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Industrie

Le rapprochement entre Boeing et Embraer met en relief l’affaiblissement d’Airbus

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Gil Roy

Le 21 décembre 2017, Boeing et Embraer ont annoncé qu’ils étaient entrés dans une phase de négociation en vue d’un rapprochement. Cette annonce intervient deux mois après celle de la prise de contrôle du programme C-Series de Bombardier par Airbus, alors que le constructeur européen est entré dans une zone de forte turbulences qui pourrait durer plusieurs années.

Contrairement au rapprochement entre Airbus et Bombardier rendu public, mi-octobre 2017, alors que l’accord était scellé, l’annonce des négociations entre Boeing et Embraer intervient beaucoup plus en amont, comme le met en évidence les précautions prises par les deux parties : « Il n’y a aucune garantie qu’une transaction résultera de ces discussions. », est-il précisé dans le court communiqué de presse.

Sauvegarder le duopole… le plus longtemps possible

Il est difficile d’imaginer que ces discussions ne puissent pas aboutir. Le fait même de dévoiler leurs intentions, condamne les deux avionneurs à réussir. Quoi qu’il en soit, ce rapprochement, rapporté à celui d’Airbus et de Bombardier, est une preuve de plus de la volonté de Boeing et d’Airbus de renforcer leur position respective sur le marché mondial. C’est à ce prix que le duopole peut se prolonger.

Il s’agit en effet d’empêcher l’industrie aéronautique chinoise de faire main basse sur des fleurons occidentaux fragilisés et ainsi d’accélérer son inévitable montée en puissance. Combien de temps, le duopole résistera-t-il aux coups de boutoirs de la Chine ?

Airbus affaibli

Il s’agit d’un combat de tous les instants qui impose une extrême réactivité. Côté européen, l’inquiétude vient évidemment de l’affaiblissement conjoncturel d’Airbus. Empêtré dans une affaire de corruption qui va lui coûter des milliards d’euros (et peut-être plus si les craintes de voir ses secrets industriels révélés à son concurrent direct se confirmaient) et accaparé par une guerre des chefs qui vient d’éclater au grand jour, Airbus n’est plus en position de chasseur.

Cette situation dont le constructeur pourrait mettre plusieurs années à sortir risque de lui être préjudiciable, d’autant que c’est tout l’organigramme qui est ébranlé. Fabrice Brégier, le patron de la division avions civils n’est pas le seul à quitter Airbus. En même temps que lui, ce sont les directeurs des programmes (Didier Evrard), des opérations (Tom Williams), de l’ingénierie (Charles Champion) qui quittent Airbus. Sans parler, bien sûr, de John Leahy.

John Leahy n’a évidemment pas vendu seul les 16.000 Airbus accrochés à son tableau de chasse. Il était à la tête d’une équipe de vendeurs de haut niveau qui ont réussi à tisser un réseau mondial et hisser Airbus devant Boeing en termes de prises de commandes. Avec Leahy, c’est une partie de cette équipe qui s’en va.

Evrard, Williams, Champion, Leahy et ses vendeurs, mais aussi Brégier sont des hommes qui ont fait l’essentiel de leur carrière au sein d’Airbus. Leur trouver des successeurs va être d’autant moins facile, que la légitimité de Tom Enders, le patron du groupe Airbus, a pris un coup dans l’aile. Son départ annoncé pour début 2019, ne va pas l’aider.

Il n’est pas sûr que si aujourd’hui, une opportunité comme celle du C-Serie se présentait, Enders serait en capacité de la saisir.

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

View Comments

  • ... voilà la conclusion d'un règne de Thomas Enders... j'ai jamais aimé sa politique ni son arrogance et surtout son peu de vision. Qui vivra verra...

  • Mouai...
    Le protectionnisme des USA de Trump ont mis 300% de taxe sur le "frère" Canadien Bombardier (autant dire que bombardier est hors service pour vendre des avions aux USA) donc le Gentil Européen Airbus est venu sauver Bombardier d'une mort certaine... (puis placer deux trois produits au passage)
    Les USA qui digèrent mal la chose font du protectionnisme en avalant le Brésilien pour mieux le contrôler et le détruire aux besoins...

