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Categories: Transport Aérien

Londres renonce à créer un aéroport dans l’estuaire de la Tamise

Published by
Pierre Sparaco

Le gouvernement britannique vient d’annoncer qu’il abandonnait le projet de construction d’un grand aéroport londonien dans l’estuaire de la Tamise. La solution à la thrombose aéroportuaire annoncée est le développement de Heathrow et Gatwick, deux aéroports contraints, proches de la saturation.

Le grand aéroport dont la création dans l’estuaire de la Tamise était envisagée de longue date ne verra pas le jour : ainsi en a décidé l’Airports Commission du gouvernement du Premier ministre David Cameron. Ce projet pharaonique, qui aurait coûté au minimum entre 70 et 90 milliards de livres, n’est finalement pas jugé indispensable à l’écoulement harmonieux du trafic aérien autour de Londres. C’est une décision surprenante.

En effet, les experts réunis au sein de cette commission ont estimé en âme et conscience qu’il suffirait de doter les aéroports actuels (Heathrow ou Gatwick) d’une piste supplémentaire en 2030, d’une autre en 2050, pour faire face à la demande. On a peine à comprendre ce choix, sachant que Heathrow est déjà proche de la saturation avec plus de 72 millions de passagers par an, Gatwick étant dans une situation encore plus difficile avec une seule piste. Dans ces conditions, on imagine volontiers que Paris et Francfort, à terme, dépasseront Londres et deviendront, pour reprendre la terminologie britannique, les principaux « gateways » européens.

De toute évidence, c’est l’ampleur du projet d’Inner Thames Estuary Airport qui a fait peur, plus que l’investissement à consentir. Et cela malgré des appuis politiques importants, à commencer par celui de la mairie de Londres. Outre l’aéroport lui-même, à implanter sur une île artificielle, des moyens de communication importants auraient dû être créés de toutes pièces, notamment une liaison ferroviaire au départ de la gare de St. Pancras et des autoroutes améliorées. De plus, les modalités de transfert progressif du trafic ont visiblement inquiété les experts, les deux aéroports, Heathrow et la nouvelle plate-forme, devant fonctionner simultanément pendant une quinzaine d’années. Une vision étonnante de l’avenir, comme s’il s’agissait de décourager une fois pour toutes les tenants du projet.

De même, ils se sont interrogés sur le transfert des 84.300 emplois directs, 44.400 emplois indirects et 77.200 emplois induits liés à Heathrow. Cette interrogation est difficilement compréhensible dans la mesure où ils sont indispensables au bon fonctionnement de l’aéroport actuel. Et le devenir des terrains libérés a aussi suscité d’innombrables questions. D’où le choix de ne rien faire, si ce n’est de créer deux nouvelles pistes, d’ici à 2050 ou, en d’autres termes, la peur du changement.

Les membres de l’Airports Commission ont regardé attentivement ce qui s’est fait ailleurs dans le monde depuis de nombreuses années. Ainsi, ils ont notamment étudié les modalités de fermeture de Tai Tak (Hong Kong), Stapleton (Denver), Ellinikon (Athènes) ou encore Oslo Fornebu. Ce n’était pas nécessairement une source d’information et de comparaison très utile, si ce n’est qu’ils ont pu constater qu’aucun aéroport nouveau n’avait été créé récemment aussi loin de la ville qu’il devait desservir. La liaison ferroviaire prévoyait pourtant un temps de trajet de 26 minutes seulement, moins qu’il n’en faut au RER entre le centre de Paris et CDG. En d’autres termes, la commission a peut-être travaillé de manière à justifier une conclusion connue d’avance.

Reste néanmoins à replacer le problème aéroportuaire londonien dans son juste contexte, à savoir la disponibilité de Heathrow, Gatwick et du London City Airport, mais aussi d’autres plates-formes un peu plus éloignées de la capitale comme Stansted.

Si le trafic aérien continue de progresser d’environ 5 % par an, la prévision de la totalité des experts mondiaux, Londres pourrait ainsi s’acheminer vers l’asphyxie. Et ce ne serait pas par manque de préparation : la faisabilité d’un aéroport dans l’estuaire de la Tamise a été étudiée une première fois dès 1971 (c’est-à-dire avant le premier choc pétrolier), le projet étant abandonné en 1974. Puis il a à nouveau été envisagé en 2003. C’est ce qui s’appelle avoir de la suite dans les idées.

