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Industrie

David Calhoun, PDG de Boeing : « Nous avons besoin de progrès substantiels, pas progressifs »

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Volker K. Thomalla

David « Dave » L. Calhoun est président-directeur général de Boeing depuis janvier 2020. Lors d’une rencontre exclusive réservée à Aerobuzz.de dans l’usine de Boeing à Charleston, en Caroline du Sud, où se concentre l’assemblage final de 787, il a parlé des défis de l’industrie et de la manière dont Boeing se prépare.

« De temps en temps, vous devez être mis au défi, mais j’avais espéré que nous n’aurions pas été testés de cette manière », a déclaré Dave Calhoun à Charleston en référence aux difficultés rencontrées par l’avionneur nord-américain ces dernières années.

« C’est alors que le COVID a frappé. La pandémie de COVID a commencé dans nos usines de la région de Puget Sound en mars 2020. Nous avons été l’une des premières entreprises à fermer ses usines à un moment où nous étions encore au milieu de la crise du 737 MAX. À cette époque, nous avions estimé que le marché retrouverait son équilibre entre 2023 et 2024. Nous avons fait une erreur d’estimation sur sa résilience, qui s’est avérée beaucoup plus rapide. Nous étions alors sur la bonne voie, nous étions sortis plus vite, et plus forts, de la crise que nous avons nous-même provoquée avec le 737 MAX. »

« Maintenant, l’évolution démographique joue contre nous. Mais pas seulement contre nous. Contre toute l’industrie aérospatiale. Nous avons une grande expérience – c’est un élément très important de notre industrie – et au moment où le trafic aérien a connu une chute de 80%, de nombreux employés sont partis à la retraite », a-t-il déclaré à propos des difficultés actuelles avec les fournisseurs qui ne peuvent pas livrer les pièces aussi rapidement que l’avionneur l’espérait. « Mais cela touche tout le monde, les compagnies aériennes, les entreprises de production, les fabricants de systèmes, tout le monde. Même notre concurrent rencontre des difficultés avec sa chaîne d’approvisionnement », a-t-il déclaré.

« Nous devons nous en sortir main dans la main avec les fournisseurs, et nous devons rester calmes et disciplinés. Nous avons une immense chaîne d’approvisionnement très fragmentée. Et beaucoup de nos fournisseurs ne fabriquent qu’une seule pièce, pour lesquels ils sont souvent les seuls fournisseurs possibles. Si ceux-ci s’effondrent, nous en souffrirons fatalement. Nous devons tous garder notre sang froid, et nous aider mutuellement. Nous devons simplement aider nos fournisseurs à relocaliser leur main-d’œuvre là où elle était. Et ce n’est pas une question de chiffres, c’est une question de compétences, de talents et d’expérience, c’est une question de personnes ».

David Calhoun est PDG de Boeing. © Boeing Company

« Lorsque j’évoque les contraintes de la chaîne d’approvisionnement, j’identifie deux niveaux. Le premier niveau concerne ce qui est nécessaire pour que nos chaînes d’approvisionnement atteignent les taux de production dont nous avons besoin. Je pense que ce problème nous accompagnera jusqu’à la fin de l’année civile prochaine. Ensuite, nous atteindrons les taux de fabrication adéquats et aurons des chaînes d’approvisionnement stables ».

« Ensuite, je vois la montée en puissance des cadences de production, et c’est là que les constructeurs auront des difficultés, même dans les quatre ou cinq prochaines années. Pourquoi les clients commandent-ils maintenant des avions qui ne seront livrés qu’en 2030 ? Parce qu’ils voient les choses de la même manière et parient comme nous sur l’avenir. C’est une période vraiment intéressante en ce moment ».

David Calhoun prend la concurrence du C919 chinois avec la famille 737-MAX avec un certain détachement. « Le C919 est un bon avion. Il a certes fallu beaucoup de temps pour en arriver là où ils sont aujourd’hui, mais avoir trois fournisseurs dans ce segment d’avions ne devrait pas être pour nous la menace la plus effrayante du monde. De plus, nous vivons actuellement dans un monde où les approvisionnements sont limités ».

Même après l’arrêt du programme New Medium Aircraft (NMA), Calhoun estime que Boeing dispose d’un portefeuille solide : « Je n’ai pas peur avec notre portefeuille. Nous avons trois programmes en parallèle dans le processus d’homologation : Le Boeing 737-7, le 737-10 et le Boeing 777X ».

« Pour lancer un nouveau programme d’avions, il faut des progrès substantiels, pas des avancées progressives. Pour cela, les technologies doivent être disponibles et arriver à maturité. Pour y arriver, on peut faire beaucoup de choses. Un peu plus de temps passé au développement d’un programme permet de gagner beaucoup de temps au final. Les programmes que nous lançons aujourd’hui sont en général sur le marché depuis 50, 80 ou même 100 ans ! Tous les points doivent se rejoindre pour former une ligne. Il faut l’accepter et pour cela, il faut rester serein ».

Interrogé sur le fait de savoir s’il ne se sentait pas désavantagé par le carnet de commandes actuel, le PDG de Boeing a répondu : « La plupart des campagnes de vente que nous n’avons pas gagnées au cours des quatre dernières années, nous les avons perdues parce que nous ne pouvions pas livrer les avions. Je ne pense pas non plus que nous soyons agressifs en matière de prix ».

David Calhoun rapporte également que Boeing a fermé son centre d’ingénierie à Moscou après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Un millier d’ingénieurs y travaillaient. Boeing exploite également un centre d’ingénierie à Kiev, qui compte environ 1.000 ingénieurs. Il a déclaré : « Vous savez quoi ? Ces employés sont au travail tous les jours malgré les circonstances » !

Le président-directeur général de Boeing confirme l’engagement de l’industrie et de son entreprise à atteindre un objectif de zéro émission de CO2 dans l’aviation d’ici 2050. « Nous faisons des progrès semaine après semaine et nous pouvons le prouver par des données tangibles. Le carburant produit de manière durable est essentiel pour réduire les émissions de CO2 à court terme. »

La question est toutefois de savoir où trouver toutes les matières premières nécessaires à la production de SAF en grande quantité. Selon lui, une concurrence avec les produits alimentaires est absolument exclue.

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Volker K. Thomalla

Journaliste aéronautique et pilote privé, Volker K. Thomalla est spécialisé dans les questions de l’aviation d’affaires et du trafic aérien. Il a écrit une douzaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a été rédacteur en chef des magazines aéronautiques allemands Flug Revue et Aerokurier entre 1995 et 2016.

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