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Industrie

Le plan de soutien vise l’avion « zéro carbone »

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Thierry Dubois

Le plan de soutien à l’aéronautique présenté le 9 juin par le gouvernement comporte un chapitre où le donnant-donnant est pour le moins spectaculaire. Une aide de 1,5 Md€ pour les constructeurs en échange de l’engagement à se lancer dans la réduction drastique de la consommation de carburant et le passage à l’hydrogène.

Ce seront les programmes à suivre ces prochaines années. Cinq types majeurs d’aéronefs sont décrits dans le dossier du ministère de l’Economie et des Finances. Deux moyens-courriers, un avion régional, des avions d’affaires et un hélicoptère.

L’A320 pourrait ainsi avoir deux successeurs. Le premier aurait recours à un turboréacteur à très haut taux de dilution pour un économie de 30 % en carburant. Il devra être capable d’utiliser 100 % de biocarburants (par exemple issus d’une valorisation de déchets), contre la norme actuelle de 50 %.

Moyens courriers « décarbonés »

Cinq projets sont lancés dès 2020 rien que sur la future soufflante. Elle contribuera à porter le taux de dilution, un élément clé du rendement, entre 20 et 25. Des nombres qui mériteront des précisions dans un avenir proche.

Car le Leap-1A affiche un taux de 12, Safran parlait jusqu’ici de 15 pour un futur turboréacteur et un taux de 30 avait été démontré en 2017… mais par un moteur turbopropulseur CROR à hélices rapides. Ce premier successeur de l’A320 devra être mis en service au début des années 2030.

Hydrogène en 2035 : « pas irréaliste »

Le second marquera le passage à « l’hydrogène comme énergie primaire », selon les termes du gouvernement. Il n’émettra donc pas de CO2 en exploitation. Un démonstrateur devra voler dès 2026 pour une mise en service entre 2033 et 2035.

Les obstacles technologiques sont multiples, comme la conception des réservoirs à haute pression. Parmi les indicateurs encourageants figure la Toyota Mirai : elle montre la maturité de l’utilisation de l’hydrogène avec une pile à combustible (PAC). Et Jean Hermetz, un chercheur de l’Onera interrogé sur France Inter, juge le projet d’un avion à hydrogène en 2035 « pas irréaliste ».

Le programme de recherche Hyperion, lancé en 2020, vise la synergie avec ArianeGroup, spécialiste de l’hydrogène dans les lanceurs spatiaux. Une idée qui intrigue. Les lanceurs utilisent de l’hydrogène liquide, alors qu’un gaz comprimé à 700-900 bars semble plus indiqué en aéronautique – au moins pour un premier programme.

L’avion régional « ultrasobre »

Se pose aussi la question de l’origine de l’hydrogène. Il devra provenir d’une électrolyse de l’eau… ce qui implique une énergie « propre ». Des découvertes récentes ont par ailleurs montré l’existence de sources naturelles d’hydrogène.

L’avion régional « ultrasobre » fera appel à l’hybridation électrique (un axe de recherche qu’Airbus et Rolls-Royce viennent d’interrompre en arrêtant le programme E-Fan X !) ou à l’hydrogène. Un démonstrateur devra voler en 2028. La mise en service suivrait « vers 2030 ».

 

Du biocarburants pour les bizjets

Les avions d’affaires devront pouvoir fonctionner avec 100 % de biocarburants. A plus long terme, ils devront être alimentés « au moins partiellement à l’hydrogène ». S’il s’agit de le brûler dans un turboréacteur, ce ne sera pas la façon la plus économe d’utiliser l’hydrogène. Au moins, Dassault ne part pas de zéro en matière d’études pour l’hydrogène à bord, ayant participé au programme Hycarus pour une PAC en remplacement du groupe auxiliaire de puissance.

Côté hélicoptères, le successeur de l’Ecureuil devra consommer 40 % de moins grâce à l’hybridation électrique. Airbus Helicopters a posé des premiers jalons dans ce sens depuis 2011. Dans un deuxième temps, après une démonstration en 2029, l’appareil devra fonctionner à l’hydrogène.

A ces projets viennent s’ajouter « des appareils d’aviation générale hybrides » et des drones.

Le gouvernement a fixé des objectifs contraignants, la balle est dans le camp des constructeurs.

Thierry Dubois

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Thierry Dubois

Thierry Dubois est journaliste aéronautique depuis 1997. Ingénieur Enseeiht, il s’est spécialisé dans la technologie – moteurs, matériaux, systèmes — et la sécurité des vols. Chef du bureau français du magazine Aviation Week, il anime aussi des rencontres comme les tables rondes du Paris Air Forum. Pour Aerobuzz, Thierry Dubois couvre notamment les hélicoptères civils et des sujets techniques.

