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Transport Aérien

Parlons Facteurs Humains : Interface Homme-Machine – Apprendre à communiquer

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Michel Trémaud

Une description des commandes du Wright Flyer et de son pilotage concluait … « Tous ces mouvements ne sont pas instinctifs, d’où une certaine difficulté de pilotage … » ; la grande odyssée de l’interface homme-machine venait de commencer ! Des décennies ont passé, des générations technologiques également mais les fondamentaux eux n’ont pas changé … la clé de l’interface homme-machine reste la « communication homme-machine » ; c’est que nous vous proposons de développer ici.

En aéronautique, l’expression Interface Homme-Machine se réfère souvent à l’interface pilote-avion, mais ce qui suit peut s’appliquer en large part à l’interface de travail d’un contrôleur aérien ou de tout autre acteur utilisant une « machine », au sens large. Dans le contexte d’un niveau d’automatisation élevé, la qualité de l’interface homme-machine est un élément clé permettant à l’homme de mieux gérer et superviser les différents automatismes.

Communiquer

Aborder la compréhension de l’interface homme-machine se résume en fait à deux questions simples, … du moins, en apparence :

  • comment communiquons-nous avec la machine ?
  • comment la machine communique-t-elle, en retour, avec nous ?

Communiquer c’est donc concevoir, formuler et s’exprimer … mais aussi percevoir, interpréter, comprendre et enregistrer. Cette communication / ce dialogue se fait au travers des diverses commandes et affichages constituant l’interface homme-machine. Ces commandes et affichages doivent être considérés (dans une perspective facteurs humains) sous deux angles :

  • leur aspect physique (c’est à dire, leur ergonomie d’utilisation en termes de manipulation / tolérance à l’erreur / retour sur action / consultation / …),
  • leur aspect fonctionnel (c’est à dire, leur adéquation avec notre schéma mental d’utilisateur, leur intégration dans une architecture d’ensemble, leur caractère intuitif, leur niveau de perception plus ou moins alertant dans le bruit de fond de l’ensemble des informations disponibles, …).

Le dialogue entre le pilote et la machine se fait au travers des diverses commandes et affichages constituant l’interface homme-machine. © Boeing

Ces divers aspects sont fondamentaux car la machine et son interface doivent s’adapter à l’utilisation (mission) et non l’inverse. L’interface homme-machine doit donc intégrer et tenir compte des capacités sensorielles de l’humain; en effet, celui-ci peut être plus ou moins :

  • réceptif suivant le type d’information ou signal reçu (audio / visuel / tactile),
  • attentif à une alerte audio discriminée ou à une voix synthétique,
  • sensible à l’état ou à la variation d’une information / indication,
  • interpellé par une information de tendance ou une indication de seuil,
  • alerté par la couleur / le caractère fixe ou variable (pulsing / flashing) d’une information / indication / voyant,
  • [ … ].

Communiquer avec une machine suit les mêmes règles que la communication entre deux êtres humains :

  • notre message (nos intentions, nos attentes) doit être formulé d’une façon et dans un langage qui est compris par l’autre partie,
  • nous devons être attentif et savoir percevoir comment l’autre partie nous montre qu’elle a compris (… ou pas) notre message et y donne suite (… ou pas).

Dans cet esprit, et afin de préparer l’utilisateur à interfacer de façon effective avec sa machine, les manuels d’utilisation doivent décrire et illustrer les différentes fonctions et interfaces des systèmes dans une perspective opérationnelle (c’est à dire, dans le contexte des procédures normales, anormales ou d’urgence) … plutôt que de façon purement descriptive.

« Il est important de savoir comment le système fonctionne, mais il est encore plus important de savoir comment faire fonctionner le système ». © Airbus

L’établissement d’une telle passerelle entre la description des systèmes et les procédures d’utilisation est un domaine dans lequel des efforts ont été fait mais qui restent certainement à poursuivre et développer. Cette approche opérationnelle orientée « mission » est souvent résumée par la phrase : « Il est important de savoir comment le système fonctionne, mais il est encore plus important de savoir comment faire fonctionner le système ».