Pierre Sparaco

Le désengorgement d'Heathrow passe par la création d'une troisième piste
Gatwick projette une deuxième piste
Le projet de l'implantation d'un grand aéroport dans l'estuaire de la Tamise est abandonné… pour la deuxième fois.
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Pierre Sparaco

View Comments

  • Londres renonce à créer un aéroport dans l’estuaire de la Tamise
    Bonjour Aérobuzz.
    Ne rigole pas...mais ce projet n'est qu'une pâle imitation de celui de Mr Lurcat.........Lire ci dessous:
    " Un porte-avion à Paname avec accès par le métro"........OUF on l'a échappé belle.

    "L'aérodrome sur l'Ile aux Cygnes de André Lurcat (1932)
    André Lurcat avait eu la folle idée d'imaginer un aérodrome sur l'Ile aux Cygnes, permettant d'accueillir des petits avions.

    Plateforme destinée à servir de piste d'atterrissage et d'envol à des avions de petit gabarit, projetée au-dessus de l'île aux Cygnes, passant par-dessus le viaduc de Bir-Hakeim et débordant sur la Seine. Des services et les garages à avions sont abrités sous la piste".
    Bonne journée à tous.ChV

  • Londres renonce à créer un aéroport dans l’estuaire de la Tamise
    J'apprécie habituellement les analyses de Pierre Sparaco, mais sur ce coup là il y a beaucoup d'inexactitudes qui rendent le tout caduc:
    - l'Airport Commission a été mise en place par le gouvernement, mais elle est indépendente et ses recommendations ne représentent pas nécessairement l'avis du gouvernment. En l'occurence, même si David Cameron est plutôt pour une troisième piste à Heathrow, ce n'est pas dit qu'il aura le courage politique de la soutenir. Donc le project de Thames Estuary n'est pas enterré, il s'agit juste de la recommendation de la énième commission statuant sur le sujet et qui finira sans doute par prendre la poussière selon le résultat des élections de l'année prochaine.
    - Gatwick n'est pas "dans une situation encore plus difficile avec une seule piste". Gatwick n'opère pas à pleine capacité (certaines plages horaires sont peu chargées) contrairement à Heathrow.
    - Contrairement à ce que dit Pierre Sparaco, l'investissement à consentir est un point hyper bloquant pour le projet. Il n'y a pas de business case pour investir £100 milliards sur un aéroport, aussi super soit-il. Cette aéroport est visionnaire à long-terme mais simplement infinancable à court-terme. Imaginez la valeur ajoutée socio-économique qu'on peut créer en investissant ces mêmes £100 milliards dans des hopitaux, écoles, infrastructures de transport locales, etc. Ni le public ni le privé ne pourraient dégager l'argent nécessaire, le projet devrait sans doute être interrompu au bout d'une ou deux pistes à cause du manque de crédits.
    - "les deux aéroports, Heathrow et la nouvelle plate-forme, devant fonctionner simultanément pendant une quinzaine d’années": au contraire, il faut basculer de Heathrow au nouvel aéroport au cours d'une nuit, car on ne peut pas forcer les compagnies à bouger d'Heathrow tant qu'il est ouvert, et tant qu'Heathrow est ouvert les compagnies ne veulent pas en bouger (écoutez Willie Walsh).
    - "De même, ils se sont interrogés sur le transfert des 84.300 emplois directs, 44.400 emplois indirects et 77.200 emplois induits liés à Heathrow. Cette interrogation est difficilement compréhensible dans la mesure où ils sont indispensables au bon fonctionnement de l’aéroport actuel.": ???
    - En quoi le benchmark de HK, Denver et Athènes n'est pas utile?
    - "La liaison ferroviaire prévoyait pourtant un temps de trajet de 26 minutes seulement, moins qu’il n’en faut au RER entre le centre de Paris et CDG": CDG n'est pas une référence! La référence c'est les liaisons express entre Londres et à la fois Heathrow et Gatwick ainsi que les nouvelles liaisons types RER (mais moderne et fiable) qui vont s'ajouter d'ici 2020 (Crossrail à Heathrow et Thameslink à Gatwick).
    - "Si le trafic aérien continue de progresser d’environ 5 % par an": arrétons avec ces fameux 5% de moyenne mondiale de l'IATA! Nous sommes en Europe, PIB plat, le trafic aérien ne va pas faire du 5% vu sa corrélation très forte au PIB.

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