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  • Bonsoir,
    A mon avis, la problematique principale de l'aviation sur l'electrique, c'est surtout d'etre capable de trouver une solution a l'apres petrole, car sans petrole, on ne pourra plus voler. J'avais lu un article tres interessant a ce propos, du directeur R&T de Safran, il y a de cela qqs mois dans Air et Cosmos. Il indiquait les elements de ruptures a attendre dans la propulsion, pour une aviation electrique, ainsi que les horizons en terme de temps: pas avant 2050. La problematique principale etait aussi la densite d'energie contenue dans les batteries, par opposition au kerosene. Mais je ne sais plus si une pile a combustible a base d'hydrogene suffirait ou s'il faudrait plutot s'orienter vers des reacteurs a hydrogene...

  • "Jean Hermetz, un chercheur de l’Onera interrogé sur France Inter, juge le projet d’un avion à hydrogène en 2035 « pas irréaliste ».":et si on le faisait pour 2021, chiche ?
    "la balle est dans le camp des constructeurs.":pas seulement

    • Normal qu' un chercheur de l onera dise cela mais faudrait-il que le budget de l onera en tienne compte. Hors il a du mal à être maintenu à Son niveau actuel à la différence de son homologue allemand DLR qui croît. De la cohérence messieurs les ministres. De toute manière Ils ne seront plus lá en 2035 et profiteront d'une bonne retraite de haut fonctionnaire qui savaient ce qu' il faut faire en 2020 pour 2035 mais ne l ont pas fait par absence de COHÉRENCE: Des investissements en recherche

  • Bonjour, Ce que vous n'avez pas pris en compte c'est que les Pays Arabes resteront producteur d’énergie après le pétrole!!! Car ils ont des déserts au bord de la mer !! En inondant les déserts des km2 de cellules photovoltaïques bon marchés, il pourront par électrolyse de l'eau de Mer produire de hydrogène gazeux ou du méthanol !!! Et il se foutront bien du rendement c'est pratiquement gratuit !!
    Et si la voiture Electrique à piles de smartphone est une facilité du moment plus marketing que scientifique, on entend pas les Écolos politiques beugler contre les centrales nucléaires qu'il faudra bien maintenir et développer !!! l'avenir est certainement plus la pile a combustible !!

    • En innondant les deserts de panneaux solaires, vous multipliez les infrastructures et par la meme, les couts de maintenance, puisqu'il faut bien entretenir ces infrastructures. Est ce qu'ils seront competitifs? Rien n'est moins sur...
      Je n'ai pas effectue le calcul, mais produire de l'hydrogene via du solaire, qui a un rendement par nature faible, peut etre moins competitif que via du nuclaire, qui lui a un rendement de tte facon plus eleve et plus stable. Le calcul est a verifier.

  • Le jet A1 a encore de beaux jours devant lui ? Pas si évident. Les gisements les plus faciles et les moins couteux à exploiter l'ont été. Les réserves, si elles sont conséquentes, sont infiniment moins évidentes. L'énergie bon marché et la source de la pétrochimie seront remises en cause, parce qu'il n'y en ait plus ou qu'on ait pas les moyens de se le payer, le résultat est le même. D'autant que les déséquilibres économiques et sociaux inhérents à la mondialisation vont pénaliser l'adoption universelle d'une solution hautement technologique et très couteuse comme l'hydrogène. L'avitaillement en hydrogène à CDG ou JFK, pourquoi pas, mais à Bangui ou Lhassa, j'y crois pas vraiment. Or c'est bien le caractère universel de l'énergie "pétrole" qui permet les économies d'échelles indispensables pour que le transport aérien existe comme aujourd'hui. Il va se produire une crise de l'énergie à un moment ou à un autre, et il est probable que les raisons qui nous imposeront un changement d'énergie seront aussi celles qui nous empêcheront le de faire. Le problème est plus de savoir comment se passer des transports que de savoir si il seront maintenus en l'état. La simple crise sanitaire actuelle montre la fragilité du système (ce qui est détruit en ce moment ne sera pas à nouveau disponible avant des années) et il y a d'autres crises en gestation...

    • Proner une reduction du transport aerien ne parait pas etre realiste si on regarde l'evolution presente et future du monde. On va vers toujours plus d'echanges au niveau mondial et c'est une bonne chose. Il faut donc reinventer l'aviation et sa source d'energie. Le defi est la: comment maitriser le processus de production et d'utilisation de l'hydrogene dans le monde entier. On peut tabler sur une reduction des couts de la production d'hydrogene si on a une production electrique massive et stable, comme le nucleaire peut en fournir. Je ne pense pas que cela soit atteignable par le nucleaire fission car les problematique de decommissionnement sont trop plombante. Par contre, avec du nucleaire fusion, ca sera a mon avis beaucoup plus perenne. Si on arrive en plus a miniaturiser les reacteurs a fusion, alors la jackpot, mais je n'ai que peu d'elements sur cette faisabilite.

      • @Tonton volant: le pb de miniaturisation vient apparemment du volume du Tokamak pour entretenir la reaction. En deca d'un certain volume du tore (du Tokamak), ca ne marche plus. Je ne connais pas trop les details, mais j'ai appris cela sur un podcast de France Culture ou justement un des responsables en parlait. Il faut que je creuse cette question. Maintenant, il ne faut pas oublier les autres technologies de fusion (z machine, stellarator, etc...), peut etre qu'une voie existe pour la miniaturisation d'un reacteur mais je n'ai pas eu le temps de creuser cela non plus. L'interet d'une miniaturisation de reacteur nucleaire a fusion est interessante car on eliminera les pbs d'infrastructures de reseaux electriques (en gros on aura un reacteur au bout de la rue...). Mais d'abord mettons au point la fusion. Et ITER est la pour defricher cela (c'est un projet formidable, j'y ai travaille qqs annees dessus, la machine est un truc de science fiction).

