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Industrie

Mitsubishi Aircraft rapatrie SpaceJet en quarantaine au Japon

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Jérôme Bonnard

Mitsubishi Heavy Industries (MHI) a annoncé le 22 mai 2020 son intention de fermer les deux-tiers de ses activités aéronautiques nord-américaines. Une semaine plus tôt le développement du M100 était suspendu alors que le rachat de la division CRJ de Bombardier par l’avionneur japonais a été conclue le 1er juin 2020…

Ce repli vers le siège historique de Nagoya au Japon sème le doute sur l’avenir de SpaceJet. Un choix stratégique soudain « en raison de directives budgétaires » a précisé l’avionneur alors que le marché nord-américain était si convoité. Le conglomérat industriel japonais MHI a aussi décidé de suspendre le développement du M100, version raccourcie du M90 et adaptée au marché US…  Les essais en vols du M90 sont eux mis en sommeil. Il faut dire que les résultats 2019/2020 du Groupe sont en net déclin, et la crise sanitaire du Covid-19 est passée par là…

SpaceJet plombe les résultats

En 2019, la division MHI Aircraf, defence and space a perdu beaucoup d’argent avec des pertes abyssales de 209 milliards de yens (1,9 milliards USD) contre 37,4 milliards de yens en 2018 (342,2 millions USD). Son résultat d’exploitation 2019/20 est tombé dans le rouge (-29,5 milliards de yens), contre un bénéfice de 187,6 milliards de yens en 2018/19.

Mais le programme SpaceJet développé depuis une décennie (et reporté de multiples fois)  aurait déjà coûté près de 9 milliards de dollars. Fin 2019, les pertes ont triplées par rapport à 2018 pour atteindre -2,5 milliards USD,  et devraient chuter encore de -1,2 milliards en 2020…

Par conséquent le budget alloué a été révisé à la baisse (-550 millions de dollars). Cette directive budgétaire couplée à l’arrêt des vols d’essais aux États-Unis du M90 risquent de nouveau impacter l’agenda dans un contexte encore plus difficile face aux perspectives maussades post covid… L’avionneur japonais a toutefois affirmé être toujours pleinement impliqué dans la certification de l’appareil dont l’entrée en service chez ANA est pour l’heure prévue en avril 2021.

Le choix stratégique de l’Amérique du Nord

En s’installant aux États-Unis (dès 2016 à Moses Lake) et en rachetant le programme de biréacteurs régionaux du canadien Bombardier en 2019, Mitsubishi Aircraft Corporation s’était rapproché avec ambition du gigantesque marché américain où la majorité des biréacteurs régionaux sont vendus, de quoi aussi faciliter la certification de SpaceJet avec la FAA.

Le siège américain de Renton (État de Washington) avait été inauguré en juin 2019 et l’ouverture du centre montréalais SpaceJet (un centre d’ingénierie québécois) avait été annoncée en septembre 2019 et employait une quarantaine de personnes début février 2020.

Ces deux structures devraient donc fermer alors que le troisième et plus ancien site de Moses Lake (où sont réalisés les essais en vol du M90) est mis en sommeil. Selon l’avionneur, une équipe restreinte sera maintenue pour la maintenance des prototypes présents sur le site.

Le choix stratégique de Bombardier

En rachetant le programme CRJ à Bombardier pour 550 millions USD, MHI visait aussi à faire son entrée sur le marché de l’aviation civile tout en éliminant son principale concurrent. En effet Bombardier (qui domine le marché des avions régionaux avec quelques 1300 appareils en service à travers le monde) va désormais se concentrer sur le jet privé en aviation d’affaires. L’acquisition exclut la production de CRJ, qui se termine et demeure chez Bombardier.

Cette entente donne naissance une nouvelle société, MHI RJ Aviation Group, acronyme de Mitsubishi Heavy Industries Regional Jet Aviation Group.

Cette société possède désormais « les activités de maintenance, d’ingénierie, de soutien à la certification de navigabilité, de remise à neuf, de gestion des actifs, de marketing et de vente pour les avions de la série CRJ, ainsi que les certificats de type et les droits de propriété intellectuelle associés», a déclaré MHI.

MHI RJ Aviation Group est née

MHI RJ est également propriétaire des anciens services d’avions et sites d’assistance de Bombardier dans les villes canadiennes de Montréal et Toronto, ainsi qu’à Bridgeport, en Virginie-Occidentale et à Tucson, en Arizona aux États-Unis. Elle possède également d’anciens dépôts de distribution de pièces Bombardier à Chicago et à Francfort, en Allemagne.

MHI RJ fournira une «solution globale de service et d’assistance pour l’industrie mondiale des avions régionaux, y compris les avions de la série CRJ», a déclaré MHI.

Les analystes estiment que l’acquisition de CRJ est une décision judicieuse pour MHI en raison de la valeur des activités de services mondiales pour le jet. Le programme SpaceJet de Mitsubishi Aircraft a également besoin de cette empreinte mondiale pour stimuler les ventes.

Reste que ce dernier est désormais mis en sommeil… Le transport aérien mondial aussi, avec 60% de la flotte mondiale clouée au sol, l’activité de maintenance est par défaut aussi fortement ralentie…

Quel avenir pour SpaceJet ?

Avec quelques 3.000 heures de vol, la version M90 de SpaceJet (88 places et destinée en premier au marché japonais) serait proche de la certification, une priorité pour l’avionneur, avec 113 commandes fermes et 74 options. Mais la crise du Covid-19 est passée par là, par conséquent la baisse des clients potentiels aussi… L’heure est visiblement à la prudence…

La version M100 de 76 places, conforme à la scope clause du marché américain en limitant la capacité et la masse des appareils sera-t-elle sacrifiée ? L’avion n’a pour l’heure qu’une seule cliente (Mesa Airlines) avec 50 commandes fermes et autant en option… Suspendre son développement est à la vue des experts très risqué car cela pourrait aussi menacer l’avenir du M90…

MHI pourrait aussi se tourner vers d’autres partenaires pour continuer de financer le programme et donc sauver SpaceJet…  Après l’échec de l’opération à plus de 4 milliards entre Boeing et le concurrent brésilien Embraer, y aura-t-il une nouvelle opportunité de coopération avec les américains ? Oui selon certains experts…

Jérôme Bonnard

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Jérôme Bonnard

Journaliste polyvalent, à la fois rédacteur et vidéaste, Jérôme a couvert tous types d'actualités pour la télévision en France comme à l'étranger et a été co-finaliste du Prix Albert Londres en 2012 pour sa couverture du conflit Libyen. Il est passionné par tout ce qui vole depuis son plus jeune âge et pilote sur ULM 3 axes. Il écrit pour Aerobuzz.fr depuis 2018, et co-anime la nouvelle émission JumpSeat sur Twitch, il travaille sur des nouveaux médias et enseigne le reportage vidéo en écoles de journalisme.

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