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Défense

La Russie a perdu un avion radar A-50 Mainstay face à l’Ukraine

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Frédéric Lert

L’Ukraine revendique la destruction de l’avion radar russe ainsi que l’endommagement d’un avion de commandement Iliouchine Il22M. La perte d’un équipage complet sera non seulement difficile à combler mais aussi à encaisser moralement pour la communauté A-50. Sur le plan opérationnel, l’impact promet d’être fort ausi.

On attendait la mise en service des F-16 sous les couleurs ukrainiennes pour établir un semblant d’équilibre dans le volet aérien de la guerre en Ukraine. Il semblerait en fait que les missiles sol-air à longue portée à la disposition de Kiev, et notamment les Patriot, posent déjà de gros problèmes à l’ennemi russe. Selon les sources officielles ukrainiennes, un Beriev A-50 Mainstay russe a été abattu par une batterie de missiles sol-air le 14 janvier 2024, vers 21h, heure locale.

L’avion, qui venait de débuter sa mission, évoluait en mer d’Azov, au large de la ville de Kyrylivka, dans un espace aérien contrôlé par les forces russes. Si un A-50 a véritablement été perdu, et la Russie ne dément pas pour l’instant, les conséquences seraient lourdes pour Moscou, et ce pour plusieurs raisons. C’est en premier lieu une perte matérielle importante pour les Russes qui ont toujours été très pauvres en avions radar. Ils disposaient au début de la guerre d’une dizaine d’appareils, sur lesquels la moitié étaient considérés comme opérationnels.

Un avion de perdu, c’est donc 20% de la flotte disponible qui disparait. Le bilan est encore plus terrible sur le plan humain puisqu’un tel avion embarque une dizaine de spécialistes en plus de l’équipage de conduite. Ces spécialistes exigent une longue formation et des années d’entrainement pour acquérir un bon niveau. La communauté A-50 est sans doute très resserrée en Russie et la perte d’un équipage complet sera non seulement difficile à combler mais aussi à encaisser moralement.

Sur le plan opérationnel enfin, l’impact promet d’être fort. Il sera non seulement difficile d’organiser une permanence sur le champ de bataille avec un avion de moins, mais en plus ces avions devront être reculés plus encore pour les mettre à l’abri des missiles ukrainiens. Les forces aériennes russes ne brillent pas en Ukraine par leur volontarisme, s’aventurant rarement si ce n’est jamais au-delà de la ligne de contact. La perte d’un Awacs dans une zone qui était à priori sûre va encore plus refroidir leurs ardeurs.

En s’éloignant encore plus du front, les avions de renseignement et de surveillance fourniront un travail de moindre qualité et précision, avec par exemple un préavis réduit face aux attaques de missiles de croisière contre la Crimée et les ports de la marine russe. Leur impact sur le champ de bataille sera de ce fait amoindri.

A noter que les Ukrainiens font état d’une escorte de chasseurs qui se serait très vite retirée de la zone après la destruction du Beriev. Cette information montre que les Ukrainiens, sans doute aidés par la surveillance des appareils de l’OTAN, suivent de très près les mouvements russes. Ils étudient les tactiques et habitudes de leurs adversaires et savent les surprendre le moment venu. A contrario, si cette victoire a bien été obtenue par une batterie de missiles à longue portée, cela veut dire que les Russes n’avaient pas su détecter sa présence sans doute près du front pour lui permettre d’aller cherche un objectif aussi lointain. Une centaine de kilomètres sépare le front de la mer d’Azov. Si l’on ajoute que la batterie n’était certainement pas collée à la ligne de contact et que l’avion n’évoluait pas non plus sur le trait de côte, on parle d’une interception a minima à 150 ou 200 km de distance.

Cette opération se place dans la continuité des coups de main réussis ces derniers mois par les Ukrainiens en déplaçant rapidement et discrètement leurs batteries. En mai 2023, plusieurs chasseurs et hélicoptères russes ont fait les frais de cette tactique dans le nord-est du pays. Plus près de nous, en décembre 2023, trois Sukhoi Su-34 ont été abattus en succession rapide sur le front de Kherson, dans une zone où ils se pensaient sans doute en relative sécurité.

