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Transport Aérien

Le rapport d’accident du 737 de Téhéran et ses questions sans réponse

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Frédéric Marsaly

Le rapport final du Bureau des enquêtes sur les accidents aériens de la République Islamique d’Iran relatif aux évènements qui ont conduit à la perte du Boeing 737-800 d’Ukraine International Airlines, vol PS752, le 8 janvier 2020 à Téhéran vient d’être publié. Si le document semble complet au premier regard, il n’en reste pas moins incomplet sur des points pourtant essentiels.

Le Boeing qui venait de décoller de Téhéran à destination de Kiev avec 176 personnes à son bord, a été délibérément visé par une batterie de missiles sol-air TOR M1 (SA-15 pour l’OTAN) et abattu.  La méprise a été reconnue très rapidement par les autorités iraniennes.

Un contexte de tensions internationales

Quelques heures plus tôt I’Iran venait de lancer plusieurs missiles sol-sol contre une base militaire US irakienne en représailles à l’attaque de drone qui avait coûté la vie au Général iranien Soleimani en visite officielle dans ce pays le 3 janvier précédent.

Le rapport, après une longue et indispensable partie sur le déroulement de l’enquête et l’analyse des débris de l’appareil, s’avère très pauvre sur les raisons précises de la méprise, collective et individuelle, cause réelle du drame. Tout au plus, raconte-t-il que l’opérateur de la batterie anti-aérienne, en alerte, a prévenu son centre de coordination de l’apparition d’une cible à 6h14 et 19 secondes. Sans réponse, il activa son armement 20 secondes plus tard. Un second missile est tiré à 6h15 et 9 secondes mais manque sa cible. 

La gestion de l’espace aérien iranien est complexe, avec des interactions entre les centres de coordination militaires et les centres de contrôle civils, ceci étant dicté à la fois par les tensions du moment mais aussi par le contexte historique qui fait que l’Iran ou les nations limitrophes sont impliquées dans des conflits depuis 40 ans pratiquement sans interruption.

En dépit des tensions internationales, de 1h25 à 6h30, sur les 16 vols prévus au décollage depuis Téhéran, seuls 6 furent annulés en raison de la fermeture  de l’espace aérien irakien (NOTAM de la FAA à 3h15). Partant vers le nord, le vol 752 n’était pas concerné. Prévu à 5h15, il décolla à 6h11 vers son destin.

Des erreurs peu détaillées

Le rapport reconnaît plusieurs erreurs dans sa chaîne de décision, communications défaillantes, identification et classification de la cible erronée, erreur de procédure de tir par l’opérateur de la batterie. Surtout, il semble y avoir eu une erreur de positionnement et de localisation de la batterie qui pourrait avoir joué un rôle sur la conscience de situation de l’opérateur.

Ces explications ne sont pas développées autrement que par des commentaires généralistes sur la gestion du risque. Il faudra donc se contenter des faits suivants : l’avion a été, mal, identifié comme étant une cible hostile.

La réaction Canadienne


C’est une vraie déception pour beaucoup, ce que le le bureau de sécurité des transports canadien, pays dont 63 ressortissants ont péri ce matin-là, a clairement résumé dans un communiqué :

« Ce rapport n’explique que partiellement pourquoi l’espace aérien est resté ouvert et pourquoi les opérateurs ont continué à voler après que l’Iran a lancé ses missiles contre l’Irak. Il n’explique aucun des facteurs sous-jacents qui expliqueraient pourquoi les missiles ont été tirés contre le vol PS752 (…). En résumé, ce rapport explique ce qu’il s’est passé mais ne dit pas « pourquoi »? (…) Ce manque de détail implique que nous ne pouvons confirmer que les actions entreprises pour réduire les risques vont effectivement les réduire au sein de l’espace aérien Iranien. (…) Les recommandations ne s’appliquent pas à la cause clairement établie de ce drame, c’est à dire le tir des missiles. »

Frédéric Marsaly

 

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Frédéric Marsaly

Frédéric Marsaly, passionné par l'aviation et son histoire, a collaboré à de nombreux média, presse écrite, en ligne et même télévision. Il a également publié une douzaine d'ouvrages portant autant sur l'aviation militaire que civile. Frédéric Marsaly est aussi le cofondateur et le rédacteur en chef-adjoint du site L'Aérobibliothèque.

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  • Dans ce terrible drame,les familles savent au moins de quoi sont morts leurs proches.
    Le pire c'est quand l'Etat en question cache la vérité.Il sagit là d'une double peine.

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