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Concorde, dix ans déjà !

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Pierre Sparaco

Cela fait tout juste dix ans que Concorde a été retiré du service commercial. L’anniversaire est passé inaperçu. Pourtant l’industrie aéronautique européenne doit beaucoup au supersonique franco-britannique qui occupe une place à part dans le cœur des passionnés d’aviation…

Jacques Hérubel, ingénieur retraité d’Aerospatiale, ultime acteur de la saga Concorde mis en examen après l’accident de 2000, a été relaxé par la Cour d’appel de Versailles. Henri Perrier n’est malheureusement plus là pour partager la satisfaction de tous ceux qui ont participé à l’extraordinaire saga du transport supersonique franco-britannique et sont soulagés de voir enfin se terminer les épisodes judiciaires de Pontoise et Versailles.

Le dossier est refermé une fois pour toutes très exactement 10 ans après l’arrêt définitif des vols. Un cap décennal symbolique, finalement sans grande signification, le « bel oiseau blanc » étant de toute manière assuré de garder une place essentielle au cœur de la communauté aéronautique internationale. On ne dira jamais assez à quel point il a bien servi la France, le Royaume-Uni, l’industrie du transport aérien, malgré son échec industriel et la catastrophe de Gonesse de juillet 2000. Mieux, l’icône s’est imperceptiblement transformé en mythe, cela après avoir rendu un service immense à l’industrie aéronautique du Vieux Continent : Concorde lui a rendu confiance en elle-même, a éloquemment prouvé qu’elle était capable de mener à bien les programmes les plus ambitieux, de reconquérir une place de choix sur le marché mondial des avions commerciaux. Aujourd’hui, chaque succès d’Airbus en témoigne.

Reste à savoir comment gérer l’héritage dans la durée. André Turcat, que nous avons interrogé cette semaine sur la vraie-fausse signification de cet anniversaire, a témoigné de son habituel bon sens : « je suis peu porté à célébrer les arrêts plutôt que les perspectives d’avenir ». Et, en attendant mieux, il verrait volontiers des avions d’affaires supersoniques prendre la relève, par exemple le SSBJ de Dassault Aviation. Mais, on le sait, aucun moteur adéquat n’est actuellement disponible pour le propulser cet hypothétique Falcon Mach 2.

Entre-temps, faudrait-il remettre un Concorde en état de vol ? Le présenter lors de grands meetings aériens, au salon du Bourget, à Farnborough ? « Finalement, pour quoi faire ? » demande André Turcat. Une perplexité que l’on retrouve dans le commentaire de Pierre Grange, président de l’Apcos, Association des professionnels de Concorde et du supersonique.

Certes, chacun se souvient de l’idée lancée par Gérard Feldzer à l’époque où il dirigeait le musée du Bourget. En un deuxième temps, enthousiaste audacieux, il avait limité sa proposition à des roulages, comme s’il s’agissait de mieux entretenir la nostalgie. Mais, là encore, pour quoi faire ? Bien sûr, on peut rétorquer qu’un groupe d’enthousiastes anglais a remis en vol un bombardier stratégique Avro Vulcan. Dès lors, pourquoi pas un Concorde ? Mais, c’est Pierre Grange qui le fait remarquer, le Vulcan est un avion simple par rapport à Concorde. Et d’ajouter, ce qui va de soi, qu’il faudrait réunir des fonds importants, obtenir l’aide d’EADS, Snecma, Rolls-Royce, etc. A vrai dire, l’idée n’est tout simplement pas raisonnable, voire irréalisable.

En revanche, comme le font l’Apcos et quelques autres, il est important d’entretenir la mémoire du programme Concorde et ses effets bénéfiques dans le long terme. Et c’est maintenant qu’il faut le faire, compte tenu de l’outrage des temps. Eternel, Concorde apparaît souvent comme intemporel, au point de faire oublier que le programme a été lancé en novembre 1962, il y a plus d’un demi-siècle. Nombre de ses responsables ont évidemment disparu, les témoignages se font inévitablement rares. Reste le fait, indéniable, que Concorde demeure parmi nous, inoubliable.

