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Aviation Générale

Être FI en 2017

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Gérard David

C’est autour de cette question à la Montesquieu, mais sans connotation persane, que viennent de se réunir au sol à la DGAC, sous la houlette de l’ANPI (Association Nationale des Pilotes Instructeurs), 150 instructeurs de vol pour tenter de trouver des réponses nouvelles et modernes à cette interrogation : comment peut-on/doit-on être demain Flight Instructor ?

Le diagnostic de la situation actuelle est aisé : Patrick Amar, le chef de la MALGH (Mission de l’Aviation Légère, Générale et des Hélicoptères) le rappelait en ouverture et Pierre Belair, vice-président de l’ANPI, en conclusion : l’essentiel de nos méthodes pédagogiques en aéronautique datent des années 60 et des tableaux de bord “à pendules” alors que l’essentiel, aujourd’hui et surtout pour demain, est ailleurs. Pas seulement, comme tout le monde le sait, dans les écrans et les automatismes, mais, et ce n’est pas le moindre paradoxe d’une formation à inventer plutôt qu’à prédire, dans une aptitude qui ne s’enseigne pas comme une technique mais s’apprend et se cultive comme un état d’esprit : la capacité de décider, et de prendre la bonne décision dans les mauvaises situations.

Zones d’ombre

Cette interrogation majeure a plané sur l’ensemble des débats de la journée, partagée entre sujets juridiques et techniques. Avec, malgré la compétence des avocats/es participants et des représentants/es de l’Administration de tutelle, des zones d’ombre non clairement résolues, comme celle –ci, pourtant capitale, en cas d’incident ou d’accident lors d’un test en vol : un examinateur nommé par la DGAC est-il mandaté pour une mission dont l’État resterait donc responsable ou est-il seulement désigné et agissant donc sous sa propre responsabilité ?

Depuis la mise en vigueur de l’AirCrew, les interprétations diffèrent ouvertement et en fonction des principes et des circonstances, ce sera, seul point d’accord final, à la Justice de trancher !

En renvoyant dos à dos ou plutôt face à face les parties intéressées, les débats ont eu le grand mérite, entre Administration et Tribunal, de poser et de clarifier la problématique sans toutefois livrer de solution…

Responsabilité pénale de l’instructeur

Sur la responsabilité pénale de l’instructeur, l’exposé magistral et cependant plein d’humour (“la sécurité ne passe pas par la timidité, mais souvent par l’audace! ») du juge honoraire Daniel Olive apportait des précisions indispensables au meilleur exercice du métier d’instructeur, que celui-ci soit salarié, bénévole, ou travailleur indépendant.

Avec encore beaucoup d’incertitudes sur les conduites à adopter par les pilotes compte tenu de la dualité entre droit européen et droit national : la notification en principe obligatoire de tout manquement par exemple aux règles de l’Air , en contradiction avec le principe d’impunité posé par la convention européenne des Droits de l’Homme, impunité dont la levée éventuelle est laissée aux États membres… Maquis juridique entre auto-immunité et auto-dénonciation dans lequel le juge Olive a admirablement promené des instructeurs ébahis mais souvent perplexes.

Cellule d’assistance juridique de l’ANPI

La mise en place annoncée par le vice-président Francis Artigue, modérateur du séminaire, dès Janvier 2018, de la toute nouvelle cellule d’assistance juridique de l’ANPI composée des intervenants du séminaire, Maîtres Maud Egloff, Jean Emmanuel Franzis, du juge honoraire Daniel Olive et de Pierre Belair permettra désormais, pour les instructeurs et les Aéroclubs dans lesquels ils exercent, un “lever de doute” salutaire face à la complexité des textes et des cas.

La nécessité, soulignée par Francis Artigue, de revisiter nos façons d’instruire au sol comme en vol impose de vivifier, d’imaginer, de construire de nouvelles méthodes aussi modernes que les matériels nouveaux sur lequels se font les apprentissages si l’on ne veut pas que les jeunes s’en détournent et que la génération actuelle des instructeurs soit la dernière. Inquiétude que l’âge moyen des présents ne permettait hélas pas de lever!

Un environnement réglementaire complexe

C’est dans les têtes aussi ou plutôt d’abord que l’on doit passer du bois et toile au composite, des pendules aux écrans, des interrupteurs au tactile, pour que perdure en se recréant, à tous les sens des mots recréation et récréation, une juste culture aéronautique. Certes les innombrables structures actuelles de l’Union Européenne, telles que fort opportunément comptées et racontées par Jean Paul Magny, ne facilitent pas cette indispensable et urgente rénovation de nos formations aéronautiques. Même si, avec Dominique Roland à la tête de la mission aviation générale de l’EASA, la promesse romaine de Patrick Ky en 2014, et non encore visible à ce jour dans les faits, de “simpler, lighter, better rules” pourrait un jour être tenue, mais quand ?

Car pour l’immédiat, en dépit des précisions précises et opportunes apportées à l’assistance par Pierre Belair, sur les nouvelles modalités des prorogations, les nouveautés règlementaires, les nouvelles technologies et la question toujours délicate du coavionnage, le ciel de notre aviation légère, générale et sportive reste sombre.

