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Un nouveau Grand Duc pour l’Aéronavale

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Frédéric Lert

Invaincu depuis 2005, le record du plus grand nombre d’appontages de nuit de l’Aéronavale vient de tomber. Dans la nuit du 5 au 6 avril 2014, en effectuant son 221ème appontage de nuit sur le porte-avions Charles-de-Gaulle, aux commandes d’un Super Etendard Modernisé, le Lieutenant de Vaisseau Tino est devenu le nouveau « Grand Duc ».


Dans l’aéronavale, un pilote qualifié aux appontages de nuit est un « Hibou ». Et quand il détient le record historique du nombre d’appontages de nuit, il change de catégorie et devient LE Grand Duc. Samedi dernier, cet honneur est échu au Lieutenant de Vaisseau « Tino », pilote de Super Etendard Modernisé (SEM) de 36 ans au sein de la flottille 17F. Avec style et panache, le LV Tino a accumulé 221 appontages de nuit dans l’ensemble de sa carrière. Le précédent record, 220 appontages, était détenu depuis 2005 par le capitaine de frégate Méjean. Si l’on remonte un peu plus loin dans l’histoire de l’aéronavale, le titre appartenait au capitaine de corvette Philippe Degletagne, légendaire pilote de Crusader. (219 appontages de nuit en 18 ans de flottille).

Officiellement, le record ne peut être battu que si le précédent détenteur donne son accord. A la 17F, on assure que l’autorisation sera demandée rétroactivement au CF Méjean. On ne plaisante pas avec les traditions dans la Royale…

L’appontage de nuit, acte exceptionnel de bravoure et réservé à une certaine élite au temps des ancêtres, s’est banalisé ces 20 dernières années. Il est aujourd’hui totalement entré dans les mœurs, à tel point que sauf exception tous les pilotes des flottilles deviennent Hibou à un moment ou à un autre de leur carrière. Le pré requis est de 60 heures de vol sur la machine, avec un minimum de dix séances d’ASSP (Appontages Simulés sur Piste) de nuit, comprenant chacune au moins six présentations.

« Je suis devenu Hibou dès que j’ai été équipier opérationnel (NDA : le premier stade de la progression du pilote de combat), parce qu’il y avait un besoin » explique Tino. « De nos jours, les opérations de nuit font partie de notre quotidien. J’en suis maintenant à 221 appontages de nuit pour 540 de jour, un ratio un tiers-deux tiers qui n’a rien d’exceptionnel ». Voyons maintenant comment se passe un appontage de nuit. L’esprit cartésien aurait tendance à penser que c’est comme l’appontage de jour, sauf qu’il fait nuit. La réalité est un peu plus complexe, surtout sur SEM.

De jour, le pilote arrive au break, entre dans le circuit et effectue son approche finale en utilisant de préférence le miroir d’appontage. De nuit, le break est très peu pratiqué, la préférence étant donnée à une arrivée sur longue finale, un contrôleur guidant l’avion jusqu’à une altitude de 350 ft : c’est le CCA (Carrier Control Approach). Pour un pilote en cours de qualification, la courte finale se gère obligatoirement au viseur avec l’automanette se chargeant de maintenir les 13,8° d’incidence requis. Une fois qualifié, le pilote aura de nouveau le choix entre viseur et miroir pour gérer sa finale. Dans tous les cas, la puissance un peu faiblarde de l’Atar 8K50 et l’avion qui apponte à 1,1 fois la vitesse de décrochage exige une attention maximale. Précisons aussi que le cockpit du SEM ne présente par une ergonomie optimale pour ce sport : l’éclairage du tableau de bord est difficile à régler, si bien que les pilotes utilisent une petite lampe fixée sur un doigt pour éclairer les instruments et vérifier qu’ils tripotent bien les bons interrupteurs… En bonne logique, les actions les plus simples demandent de nuit trois fois plus de temps que de jour.

Pour le LV Tino, l’appontage qui lui offre son record à un parfum aigre doux. Sauf cataclysme mondial, il devrait en effet s’agir de son dernier appontage de nuit aux commandes d’un chasseur. Entré dans la marine en 1999, il a été breveté pilote de combat et est arrivé en flottille en février 2004. Motivé par le défi de l’appontage, il a depuis été largement récompensé de ses efforts… Il a participé aux opérations en Afghanistan et en Lybie principalement au sein de la 17F, avec une petite infidélité d’un an et demi au profit de la flottille 11F quand celle-ci était également équipée de SEM. Il affiche à ce jour 2.700 heures de vol, dont 1.800 sur SEM et 450 de nuit sur le chasseur-bombardier. Sa carrière va à présent le conduire au sein à la division appontage du Centex GAE (Centre d’expertise du Groupe Aérien Embarqué), repaire des officiers d’appontage (OA) d’où il pourra faire profiter les autres pilotes de son savoir-faire. Les OA continuent de voler de jour comme de nuit. Ils peuvent apponter de jour mais sauf exception perdent leur qualification d’appontage de nuit, trop contraignante à entretenir.

Frédéric Lert

Un SEM de nuit sur le pont du Charles de Gaulle.
Un appontage photographié en pose longue, avec la gerbe d’étincelle créée par l’impact de la crosse sur le pont d’envol.
Tino avec la bouée décorée sans laquelle rien ne peut être célébré dans l’aéronavale…
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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Un nouveau Grand Duc pour l’Aéronavale
    Un grand bravo à Tino, pilote croisé à la 11F, pour qui j'ai toujours eu un profond respect. D'un calme olympien et toujours respectueux pour les techs, je lui tire mon chapeau !

  • Un nouveau Grand Duc pour l’Aéronavale
    bravo pour le grand duc !!!!! mes respects aux courageux pilotes, ces fous volants sur leurs drôles de vieilles machines qui font des miracles. Mon admiration va aussi à ceux qui arrivent à faire en sorte que ces antiquités sous motorisées puissent encore voler ! Je pense que c'est cela l'excellence française, faire beaucoup avec pas grand chose. Les marins, connus pour leur manie de faire de longues phrases devraient aussi l'être pour amour des vieilles choses (crusader, super étendard) et leur efficacité en toutes circonstances. Bravo et encore bravo ! je souhaiterais voir en commentaire un pilote expliquer ce qu'il ressent lors d'un appontage de nuit si possible il parait que c'est très flippant !

  • Un nouveau Grand Duc pour l’Aéronavale
    Beau texte et surtout, bel esprit de naval aviator... dans la lignée du grand Ramon Josas.

  • Un nouveau Grand Duc pour l’Aéronavale
    Ca vole encore ces vieux zincs, je croyais que le Rafale les avait pousse vers la sortie.
    En tous cas, chapeau bas.

  • Un nouveau Grand Duc pour l’Aéronavale
    Bravo au Nouveau Grand Duc! Surtout sur SEM, ce sera probablement moins "difficile" pour le prochain Grand Duc sur Rafale, sans enlever de mérite à ce dernier.

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