Pierre Sparaco

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Pierre Sparaco

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  • Concorde, dix ans déjà !
    Une information essentielle qui à elle seule justifie l'échec de Concorde et de n'importe quel autre avion, que l'on ne retrouve nulle part c'est "L'INTERDICTION DE VOLER EN VITESSE SUPERSONNIQUE SUR LES TERRITOIRES" Il est possible que ce soit les USA,qui les premiers aient décrété cette restriction,mais comme ce qui est nouveau aux USA arrive en Europe et ailleurs 8à10ans plus tard,cette restriction est auourd'hui universelle.Malgré mes 80ans,je suis "jeune internaute".Je lis tous les forums,et constate que certains ont des connaissances assez étendues sur l'aéronautique,mais d'autres,les plus franchouillards,et les plus virulents contre les USA ont des connaissances en aéronautique à peu près du même que les miennes sur la culture des rutabagas aux iles vierges

  • Concorde, dix ans déjà !
    Bonjour,

    Merci Mr Sparaco pour votre texte.
    Merci Mr Pinlet pour votre analyse.

    Il faut en effet convaincre les décideurs.

  • Concorde, dix ans déjà !
    Bonjour,

    Les pros sont les seuls à même de pouvoir satisfaire les rêves des passionnés car il arrive qu’ils cumulent plusieurs étiquettes, la réciproque est rarement (pour ne pas dire jamais) vraie par contre.
    Le passionné (les), et c’est ma conviction personnelle, a (ont) tout pour se ramasser en beauté un jour ou l’autre sur un sujet complexe, et d’ailleurs en aviation les exemples ne manquent pas.

    Merci pour votre texte Monsieur Sparaco, d’une logique élémentaire, item N°1 pour comprendre comment ça fonctionnait (temps passé) avec Concorde.
    FrançoisS

  • Concorde, dix ans déjà !
    Bonjour,

    Avant tout merci pour ce texte qui n'oublie pas Concorde, et qui par les commentaires qu'il suscite nous démontre la passion intemporelle sur l'oiseau blanc aussi bien en France qu'au Royaume-Uni.

    On constate toutefois de flagrantes différences entre les deux pays, avec avouons le, un Royaume-Uni qui s'occupe plus de Concorde qu'une France bien trop calme, et on pourrait analyser le "pourquoi faire" d'André Turcat, non pas par une volonté de rien faire pour Concorde, mais qui sait d'une façon déguisée de dire " ne surtout pas faire pire que maintenant..." Le texte de Frédéric Pinlet est un manifeste pour l'ambition, l'avenir aussi bien de nos machines que de nous les humains... Donner un sens, une action à l'avenir n'est pas une honte au contraire... et l'histoire nous l'a montré les grands projets ont toujours apporté travail, argent aux citoyens... Concorde est un exemple pour tous, et comme cela a été si bien rappeler Concorde ce n'est pas que le 25 juillet 2000 c'est 27 ans de carrière supersonique, 98% de ponctualité commerciale, plus de 3 millions de passagers au dessus du Mach, et surtout des dérivés technologiques et commerciaux dans des millions de domaine, sans Concorde pas de TGV, sans Concorde pas de joystick sur les Airbus...etc, et tout cela génère nettement plus encore que la petite production du supersonique en lui-même... Alors pourquoi pas refaire voler Concorde, pour redonner du ciel bleu dans nos vies, Airbus and Co n'auraient pas de soucis à trouver les moyens (on va bien mettre 500 M€ par an au PSG), le financement est un faux problème, la volonté d'agir est le vrai problème car on préfère laisser les gens sans rêves, dans les vices et les agios bancaires... Alors oui à Concorde et aussi oui à son successeur, oui aux études de chez Dassault, car on doit être fier de notre industrie aéronautique depuis toujours... Paul administrateur du dernier forum Concorde francophone http://www.af001.com

  • Concorde, dix ans déjà !
    Ce qui est intéressant avec Concorde, c'est qu'en fait, la "concorde" allait au delà du couple France-RU.

    Certaines archives du renseignements russes ayant été libérées il y a quelques années, on a pu découvrir plein de petites anecdotes sympathiques qui montrent le respect mutuel entre les ingénieurs Français et Soviétiques.

    Par exemple, le TU-134 doit son existence au fait que Khruchtchev, qui adorait les avions, avait été invité à voler sur une Caravelle, expérience qui l'a bluffé.

    De même, on a beaucoup parlé d'espionnage sur le sujet Concorde VS TU-144.

    Là encore, des documents montrent des conversations informelles entre ingénieurs soviétiques et français sur les choix techniques, sur la disposition des moteurs par exemples ; les européens privilégiant une disposition sous les ailes pour réduire le bruit et les vibrations, les russes une disposition plus proche de la carlingue pour réduire les risques en cas d'extinction moteur.