      • Il n'y a pas besoin de prôner quoi que ce soit en matière de transport aérien, les circonstances propres à l'époque mettent tout le monde d'accord. Bien sûr l'homme s'adaptera, bien plus qu'il n'adaptera son environnement, comme toujours. Mais l'adaptation peut passer aussi par l'évolution majeure ou le déclin d'un mode de transport vieux d'à peine 90 ans. Il est possible de croire, espérer, ou déplorer (selon sa sensibilité...) que la mondialisation continuera, mais elle peut aussi trouver d'autres moyens que l'avion comme véhicule. Les électrons en sont un, et une vidéoconférence cryptée peut aussi remplacer un voyage en classe affaire. Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, un minimum de réalisme me parait indispensable. Et confier son avenir au nucléaire est courir après les problèmes, d'ailleurs que serait le crash de Karachi avec un réacteur nucléaire embarqué ? Tchernobyl ou Fukushima ? Cette histoire de technologies délirantes me font penser aux "wunderwaffens" allemandes sensées pallier par la technologie à tous les autres manques et à toutes les carences. Brillant, couteux, inefficace, et très éloigné du besoin réel.

      • @ A. Ratinaud, c'est effectivement stupide de prôner une réduction du transport aérien tout comme de mettre des dates butoirs pour telle ou telle activité ou utilisation. Toutefois les espèces animales vieilles de plusieurs millions d'années sont parvenues jusqu'à nous car elles se sont adaptées. L'Homme avec son intelligence devra lui aussi s'adapter aux changements que la Nature nous imposera ; la Nature et pas les "verts". Et dans ce sens il y a des changements beaucoup plus douloureux à envisager que celui de diminuer ses échanges au niveau mondial surtout quand en plus ces échanges touchent AUSSI des covid 19.

      • Y'en a même qui préconisent d'aller chercher de l'hélium sur Mars ...
        Désolé de contredire.
        Quand on voit les encombrements -- c'est un euphémisme -- occasionnés par les convois de "montage" du soleil en boîte -ITER à Cadarache - la miniaturisation, c'est du rêve de techno-centré.

  • Sinon :
    - le tout électrique pour les voitures et les trains
    - l'hydrogène pour les bateaux
    - le fuel pour les avions

  • Avion fonctionnant a l'hydrogene, oui pourquoi pas, le seul probleme c'est sa production. Il faut oublier l'electrolyse qui a un mauvais rendement global (production d'electricite), la filiere gaz naturel est plus economique mais le sous produit de la fabrication est du CO tres toxique que l'on brule pour fournir de l'energie au four de catalyse mais qui produit du CO2 !
    Retour a la case depart.
    Oui je sais, les bio carburants, au fait il faut combien d'hectares de cultures pour faire le plein d'un 747 ?
    Le jet A1 a encore de beaux jour devant lui.
    Meme dans l'aeronautique, il faut savoir redescendre sur terre ...

    • Si on regarde sur le long terme, on retombe sur la meme problematique: energie fossile limitee, et on finira par ne plus avoir de gaz non plus. Comme je l'ai deja dit plus haut, on peut envisager une production electrique massive et stable, a base de fusion nucleaire, qui elle, pourra fournir suffisamment de puissance pour electrolyser l'eau. Il faut regarder aussi si les processus a base de solaire ou d'eolien peuvent etres competitifs mais je n'y crois pas trop. Un autre soucis c'est egalement regarder l'equilibre du cycle de l'eau sur Terre mais je n'ai pas d'elements la dessus.

    • Concernant les bio-carburants, il s'agit de ceux de génération 2 (tout ce qui vient de la filière déchets, bois de récup etc...). Donc, pas de génération 1, qui effectivement sont issus de territoires cultivés, et donc enlevés à l'alimentation mondiale.
      La génération 3 (algues et autres procédés) n'est ni rentable ni au point.

    • L’hydrogène c’est effectivement se compliquer la vie un peu pour rien. Maïs colza ou alcool sont déjà produits en quantité suffisante si on les réserve aux usages aviation (les voitures, elles, peuvent utiliser des batteries)

      • Bonjour
        Et comme cela on ira en Amérique du Sud extraire la terre constituant la matière principale de la batterie. Inconvénient notable : Exproprier les malheureux exploitants agricole de ces terres pauvres. Une nouvelle forme de colonialisme déguisé et sournois. Décidément pour son confort l’être humain ne change pas… L’égoïsme est toujours bien là…Les dégâts causés en Afrique noire n’ont pas suffi ! Maintenant c’est au tour de l’Amérique du Sud. Bravo !
        Cordialement
        Michel BOUR

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