Bonus de très grande valeur pour les Ukrainiens, un Iliouchine Il22M aurait également été touché le 14 janvier 2024 alors qu’il évoluait, peut-être en lien avec le Mainstay, dans l’ouest de la mer d’Azov. Bien qu’endommagé et avec des blessés à bord, l’avion serait toutefois parvenu à revenir se poser sur la terre ferme.

L’Il22M est un avion de commandement servant également de relais de communications, avec une dizaine d’opérateur à bord. Le 17 septembre 2018, un Iliouchine Il20M avec une équipage de quinze personnes avait été perdu au large de la base russe de Latakia en Syrie, victime d’un tir fratricide. L’hypothèse d’un tel tir le 14 janvier 2024 sur la mer d’Azov peut être envisagée mais reste hautement improbable. Le 24 juin 2023, un Il22 avait été abattu, cette fois par la milice Wagner dans sa tentative de coup d’état. Un tir fratricide, volontaire et d’une autre nature en quelque sorte.

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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  • "... un Beriev A-50 Mainstay russe a été abattu par une batterie de missiles sol-air ..."
    je me permets de compléter :
    "... un Beriev A-50 Mainstay russe a été abattu par une batterie de missiles sol-air américaine, du genre Patriot ..."

    • bonsoir Anemometrix, je n'ai pas de certitude sur le type exact de missile. Mais effectivement, s'il s'agissait d'une batterie de Patriot, on pourrait dire qu'elle est de fabrication américaine. S'il s'agissait au contraire de S300 ou S400, on pourrait inversement préciser qu'elle est de fabrication russe.

      • Bonjour Frédéric Lert, l'avion russe a été abattu par un missile américain.
        L'étape suivante est envisageable : un avion américain abattu par un missile russe, Poutine considérant que l'Ukraine n'est qu'un intermédiaire au service des USA, justifiant la riposte.
        Les occasions ne manquent pas, avions russes et américains ayant l'habitude de rencontres "amicales" aux frontières de leurs espaces aériens.
        Si cette nouvelle étape est franchie, quelle sera la suivante ?

        • bonjour Anemometrix, votre certitude quant à la provenance du missile vous honore. Quant à attaquer le pays qui fournit la munition... 31 pays fournissent armes et munitions à l'Ukraine. S'ils devaient suivre votre logique, les Russes auraient du pain sur la planche !

          • Bonjour Frédéric Lert, sauf si ma logique donne à penser que ces 31 pays sont des affidés de l'Oncle Sam ... Mensonges et corruption sont au coeur de ce conflit. France-Soir publie un article édifiant sur ce sujet.
            Alors oui, un chef dur comme l'est Poutine peut aller plus loin et abattre un avion américain.... ou autre cible bien choisie.
            D'autant plus que la situation politique tourne à son avantage. La côte de Poutine est confortable en Russie, celle de Biden vacille dans une procédure d'impeachment à hauts risques ...
            En attendant l'entrée en scène des F16 ...

        • Pourquoi maintenant les belligérants s'en prendraient-ils aux fabricants des armes utilisées contre eux ? Est ce que les fabricants de couteaux sont inquiétés parce qu'un assassin a utilisé un de leurs couteaux pour tuer ?
          Les AWACS utilisés en Ukraine par les alliers de l'Ukraine volent en dehors de l'espace aérien de celle-ci donc dans l'espace aérien de nations appartenant à l'OTAN aussi les russes regarderont je pense à trois fois avant de les viser avec un missile.

          • C'est une des dures lois de la guerre : les amis de nos ennemis sont nos ennemis.
            Si un AWACS US avait été abattu par un missile nord-coréen largué d'un Mig russe que ce serait-il passé ?
            Au petit jeu malsain de l'escalade ce scénario se rapproche.
            Je suis d'accord avec vous, Stanloc, l'OTAN protège encore d'une marche pas encore franchie.

  • Oon peut penser que ces avions (en retrait du front), qu'il soient russes ou de l'OTAN seront à l'avenir très fragiles devant des missiles à longue portée, c'est inévitable...

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