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Categories: Transport Aérien

Grand volume et longues jambes

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Martin R.

Avec l’ACJ d’Airbus et le BBJ de Boeing, tout devient possible. Ces biréacteurs sont ce qui se fait de plus spacieux en matière d’aviation d’affaires. La seule limite est souvent l’imagination des propriétaires.


La transformation d’avions de transport public en avions privés existe depuis toujours. Dès 1928, des trimoteurs Model 80 de Boeing ont été aménagés en version corporate. C’était alors l’aube de l’aviation commerciale. Dans les décennies qui suivirent, les constructeurs se contentèrent de répondre à des besoins ponctuels de gouvernements et, dans une moindre mesure, de multimilliardaires en métamorphosant, à la demande, les cabines de B727, B707, B747, Tupolev 134 et 154, Airbus A320, en somptueux palaces volants. Ce marché de niche est demeuré marginal pendant de nombreuses décennies. C’était du coup par coup.

Aujourd’hui, les deux plus grands constructeurs qui se partagent le marché de l’aviation commerciale, Boeing d’un côté et Airbus de l’autre, ont tous deux ajouté à leur catalogue des avions privés dérivés directement de modèles commerciaux. Depuis une dizaine d’années, ils se sont lancé sur ce créneau en choisissant de passer du sur-mesures hors de prix à la série, en développant progressivement une gamme de modèles spécifiques d’avions d’affaires, répondant aux besoins du marché et s’inscrivant dans la fourchette de prix du haut de gamme.

Boeing a été le premier à s’engager dans cette voie avec le BBJ, Boeing Business Jet. Directement extrapolé du 737-700, le BBJ est ainsi devenu le premier biréacteur d’affaires de série dérivé d’un modèle d’avion de ligne moderne. Le projet a été lancé en 1996, conjointement par Boeing et par General Electric, après avoir mis en évidence une demande du marché pour un avion plus spacieux que ceux existant, et capable de parcourir plus de 6000 NM (11100 km) sans escale.

Pour un prix comparable aux appareils classiques de haut de gamme, Boeing offre une cabine trois fois plus spacieuse que le plus grand des jets d’affaires classiques. Ce volume exceptionnel ouvre toutes les possibilités d’aménagement intérieur, telles que la réalisation de véritables chambres à coucher indépendantes meublées avec des lits double et dotées de salle de bains avec douche attenantes aux chambres à coucher. Evidemment, on trouve dans ces cabines, de grandes salles de réunion. Quant aux capacités d’emport de passagers, le BBJ est modulable à souhait. Le volume des compartiments à bagages est évidemment sans commune mesure avec celui des avions d’affaires classiques. Ce sont là, autant d’arguments auxquels est sensible la clientèle visée.

L’ACJ, Airbus Corporate Jet, d’Airbus présente logiquement les mêmes atouts en terme de confort. Dérivé de l’A319, l’ACJ offre une cabine plus spacieuse que celle du BBJ. Sa largeur est tout simplement du double de celle du Gulfstream GV. Son volume est trois fois supérieur à celui du Global Express ou du Gulfstream 550. Avec six réservoirs supplémentaires installés en soute, l’autonomie de l’A319 est portée à plus de 6000 NM soit plus de 11000 km. Avec un tel rayon d’action, l’ACJ et le BBJ peuvent ainsi être opérés en direct sur des liaisons telles que Los Angeles – Paris, New York – Buenos Aires ou encore Londres – Johannesburg.

Un aménagement intérieur spacieux et modulable, associé à une grande autonomie compensent largement, aux yeux des opérateurs, les moindres performances de ce type d’appareils hybrides par rapport aux jets d’affaires spécifiques. C’est un fait, l’ACJ et le BBJ ont les performances d’avion de ligne, pas de jets d’affaires. Le niveau 510 leur est définitivement inaccessible. Ils plafonnent à 41000 pieds et leur vitesse ne dépasse pas Mach 0,82.

Même si cela n’apparaît pas être un handicap dans leur exploitation quotidienne, Boeing et Airbus s’efforcent de muscler leurs modèles pour réduire l’écart avec les performances de leurs concurrents directs. Le niveau de croisière des versions affaires est supérieur à celui de la version commerciale équivalente. La distance de décollage à masse maxi (77564 kg) du BBJ a pu ainsi être ramenée à 1829 mètres en montant une aile et un train d’atterrissage de 737-800 sur un fuselage de 737-700. Le revers de ce choix technologique est que le BBJ est devenu un 737 hybride qui perd de ce fait toute possibilité d’être reconverti en avion de ligne, contrairement à l’ACJ qui demeure un pur A319. Le constructeur européen a fait de ce point un argument commercial que la réalité du marché tend à relativiser. En effet, les avions d’affaires tiennent généralement bien la côte sur le marché de l’occasion.