Superviser

Interfacer avec une machine, c’est aussi superviser cette machine en vérifiant constamment ce qu’elle fait par rapport à ce que nous lui avons demandé de faire. En effet, en tant qu’utilisateurs, nous sommes responsables de la matérialisation et réalisation de nos objectifs / attentes à court-terme et long-terme. Pour cela, nous devons être à l’écoute de notre machine ; ceci implique de s’assurer en permanence :

  • de la bonne position des diverses commandes / boutons / switches / …,
  • des valeurs des consignes entrées dans les différents systèmes,
  • de la cohérence des différents affichages reflétant ces consignes / entrées,
  • de l’apparition de toute alerte ou alarme, et …
  • … du comportement de l’avion et de ses systèmes !

Ainsi, toute sélection d’une consigne de vitesse / cap / altitude ou tout engagement / armement d’un mode du pilote automatique doit être confirmé / vérifié non seulement en observant le résultat direct de l’action (l’affichage de la consigne dans la fenêtre associée, l’illumination de la touche du mode engagé / armé) … mais également en vérifiant :

  • l’affichage des consignes sélectées sur les échelles correspondantes des écrans de pilotage et navigation,
  • l’affichage des modes engagés / armés sur l’annonciateur de modes.

En effet, seule cette seconde vérification confirme que les différentes sélections / actions du pilote ont bien été acceptées et prises en compte par le système.

Certaines suites avionique récentes ne comportent plus de « fenêtres d’affichage » sur le panneau pilote automatique; ainsi, le pilote doit se référer seulement aux écrans de pilotage et de navigation pour la sélection / vérification des consignes de vitesse / cap / altitude / vitesse verticale.

Seule cette seconde vérification confirme que les différentes sélections / actions du pilote ont bien été acceptées et prises en compte par le système. © Coll. M. Trémaud

De plus, les effets de ces actions sur la vitesse, le cap, l’altitude, la poussée … et la trajectoire de l’appareil (donc, sur le guidage / le niveau d’énergie / la performance) doivent être conformes à nos intentions / attentes !

Maitriser

Interfacer avec / superviser une machine requiert une certaine dose d’humilité ; en effet, si la machine ne réagit pas comme désiré, plutôt que de prononcer la célèbre exclamation: « Mais que fait-il / que fait-elle, maintenant ? » … Nous devrions plutôt nous demander à nous même : « Mais qu’ai-je fait d’incorrect pour que l’avion (la machine) se comporte maintenant comme il (elle) le fait ? »

Interfacer avec une machine, c’est aussi maitriser le schéma mental introduit par le concepteur dans l’architecture et la logique des différentes fonctions. © Airbus

Interfacer avec une machine est en fait bien plus que maitriser l’interface physique entre nous – l’utilisateur humain – et le système, c’est aussi maitriser le schéma mental introduit par le concepteur dans l’architecture et la logique des différentes fonctions.

Naturellement, et cela est l’essence même de la prise en compte des facteurs humains dans la conception d’une machine (conception centrée sur l’utilisateur), le schéma mental du concepteur doit refléter notre schéma mental d’utilisateur de première ligne (c’est à dire l’ensemble des tâches que nous devons accomplir pour mener un avion de son départ à sa destination, avec les enchainements de tâches dictés par la conduite du vol et les contraintes du contrôle aérien).

En résumé – Veiller et surveiller

Interfacer avec / superviser une machine (ou tout automatisme) est une question de communication et de performance humaine, et cela devrait toujours inclure une part raisonnable de doute … afin d’éviter tout excès de confiance dans la machine et tout relâchement dans sa supervision.

Dans le prochain article, intitulé Pilote automatique – Avatar du pilote ? (mise en ligne du 08/12), nous aborderons plus en détail la compréhension et l’utilisation du pilote automatique.

Michel Trémaud

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Michel Trémaud

Michel Trémaud a débuté sa carrière au Bureau Veritas, l'a poursuivie à Air Martinique et Aerotour, avant de rejoindre Airbus pour une carrière de près de 30 ans, consacrée principalement aux opérations en vol, essais de développement / certification et sécurité des vols. Dans ces fonctions, il a contribué à de nombreux projets pilotés par l'OACI, IATA, la Flight Safety Foundation et Eurocontrol. Ingénieur et pilote de ligne de formation académique initiale, il est pilote privé ( avion / planeur / ULM ) ... et également formé sur A310/A300-600.

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