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Dépose minute

« Déglobalisation »

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Gil Roy
© Vincent / Aerobuzz.fr

30% ! Aux yeux de la Chine, le pire a été évité. Un ouf de soulagement aux relents de victoire à la Pyrrhus. Donald Trump voulait initialement monter les droits de douane sur les produits chinois importés aux USA à 145%. En bon négociateur, il est parvenu à imposer une augmentation encore inimaginable, il y a quelques semaines, tout en faisant croire à son adversaire que c’est lui qui avait remporté le bras de fer. Chapeau l’artiste !

Si un bond de 30% apparaît comme un moindre mal vu de Beijing, l’industrie aéronautique européenne et en particulier française tremble à l’idée du doublement de la taxation actuelle de ses exportations vers les USA. Elle n’a pas fini de digérer l’instauration récente des 10%. Elle va devoir souffrir encore quelques semaines pour savoir à quelle sauce elle va être dévorée par l’ogre de la Maison Blanche. Déjà 10% c’est beaucoup vu de Toulouse, alors 20%, ce serait une catastrophe pour ses sous-traitants.

Pour le président du GIFAS qui regroupe plus de 500 entreprises françaises de toute taille, l’erreur serait que l’Europe, riposte en décidant d’aligner ses taux sur ceux de l’administration américaine. Ce risque, la filière aéronautique française le prend au sérieux. Guillaume Faury va jusqu’à parler de « déglobalisation ». A vouloir ériger des barrières de plus en plus hautes pour protéger leurs industriels, les états les enferment sur leur marché domestique. C’est la fin de la mondialisation, le retour à la régionalisation. Quelle sera alors la place, voire l’utilité, du transport aérien dans un monde fractionné, qui n’a plus d’échange ?

Il y a une quinzaine d’années, l’ONERA a évoqué l’hypothèse d’un monde fracturé. C’était à l’occasion d’une étude prospective sur l’évolution du transport aérien à l’horizon 2050. Un travail destiné à orienter la recherche. Quatre scénarios étaient envisagés. Il en découlait pour chacun des options technologiques spécifiques pour anticiper ces évolutions.

Le premier scénario tablait sur une poursuite sans entrave du transport aérien actuel. Le deuxième intégrait la prise en compte du respect de l’environnement. Le troisième s’inscrivait dans un monde qui fonctionnait sans énergies fossiles. Et le quatrième offrait une vision géopolitique inédite cauchemardesque. « Le monde s’est scindé en blocs distincts à l’issue de crises politiques et économiques majeures en partie causées par une inégalité face aux conséquences du réchauffement climatique global et à l’accès à l’énergie. », expliquait l’ONERA.

A l’époque, les chercheurs avaient synthétisé diverses études prospectives européennes et nord-américaines pour aboutir à la description d’un monde apocalyptique ; « chacun replié chez soi, pour adopter ses propres solutions en fonction des valeurs dont il se sent porteur. » Un scénario aussi improbable hier que des droits de douane à 145% aujourd’hui. Et encore, l’ONERA n’avait pas pris en compte le paramètre Trump.

Guillaume Faury, qui est aussi le PDG d’Airbus, se veut rassurant en soulignant que le marché non américain représente 80% des échanges, que son groupe s’est fortement régionalisé. Ses dix lignes d’assemblage final d’avions commerciaux sont réparties sur les trois grands marchés : Europe, Etats-Unis et Chine. Autrement dit, Airbus est présent dans les trois « blocs » émergeants.

D’ici quelques jours, à l’occasion du salon aéronautique du Bourget, fidèles à leur habitude, Airbus, Boeing, Honeywell et les autres poids-lourds de la filière confirmerons leur foi en l’avenir en rendant publics leurs études prospectives sur les besoins mondiaux d’avions commerciaux pour les décennies à venir. A prévoir des ajustements à la marge par rapport aux études antérieures, pour tenir compte des tensions actuelles, mais sans doute pas de remise en question de la courbe de croissance. Pas de panique !

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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