D’un point de vue opérationnel, l’un des atouts de l’ACJ et du BBJ est leur fiabilité. Ce sont à la base des avions de ligne destinés à être utilisés de manière intensive, de l’ordre de 3 à 4000 heures de vol par an en exploitation commerciale. Il est bien évident qu’en exploitation privée, ces niveaux élevés ne sont jamais atteints. Par ailleurs ils peuvent bénéficier du réseau de maintenance à travers le monde et de la facilité de trouver des équipages qualifiés. L’ACJ bénéficie de toutes les avancées technologiques de l’A320, premier avion commercial à commandes de vol électriques. L’ACJ possède cet atout. Il est également autorisé à effectuer des atterrissages tout temps, dans les pires conditions de visibilité. Ce sont des avantages opérationnels hérités de la ligne qui le démarquent des autres appareils d’affaires.

Côté opérationnel les 737 et A319 ont été dessinés pour évoluer dans un environnement aéroportuaire. En revanche, les BBJ et ACJ sont amenés à fréquenter des aérodromes de taille plus modeste qui n’accueillent pas nécessairement un trafic commercial régulier et qui ne sont donc pas toujours équipés pour prendre en charge un avion de ligne. D’où le choix d’Airbus d’équiper la version affaires de son biréacteur d’un escalier escamotable qui le rend autonome en lui évitant d’avoir recours systématique à une passerelle qui n’existe pas toujours sur des aérodromes modestes sur lesquels il peut être amené à se poser. A l’expérience, ces gros avions d’affaires ne sont pas plus difficile à exploiter que des appareils classique. C’est même plutôt plus facile du fait de leur modularité reconnaissent les grands opérateurs.

La clientèle privée des BBJ et ACJ se trouve principalement au Moyen-Orient où existe une tradition de voyager à bord de gros avions de ligne aménagés. La grande capacité d’emport de bagages est un atout supplémentaire vis-à-vis des clients du Moyen-orient et d’Afrique qui ont pour coutume de beaucoup acheter lorsqu’ils voyagent. Ces avions sont intéressants également sur le segment du transport de groupe. L’opérateur américain Blue Moon Aviation, spécialiste du déplacement d’équipes sportives professionnelles, exploite un ACJ en version 72 places, principalement pour le transport des équipes basket du championnat américain NBA (National Basket Association). Il a été configuré en trois zones pour répondre aux besoins spécifiques de cette clientèle : une partie est réservée aux joueurs, une autre à l’encadrement technique. A l’avant de l’appareil, les entraîneurs disposent d’une salle de réunion. De plus en plus de BBJ et ACJ sont également affectés à des services de navettes entre les différentes implantations d’entreprises multinationales. Il s’agit ici de l’exploitation qui se rapproche le plus de la vocation initiale de ces avions.

Depuis une dizaine d’années, Boeing et Airbus sont devenus des acteurs qui comptent désormais sur le marché de l’aviation d’affaires. L’américain qui s’est lancé le premier sur le segment haut de gamme a vendu à ce jour 125 appareils. L’européen a franchi la barre des 80. Surtout, ils ont tous deux su développer une gamme d’appareils afin de mieux faire coller leur offre à la demande du marché. Boeing propose trois versions du BBJ. Le BBJ2 offre par exemple une cabine 25% plus spacieuse que celle du BBJ1 et une capacité cargo double. Airbus a lancé l’année dernière l’A318 Elite, dérivé du plus petit biréacteur de sa gamme commerciale. Il vient s’ajouter l’ACJ et à l’A320 Prestige.

Il faut noter également, que depuis que les deux avionneurs ont pris pied sur le créneau de l’aviation d’affaires, ils abordent de manière nouvelle les demandes de transformation de gros-porteurs en avions privés. Ces aménagements sont aujourd’hui confiés à des partenaires spécialisés capables de transposer aux cabines géantes des 747-400 et au double pont de l’A380, les standards qui caractérisent les avions d’affaires. Il s’agit, dès lors, moins d’excentricité que de raffinement. On a pu le constater avec les exemples d’aménagement de 787VIP dévoilés par Boeing au dernier salon EBACE de Genève, en mai dernier.

Ce créneau des bizliners n’est plus du tout anecdotique. Pour s’en convaincre, il suffit de comptabiliser les ventes du constructeur américain sur les douze derniers mois. Outre 17 BBJ (12 BBJ, 2 BBJ2 et 3 BBJ3), Boeing a vendu six 787 et quatre jumbo jet dans son ultime version 747-8. Dans ce contexte, toute la difficulté depuis quelques années, pour les vendeurs des deux grands constructeurs, est de faire admettre à leurs clients, les longs délais de livraison qui sont la conséquence du succès des modèles commerciaux de base. Boeing et Airbus réservent, au marché de l’aviation d’affaires, un nombre limité de positions sur les chaînes d’assemblage de leurs monocouloirs. C’est le revers de la médaille, la contrepartie du succès.
Le 737 et l’A320 sont deux excellents avions de ligne. Ce sont logiquement de remarquables biréacteurs d’affaires.

Gil Roy. Altitudes N°16 / Juillet 2007

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Martin R.

Martin R. est le développeur et webmaster d’Aerobuzz depuis sa création en 2009. Développeur de formation, il a fait ses classes chez France Telecom. Il lui arrive d’oublier ses codes le temps de rédiger un article sur un nouveau produit multimedia ou sur un jeu.

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