    Quand on pense que tout cela, c'était il y a plus de 40 ans, et que la plupart des avions de combat actuels n'atteignent pas ce niveau de performances, cela reste tout à fait incroyable.

    Bon, ce soir, je me fais un petit Airport 80 Concorde, avec Alain Delon ;)

  • Parfait
    Le post de Monsieur Pinlet est une merveille d'analyse et de sensibilite. Un grand merci.
    Et que le "vent tourne" tres vite !
    Sortons de cette vrille cauchemardesque dans laquelle est engagee la France.
    L'on peut encore le faire...
    La vrille n'est pas mortelle...C'est le sol...
    Mais ... nous sommes deja tres bas !

  • Concorde, dix ans déjà !
    ce bel oiseau blanc, nous apporte toute la grande technologie de ces ingénieurs de l' aviation, et ce n'est
    pas fini!!!!! j'ai un âge certain, et ce dernier et gravé dans
    ma mémoire!!!!!!! et un grand bravo pour les pilotes qui
    ont apprivoisés ce bel oiseau

  • Concorde, dix ans déjà !
    Soixante-quinze années seulement séparent le premier vol de Clément Ader de celui de "Concorde".
    Une épopée tellement au-delà de son temps qu'elle nous fait rêver encore aujourdh'ui.
    Tôt ou tard "Concorde" aura un successeur.

  • Concorde, dix ans déjà !
    Quel bonheur de vous lire Monsieur Sparaco.
    Enfin on parle de Concorde sans évoquer systématiquement et exclusivement le terrible accident.
    Enfin on évoque l’ampleur du gain économique en écartant le coût très marginal d’un décollage.
    Enfin l’intelligence subtile a repris le pas sur l’aveuglement technocratique.
    Foncer dans le mur de la crise est difficile, mais les yeux fermés, n’est-ce pas pire ?
    Je reviens d’Angleterre où l’on a commémoré, comme il se doit, l’arrêt du rêve. Je dis « commémoré » et non pas « célébré » et croyez bien que là-bas le souvenir est resté présent. A l’heure où l’Europe est remise en question et où les pays cherchent à retrouver leur splendeur d’antan, le succès industriel incommensurable de Concorde a été au centre de toutes les conférences.
    Concorde ne se mesure pas en terme de rentabilité qu’elle soit à court ou long terme. Concorde se mesure en « être ou ne pas être », à l’instar du nouveau-né, de la couleur de votre voiture ou du bijou que porte une femme.
    Concorde faisait partie de ces choses onéreuses plus chères à ne pas exister qu’à coûter.
    On peut se nourrir sans gastronomie en France mais qui ferait ce choix ? Qui aimerait vivre dans une France sans Airbus ?... un bol de riz, c’est deux emplois, un tournedos Rossini c’est dix emplois Messieurs les Technocrates !
    Faire voler un avion de collection comme celui-là pour le prix d’une fausse grippe A, ou même le faire rouler, comme nous avions entrepris de le faire à la belle époque de Gérard Feldzer, allait réveiller cette France au chevet de laquelle tous les partis politiques sont actuellement prostrés.
    Il s’agit bien d’une non-volonté politique nationale dans le cadre d’une réelle volonté Européenne de ne rien faire qui amène à ce néant dans lequel baigne et va baigner notre jeunesse. Toutes celles et ceux qui ont vu leurs enfants partir travailler à l’étranger ou s’ennuyer en France me comprendront.
    A Olympus593, nous continuerons patiemment à attendre que le vent tourne… et il va tourner.

    • Concorde, dix ans déjà !
      je me permets de vous répondre à votre message, je suis tout à fait d'accord avec vous,
      nous traversons une période très difficile dans notre pays, et bien sûr notre jeunesse à de sérieux probléme pour l'avenir!!!!!! mais je crois qu'ils vont réagir et prendre la place
      qu'il mérite!!!!! l'aviation et le seul reméde de l'avenir!!!!!

  • Concorde, dix ans déjà !
    Un petit bonjour à Pierre Grange; la saga Concorde n'a pas cessé après Gonesse. En 2002,sous la direction d'Henry Perrier nous avons remis Concorde en vol, à Istres, Pierre en était l'un des deux pilotes Le bel oiseau blanc volera encore un an. Un grand hommage à Henry, icône des essais en vol, qui avait conservé une mémoire encyclopédique de "son" avion. Les Magistrats ne s'y étaient d'ailleurs pas trompés, qui, lors du procès, faisaient plus appel à lui qu'à leurs experts.
    Pierre-Yves Debroise.

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