour le F-35 de Lockheed Martin et une très grande nouvelle pour Boeing. Tremblement de terre parce que pour la première fois, le F-35 perd une compétition face à un appareil de génération précédente. Le chasseur bombardier de « 5ème génération » aurait perdu parce que trop cher et trop peu mature. Ca fait désordre, même si Lockheed Martin n’est pas à plaindre : son carnet de commande reste plein à craquer, en particulier dans la région Asie Pacifique.

Pour Boeing, la victoire du F-15 est une satisfaction remarquable pour deux raisons : d’abord parce que cette vente, quand elle sera confirmée, lui permettra de planifier le maintien de la ligne de production du F-15 jusqu’en 2021. Un demi-siècle, à un an près, après le premier vol de l’avion dans sa version monoplace ! Les derniers avions aujourd’hui en fabrication sont destinés à l’Arabie Saoudite qui en a récemment commandé 80 exemplaires. Mais l’autre nouvelle essentielle est que cette vente valide la stratégie de Boeing, qui a résolument opté pour la modernisation d’appareils existant (F-15 et F/A-18 Super Hornet) pour contrer l’hégémonie du F-35.

Dans le cas du F-15, Seoul vient de choisir la version « Silent Eagle » dévoilée en 2009 par Boeing. Il s’agit d’un F-15 E biplace dont les réservoirs conformes de fuselage sont remplacés par une soute à munition pouvant accueillir bombes ou missiles. Cette recherche de plus grande discrétion face au radar s’accompagne également de l’utilisation de matériaux absorbants et de quelques modifications de la forme générale de l’avion. L’appareil disposera également des commandes de vol électriques, d’un cockpit modernisé, d’un nouvel ensemble de contre mesures électroniques et d’un radar à balayage électronique et antenne active. Le F-15 est donc un quadragénaire qui porte beau et n’hésite pas à faire le coup de poing contre les nouveaux caïds pour défendre son pré carré. Et il y a fort à parier que cette revanche du tonton flingueur, portée par toute la puissance de Boeing, ne restera pas un cas isolé…

Frédéric Lert