Publicité
Dépose minute

La Reine, le Roi et les Canards sauvages

Published by
Frédéric Lert
© Vincent / Aerobuzz.fr

J’aime bien les Britanniques. Ils ont fait des choses formidables par le passé : les Beatles, l’Hovercraft, la Reliant Robin à trois roues et j’en oublie… Depuis quelque temps, ils nous sauvent de l’embarras en faisant pire que nous et c’est à ça qu’on reconnait les vrais amis.

Prenez leurs porte-aéronefs : deux belles bêtes de 65.000 tonnes, le Queen Elizabeth II et le Prince of Wales. Début novembre, pendant que le premier tournait en Mer du Nord avec huit F-35B à bord, l’autre faisait des ronds dans l’eau sur une mer d’huile au large de la Virginie pour travailler avec les Américains à diverses expérimentations.

Il y a d’abord eu les essais RVL (Rolling Vertical Landing) de nuit avec un F-35B. Le RVL est un appontage roulé qui permettra au F-35B de ramener à bord des charges lourdes, comme par exemple des missiles de croisière non tirés. La Royal Navy est très fière d’avoir développé cette capacité. Comme disent les jeunes, c’est cool. Vous verrez que dans quelques années, quelqu’un  chez eux aura l’idée d’installer un pont oblique, des brins d’arrêts et des catapultes sur le QEII, et là ce sera véritablement orgasmique ! Mais n’allons pas trop vite…

Après les essais RVL est arrivé le plat de résistance de la tournée américaine du QEII : les essais du drone Mojave de General Atomics depuis le pont plat. Et là, les militaires britanniques étaient chauds comme du magma islandais. Le Mojave est un drone MALE, dérivé du MQ-1C Gray Eagle développé pour l’US Army, lui même un cousin du MQ-9 Reaper. Une belle bête le Mojave, une bonne tête de guerrier avec son train renforcé et sa voilure musclée, une sorte de Jaguar à hélice du 21ème siècle.

Le 15 novembre dernier, le Mojave a donc été tracté en extrémité de pont puis il a mis en route sa turbine Rolls Royce et il a pris l’air en moins de cent mètres. Pour éviter le tremplin en bout de pont, il a décollé en biais. Malin ! Il a tourné quelques minutes autour de bateau avant de revenir se poser. Attention : l’appareil ne s’est pas posé seul, il était controlé par des pilotes à distance installés sur le bateau. Et pour ne prendre aucun risque, tout le pont était pour lui : l’équivalent de trois terrains de foot en acier haute résistance.

Comme il fallait donner un air de victoire chèrement acquise à l’affaire, les britanniques ont déclaré que c’était la première fois qu’un drone de cette taille avait opéré depuis un porte-avions en dehors des Etats-Unis. So what ? Un amiral y est allé de son couplet lyrique : « La Grande-Bretagne est fière de prendre le leadership d’une initiative qui libère le potentiel à long terme du porte avions »

Allez, on va être bon joueur et reconnaitre que l’appontage d’un engin sans pilote n’est jamais une affaire simple. Pour faire atterrir la chose sans décapiter personne, il faut savoir se dépatouiller de la chaude ambiance électromagnétique qui règne sur le bateau. Mais être beau joueur n’empêche pas d’avoir de la mémoire : en 1964, les Américains faisaient apponter un U-2 sur l’USS Ranger pour aller espionner les essais atomiques français dans le Pacifique. L’année précédente, ils avaient multiplié les touch and go de C-130 Hercules sur le Forrestal.

Plus près de nous, dans la deuxième moitié des années 1980, ils utilisèrent des drones Pioneer, 5m d’envergure, depuis les cuirassés de la classe Iowa. Départ propulsé par une fusée, retour dans un filet, le tout avec un espace libre un peu plus grand qu’une table de ping pong à l’arrière du bateau. Et puis à partir de 2013, X-47B et MQ-25 se sont succédés sur les ponts plats américains.

Alors d’accord, c’est bien de chercher une utilité aux porte-avions sans avions, mais faudrait tout de même pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages…

Publicité
Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

Share
Published by
Frédéric Lert

Recent Posts

Turbulences mortelles à bord d’un 777 de Singapore Airlines

Le vol Singapore Airlines SQ321, reliant Londres-Heathrow à Singapour, a rencontré de graves turbulences en… Read More

21 mai 2024

Heart Aerospace redéfinit (encore) l’ES-30

La start-up suédoise Heart Aerospace a présenté une troisième version de son avion régional. L'ES-19… Read More

21 mai 2024

Le Cessna Skycourier « combi » obtient la certification FAA

Textron Aviation, propriétaire de Cessna, vient de se voir accorder la certification pour l'option de… Read More

21 mai 2024

Embraer double ses capacités sur l’aéroport du Bourget

Embraer et sa filiale Eve Air Mobility (Eve) ont signé avec - le Groupe ADP… Read More

21 mai 2024

600 recrutements chez Transavia en 2024

Transavia recherche 150 pilotes à travers la filière de recrutement d’Air France, et plus de… Read More

21 mai 2024

Les traînées de condensation, le nouvel enjeu environnemental pour l’aviation

Ce mardi 21 mai, sur Jump Seat, nous parlerons des traînées de condensation, ces fins… Read More

21 mai 2024
Publicité