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Dépose minute

A l’Est rien de nouveau

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Gil Roy

En début de semaine, les forces ukrainiennes auraient abattu un Mig-35. Le Mig-35 est l’un des fleurons de l’aviation militaire russe, l’avion de combat multirôle de la génération dite « 4++ » selon Wikipédia. Si l’information est vérifiée, ce serait une première. Les Russes auraient aussitôt démenti en affirmant qu’il s’agissait en fait d’un Su-27 ukrainien. Entre Mig-35 russe et Su-27 ukrainien, le débat s’est emballé sur les réseaux sociaux. Faute de pouvoir confirmer ou infirmer cette information, nous nous sommes gardés de la relayer.

La semaine précédente, ce sont les missiles hypersoniques qui avaient mobilisé les réseaux sociaux et les chaines d’information en continu. L’arme absolue par excellence contre laquelle il n’existe aucune parade. Mach 10 pour le Kinja. Mach 27 pour l’Avangard. Le fantasme des Wunderwaffen réactualisé.

L’armée russe avait dit les avoir utilisés pour détruire un dépôt de munitions, à l’ouest de l’Ukraine. C’est évidemment un peu court pour prouver la véracité des faits. Mais c’est suffisant pour enflammer les esprits et alimenter les réseaux sociaux.

La seule certitude est que les américains ne maîtrisent pas encore cette arme « invincible ». « Invincible » autant qu’invisible, ce qui rend l’information impossible à recouper. Une fois de plus, nous avons choisi de passer notre tour…

Depuis le début de la guerre, vous l’aurez, aussi, sans doute remarqué, les hélicoptères russes sont omniprésents sur le champ de bataille et les réseaux sociaux, mais absents d’Aerobuzz.fr. Les blogueurs tiennent la comptabilité des pertes. Une comptabilité étayée par des vidéos dont il est souvent délicat d’identifier l’origine. Peu importe leur provenance pourvu qu’on ait des images. Sans nous…

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, nous résistons à la tentation de nous jeter dans la mêlée pour faire exploser nos scores. Parce qu’en définitive, pour beaucoup, c’est au nombre de vues que se mesure l’influence d’un média. Et pour garder la tête haute, il suffit de mettre un point d’interrogation au bout d’un titre ou d’adopter le conditionnel. Trop facile…

Malheureusement ce subterfuge fonctionne auprès de ceux, de plus en plus nombreux qui prennent « internet pour une source alors que c’est un tuyau »J’emprunte cette expression à Thomas Legrand qui l’a utilisée dans son éditorial politique sur France Inter, le 29 mars 2022 à 7h43, et qui a mon avis résume bien le problème Mais c’est aussi par ce tuyau que sont diffusées les informations des journalistes russes qui ont rejoint la clandestinité après l’interdiction de paraître de leurs médias. Pas facile de faire le tri…

Alors ? Mig-35 russe ou Su-27 ukrainien ? Ce n’est pas à vous que j’apprendrai que « La vérité est la première victime d’une guerre ». C’était déjà vrai avant Twitter ! Avant YouTube…

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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  • Merci beaucoup à toute la rédaction d'Aérobuzz de ne jamais tomber dans le piège et la facilité du buzz, mais simplement de nous donner l'info juste, précise, et la plus complète possible.
    C'est ça que j'aime chez vous et c'est pourquoi je vous lis si régulièrement.

  • Un rappel plein de sagesse, de la part d'un journaliste qui aime son métier.

    Permettez-moi d'ajouter quelques points, dont vous pourrez faire ce que vous voulez.

    L'information va très vite, trop vite. Un cerveau humain "normal" n'est pas capable d'en traiter autant, si vite, ce qui provoque du stress. Il est de plus difficile de la vérifier en temps réel, ce qui ajoute du stress. Ce qu'il se passe en Ukraine est très difficile à savoir. Même mes amis, qui sont restés sur place, n'ont que leur vision locale de la chose ; pour des raisons assez évidentes, il est interdit de filmer dans la rue (plus de caméras embarquées - daschcams - interdiction de filmer dans la rue avec son téléphone...), donc pas facile d'avoir des sources que l'on pourrait qualifier de "neutres".

    Si je peux me permettre un conseil, c'est de réduire le rythme de sa consommation d'information.
    Il faut voir les choses en face : que l'on suive les informations en continu ou une fois aux deux jours par exemple, ne changera rien à la situation, vous ne pourrez rien faire de plus. En revanche, en deux jours, les rédactions ont le temps de nettoyer les informations qu'elles ont publiées à la va vite.

    De même, attention aux experts qui commentent la situation à partir de documents dont ils ne peuvent vérifier l'authenticité. Des gens comme P.H - Ate - Chuet ont au moins l'honnêteté de prévenir avant leurs interventions, mais tous ne le font pas.

    Pour ce qui est d'Aerobuzz, je ne m'inquiète pas - l'expérience est là, la qualité aussi.

    • Bonjour. Il est interdit, en Ukraine, de filmer les dispositifs... militaires. Des citoyens filment et photographient les sujets non militaires. Bien sûr, pas à la gloire de l'armée russe. Par ailleurs, il est évident que la surconsommation de chaînes d'info est à déconseiller. Chez les experts, un homme comme Goya paraît fort réfléchi.

  • Merci Gil pour cette chronique sincère et objective. chez Aerobuzz, il y a des vrais journalistes.
    bravo

  • Oui, fort bien dit. Journalisme et réseaux sociaux impliquent un esprit et des activités différents. Et il est certain que, pour la précision technique sur les matériels militaires, il est risqué de faire confiance aux réseaux! Mais, pour certains témoignages sur le terrain (et depuis l'espace), les recoupements et la géolocalisation s'effectuent de plus en plus. Et les vidéos et photos par Internet "parlent", dramatiquement. Ils peuvent constituer une aide à l'information globale, ainsi que le dit notamment le général Paloméros. Cette guerre constitue vraiment un tournant historique par son caractère, primitif et parallèlement connecté: si traditionnel par la "doctrine" russo-soviétique (artillerie, missiles, chars, intendance médiocre) et si contemporain par le rôle des réseaux sociaux, l'un des atouts des Ukrainiens.

    • Comme je l'ai mentionné dans mon post plus haut, il est strictement interdit de filmer la rue actuellement en Ukraine. Pas de Dashcam, pas de vidéo prise au téléphone et encore moins de vue par drone. Dans le meilleur des cas, vous pouvez vous en sortir avec une réprimande, au pire être accusé d'espionnage pour le compte de l'ennemi.
      Quant au Général Paloméros, comment dire... non rien ; il n'y a rien à dire de positif à son sujet.

  • Bien dit 👍
    Cliquons sans relâche sur ce fil pour en mettre les stats au niveau qu'il mérite 🤗

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