La flamme de la passion

Même si un rayon de soleil nous est annoncé avec l’apparition en Avril 2018 d’un dessin animé conçu et réalisé par l’EASA en 12 langues, dans lequel une jeune et blonde instructrice, parité oblige…, nous invitera à nous “envoyer en l’air” en tentant de redonner aux jeunes générations cette envie de l’Air qui fait les vrais aviateurs, et cette envie d’air qui fait aujourd’hui tant défaut dans notre communauté, trop bridée comme l’ont justement rappelé certains intervenants par les coûts, les règlements et les environnements de toute sorte.

Même si, grâce à l’ANPI et à des journées comme celle-là, tout espoir, comme l’on dit, n’est peut-être pas perdu, quand on voit la flamme de la passion du vol ranimée avec autant d’expertises et de convictions.

Gérard David

Les actes complets du séminaire seront disponibles sur le site de l’ANPI à la mi-Décembre.

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Gérard David

Gérard David, Normalien et consultant senior en aéronautique, est le premier vice-président fondateur de l¹Université Lyon III-Jean Moulin. Il fut le directeur général de la compagnie aérienne Auxiair puis de la fondation Mérieux-Bioforce. Il a aussi été directeur des relations extérieures et de la communication du groupe Dassault Aviation. Cet instructeur-examinateur de pilotes professionnels d¹avions (13.500 heures de vol) et d¹hélicoptères (4.500 hdv) est le président d¹honneur des aéro-clubs de Méribel et des Marquises-Jacques Brel. Un parcours atypique "de haut vol", de la rue d¹Ulm à l¹Ulm !

View Comments

  • "une jeune et blonde instructrice, parité oblige…" oui, c'est énervant... mais votre commentaire aussi. Pour être unE pilote, qui se fait refouler aux contrôles sécu des meetings avec un "vous êtes femme de pilote?", et ben, franchement, la parité ne restera un problème que tant qu'on en usera. Laissons les vraies pilotEs vivre, sans encenser les bêtes de communications qui font les unes, en faisant parfois plus de buzz que d'exploit (mais bon, ça fait bien pour l'audimat de cumuler les handicaps).

  • Pas plus tard que hier, a la fin d'énième cours de revalidation Instructeur FAA + flight review en vol, je ne peut que conseiller ce modele: logique, pragmatique, avec-- en appui lors de séminaires en salle-- toute la documentation pédagogique et réglementaire gratuite en ligne. Pendant deux jours, avec treize autres FI ( pilotes de ligne actifs ou retraités, hélico de la police ou militaire délégué aux Nation Unies en Somalie (!) , part-time avec d'autres métiers mais néanmoins tous pro et IFR - obligation FAA bien fondée -- dont un inventeur dont vous entendrez parler très prochainement), recyclage avec objectif unique: améliorer les techniques et les modes d'apprentissage, et donc la sécurité en vol. Comment? "Scénario based training" et non la memorization d'inutilités.

  • Concernant l'age des instructeurs, il faudrait que certains dirigeants d'aéroclub laisse la chance aux jeunes de pouvoir instruire.
    Jeune instructeur restreint avec l'habilitation voltige 2nd cycle (FI(A), CPL, IR/ME, ATPL théorique : le tout autofinancé), mon club a préféré payé une liste 1 à une autre personne plus âgée (45 ans) sans habilitation voltige sous prétexte qu'il n'ira pas se faire embauché par une compagnie (et donc quitter l'instruction) puisqu'il n'a pas toutes les qualifications (uniquement CPL théorique).
    Le plus drôle c'est que la moyenne d'age des instructeurs voltiges et de 65 ans... Une section qui va bientôt disparaître...
    Il y a certainement des dimensions politiques au sein du club que je ne maitrise pas.

    Ce genre de comportement n'incite pas les jeunes à faire de l'instruction ni même à s'investir dans un club.

    Il faut travailler auprès des jeunes pour les intéresser et auprès des dirigeants pour leur laisser une place

    • Tous les présidents d'aéroclub ne raisonnent pas comme cela... Personnellement, je suis un président en mode next ces vielles machines à bout de souffle qui ont 50 ans d'âge et place aux jeunes (notre instructeur le plus âgé à 45 ans et le plus jeune vient de souffler ses 30 bougies...). D'ailleurs, on recherche un FI(A) désireux de s'investir dans l'instruction... ayant la quarantaine maxi ! ;-)

      • A vous lire on pourrait penser qu'à 50 ans on est un vieillard et bon à jeter comme instructeur!! ou alors est ce une boutade? évidemment qu'il faut laisser de la place aux jeunes mais mettre avant en avant cet aspect là des choses me paraît un peu......je trouve pas les mots...

  • Merci Gérard d'avoir partagé avec talent cette réunion.
    Question parité, qui n'est pas qu'un gadget, il faudrait envisager des mesures incitatives énergiques pour encourager les vocations féminines, d'abord comme pilote puis bien sûr comme FI. C'est aussi une piste du rajeunissement nécessaire !

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