    Après, la tête malade d'airbus doit et est degagée. Airbus va y laisser des plumes c'est certain mais de là a dire qu'airbus s'affaiblie... mouai...
    Demandez à Delta ou du côté asiatique...
    Airbus ne vends pas autant que les années précédentes mais il faut bien livrer les avions un jour...

    Le seul caillou dans la botte d'AB c'est COMAC aviation, qui se fera sentir pas avant 5 ans

    • D'autant plus que Paul Emerenko à fermé le centre de Suresnes et licencié tout le monde (même si certains auraient été réembauchés dans une autre structure américaine) Apparemment il n'y a plus vraiment de projet ou même d'avant projet en route dans le BE Airbus Inquiétant, non ?

      • Je m'en fait plus pour Boeing qu'Airbus réellement... (au passage est je considère Boeing comme un compétiteur et non forcément un rival d'Airbus, j'adore et admire beaucoup Boeing)

        Le monde change, et plus rapidement que "prévu". Les canadiens l'ont mauvaise auprès des USA qui ont mis ces taxes sur bombardier. Ca veut aussi dire que pour le renouvellement de la flotte de combat canadienne, les usa ne sont pas favoris... Quel choix leurs restent ils?
        -Eurofighter? (Airbus)
        -Rafale (j'en rêve mais honnêtement 10% de chance que ça arrive)
        -Gripen? (Je vois mal un monoreacteur dans des grandes étendues)
        -Sukhoi/Mig/Asiatique/etc (lol)

        Bref, Airbus à de grande chance de placer l'eurofighter outre-atlantique (impensable il y a 2ans!!)
        Boeing perd beaucoup de marché à cause de Trump (tant mieux pour nous!!).

        Airbus restructure beaucoup de choses car beaucoup de choses bougent (une direction véreuse, le brexit, problèmes divers genre A380 peu vendable ou problèmes sur A400M, etc...) heureusement qu'ils se calmes un peu sur les projets et se recentre sur ce qui est rentable.

        Boeing a aujourd'hui plus la tête dans l'espace que dans le ciel je trouve, ils cherchent de nouveaux concepts/horizons plutôt que de maintenir leur leadership sur ce duopole.

        Bientôt l'asie va se réveiller aéronautiquement parlant et celui qui a su le plus anticipé l'avenir, sera le leader. (Car pour concurrencer le coût des avions chinois, va falloir dumper serieux!) mourir ou evoluer...

  • Merci pour ce dernier commentaire qui nous éclaire sur l'avenir d Airbus !?
    Donc oui BA reste au sommet et vive les USA qui n ont qu'un objectif c'est d'affaiblir les sociétés européennes qui à leur yeux sont coupables de tous les mots....

  • Il s'agit surtout pour les Brésiliens d'éviter "le baiser de la mort" étasunien... Avec le précédent fatal de FMA bradée par Menem à Lockheed-Martin, à l'occasion du gros contrat du A-4R, et celui-ci terminé, l'avionneur a été liquidé ou presque, avant la nationalisation de ses restes par Kirchner.

  • Hélas.: on a laissé la Chine acheter l' aéroport de Toulouse . Ne pensez vous pas que la porte est grande ouverte à l'espionnage.....?

  • Je partage votre analyse et souhaiterait y adjoindre trois commentaires:
    -Ce possible rapprochement apporte à Boeing le petit porteur militaire KC390 à sa gamme qui équipé de réacteurs très fiables est une réponse plus rassurante que l'A3400M plus gros et disposant de turbopropulseurs très récents et donc moins éprouvés.

    - en terme de gamme d'avions civils la complémentarité entre famille B737 MAX et E2-jet d'EMBRAER est bien supérieure à celle du CS100/300 et la famille A320neo , en effet cette dernière est "mangée" par le CS300 et potentiellement le CS500s'il devait être lancé ....attention aux pertes d'emploi à terme en Europe continentale ( ( les anglais avec l'usine de Belfast sont les grands vainqueurs de ce rapprochement
    -Boeing se rapproche ainsi d'un ensemble d'équipementiers Tier 1 et 2 qui font perdre des opportunités aux équipementiers européens .
    Bravo pour cet article qui tranche avec la presse française qui ne veut pas dire la vérité aux français sur l'évolution d'AIRBUS

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