Alitalia sur le point de passer sous le contrôle d’Etihad

Etihad devrait réussir là où Air France-KLM a échoué. La compagnie d’Abou Dhabi qui est parvenu à imposer au gouvernement italien ses conditions, est sur le point de prendre le contrôle d’Alitalia. Etihad se renforce en Europe et fragilise un peu plus le groupe Air France-KLM.

Sauf difficulté de dernière heure, Alitalia va passer sous contrôle d’Etihad dans les prochains jours. Ou, plus exactement, la compagnie d’Abou Dhabi disposera bientôt d’une participation de 49,9 % dans le capital d’Alitalia, la limite permise par la réglementation européenne. Au-delà de 49,9 %, en effet, la compagnie italienne perdrait son statut européen avec, pour première conséquence, l’évaporation de son portefeuille de droits de trafic.

Etihad a négocié l’accord avec fermeté, ne négligeant aucun aspect du dossier, à commencer par la nécessité de restructurer une dette de plus d’un milliard d’euros en même temps qu’un besoin immédiat d’argent frais estimé à 500 millions. Parallèlement, des mesures de réduction des coûts ont été étudiées, qui passeraient par la suppression d’au moins 2.000 emplois, sur un total de 14.000, et des baisses de salaires qui toucheraient principalement les pilotes. Ces derniers sont moins revendicatifs que dans le passé après avoir pris conscience des grands dangers qui menacent Alitalia, désormais en danger de mort.

Le dossier est tout à la fois complexe, délicat et urgent. Aussi les principales parties intéressées ont-elles adopté au cours de ces derniers jours un tempo plus rapide que précédemment. Ainsi, le directeur général d’Etihad, l’Australien James Hogan, a rencontré le nouveau Premier ministre Italien, Matteo Renzi. Tous deux ont conféré avec Graziano Delrio, sous-secrétaire à la présidence de la République et Gabriele Del Torchio, administrateur-délégué de la compagnie, ainsi que Maurizio Lupi, ministre des Transports.

Le temps n’étant plus aux précautions oratoires, les échanges ont été rapides, les Italiens devant accepter sans plus discuter de nouveaux sacrifices. En effet, outre les suppressions d’emplois, Alitalia sera réorientée, au point de sabrer dans son réseau court/moyen-courrier et de se défaire d’une quinzaine d’avions. De même, l’acquisition du douze Airbus A350-800 en location-bail a été annulée.

Il est probable qu’adossée à Etihad, Alitalia puisse être durablement sauvée. Certains observateurs italiens n’en regrettent pas moins le retrait d’Air France-KLM, « un naufrage » disent certain, dans la mesure où une solution européenne aurait certainement été préférable. D’autant qu’elle aurait permis au groupe franco-hollandais de créer un axe nord-sud prometteur.

Dans le même temps, les autorités gouvernementales italiennes n’ont pas l’intention de laisser la bride sur le cou à Etihad et encore moins à l’ensemble des grandes compagnies du Golfe. Ainsi, Rome a retiré à Emirates ses droits de cinquième liberté sur la ligne Milan-New York, pour éviter que la compagnie de Dubaï n’assèche le marché nord-italien, une mesure emblématique. Cet axe important est aussi desservi par American et Delta et restera donc très concurrentiel.

Quoi qu’il en soit, l’accord Alitalia-Etihad va sans doute permettre de sauver la compagnie italienne en même temps qu’il va consacrer un échec cuisant des Européens et confirmer à quel point le tandem Air France-KLM est fragilisé.

Pierre Sparaco