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Aviation Générale

Le youtubeur volant Trevor Jacob risque gros devant la justice fédérale

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Frédéric Marsaly

Le 24 novembre 2021, Trevor Jacob évacue volontairement son monomoteur Taylorcraft BL-65 au-dessus des montagnes de Californie pour filmer une séquence impressionnante et unique. Il vise le buzz sur Youtube. Il risque maintenant 20 ans de prison et 250.000 $ d’amende. Et tout cela pour 4,5 millions de vues que lui a rapporté son crash volontaire. On en parle sur JumpSeat (Aerobuzz.fr sur Twitch), mardi 13 juin à midi.

Même si le jeune sportif californien, ancien membre de l’équipe US de snowboard aux Jeux Olympiques de Sotchi en 2014, s’en est défendu initialement, l’aspect volontaire de cette évacuation en vol n’a fait débat que quelques temps. Le port du parachute, la position des caméras qu’il avait installé sur son avion pour surveiller uniquement le flanc bâbord et la porte de l’appareil sans oublier, surtout, sa perche à selfie, accessoire indispensable en cas d’urgence, évidemment, furent des éléments à charge.

Si vous décidez de voler en avion léger avec un parachute, n’oubliez pas la perche à selfie, c’est in-dis-pen-sable ! © T. Jacob


L’absence de tentative visible pour redémarrer le moteur soit-disant récalcitrant, l’absence de toute tentative de recherche d’un terrain d’atterrissage de fortune et surtout l’absence de tout appel radio pour appeler à l’aide ou tout simplement prévenir le contrôle aérien de ses avanies, ont entraîné rapidement la FAA à annuler la licence de pilote de Trevor Jacob pour « son manque de jugement et de responsabilité » le 11 avril 2022. Il était autorisé à repasser l’ensemble des examens pratiques et théoriques à partir du 12 avril 2023 au cas où il aurait eu envie de retrouver ses prérogatives de pilote.

Suspendu sous son parachute, Jacobs filme son avion en perdition. On se demande bien si le lit de la rivière à sec n’aurait pas fait une zone d’atterrissage d’urgence possible ? Si il y avait bien eu urgence ! © T. Jacob

Le NTSB et la FAA, organismes fédéraux, lui reprochent aussi d’avoir menti sur la localisation de l’épave qu’il prétendait ignorer, un mensonge particulièrement maladroit à partir du moment où, un mois plus tard, le 21 décembre, en mettant en ligne sur youtube le film de son « exploit » il montrait par la même occasion qu’il était allé, quelque minutes après son saut en parachute, vérifier dans l’épave de son avion si il pouvait retrouver une bouteille d’eau et, plus important, récupérer les cartes mémoires de ses caméras qui avaient enregistré jusqu’à l’impact.

Il a été informé rapidement qu’il restait responsable de l’épave de son avion et qu’il devait la tenir à disposition des enquêteurs. Après tout, sa fameuse panne moteur pouvait avoir une cause qui pouvait intéresser les autres propriétaires de Taylorcraft, un avion finalement ni très rare, ni vraiment précieux mais bien sympathique quand même.

L’épave du Taylorcraft quelques minutes après l’impact. Déclarer ignorer où elle se trouvait à un enquêteur du NTSB, était-ce bien malin ? © T. Jacob

Or, en décembre, Jacob et un de ses amis avaient récupéré l’épave qu’ils avaient convoyé par route, après avoir loué un hélicoptère à une société de Paso Robles pour faire le levage, avec leurs pickup. Une fois de retour sur l’aérodrome de Lompoc, à l’abri d’un hangar, ils ont entrepris de mettre en pièce l’appareil et de répartir les restes dans différentes décharges du terrain et de la ville.

Pour les autorités fédérales, ça s’appelle obstruction à la justice et destruction de preuves.

La publication de la première vidéo, qui comprenait un passage promotionnel pour un fabriquant de porte-cartes équipés d’une protection RFID, laissait penser que le crash était volontaire et que le film n’avait qu’un seul objectif, faire du buzz. Après le déclenchement des enquêtes fédérales, une seconde version était mise en ligne, le 24 décembre 2021, sans la partie commerciale, le sponsor ayant peut-être senti alors qu’il était préférable de ne pas mêler son nom à cette histoire.

Ce passage publicitaire vous est offert par….. pas sûr que la marque en question a apprécié la tournure de ce spot publicitaire. ©T. Jacob


Le droit fédéral US a classé son accusation au 14e rang de l’échelle des peines (qui va de 1 pour la plus légère, à 43 pour l’accusation la plus lourde) accompagné d’un +2 d’office pour obstruction à la justice. Pour éviter un procès public au cours duquel l’avis d’un jury populaire serait peut-être une prise de risque vu le caractère futile du délit, Jacobs a donc signé une reconnaissance de culpabilité qui va servir à un procureur pour déterminer une peine en accord avec ses représentants.

Pour le moment, il encoure jusqu’à 20 ans de réclusion dans un pénitencier fédéral assorti de 3 ans de liberté surveillée à l’issue, essentiellement pour avoir tenté de masquer son délit à la justice et pour avoir tenté d’en tirer profit. Il peut également être condamné à 250.000 € d’amende ou bien du double du montant des gains relatifs au délit ou deux fois le montant du déficit qui en a découlé. Le verdict devrait être prononcé sous peu et pourrait quand même donner lieu à un appel.

Alors, Trevor, c’était comment quand tu étais pilote ? © T. Jacobs

Quoi qu’il en soit, Trevor Jacob a obtenu ce qu’il voulait. Sa chaîne Youtube a gagné beaucoup en auditoire (142.000 abonnés) et lui même est devenu célèbre. La vidéo du crash dans sa seconde version été vue 4,2 millions de fois, avait généré quelques 21.000 commentaires mais il faut bien chercher pour en trouver des laudateurs ! La vidéo originale demeure visible grâce à d’autres youtubeurs.

Le vol prévu entre Lompoc et Mammoth Lakes, interrompu au bout de 35 minutes au-dessus d’un secteur quasi-désert mais terriblement sensible aux feux de forêt. © T. Jacob


Quelque soit le verdict, on pourrait aussi conclure que son Taylorcraft méritait un tout autre sort qu’être éparpillé ainsi pour une raison aussi futile !



On revient sur cette cascade et sur les suites judiciaires, mardi 13 juin à partir de midi, en direct sur JumpSeat. Pour être prévenu 10 minutes avant le démarrage de l’émission, activer dès à présent la notification ici.



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Frédéric Marsaly

Frédéric Marsaly, passionné par l'aviation et son histoire, a collaboré à de nombreux média, presse écrite, en ligne et même télévision. Il a également publié une douzaine d'ouvrages portant autant sur l'aviation militaire que civile. Frédéric Marsaly est aussi le cofondateur et le rédacteur en chef-adjoint du site L'Aérobibliothèque.

View Comments

  • Ce n'est pas juste futile, c'est idiot et dangereux. Comment prévoir ce qu'il y aura sous l'appareil, à son point d'impact ?

    Je ne connais pas bien l'endroit, mais y aurait-il pu y avoir des randonneurs, des campeurs, des bêtes sauvages en dessous ?

    Un tel accident peut par ailleurs provoquer un départ de feu (ce qui d'ailleurs noté dans la légende de la carte du site, dans le présent article).

    Il y a plusieurs années, Discovery Channel a voulu faire un tel buzz, en crachant volontairement un Boeing 727. Ils l'ont fait plus intelligemment : ils ont demandé l'autorisation, ce qu'ils n'ont pas obtenu aux États-Unis, toutefois le Mexique, lui, a accepté.

    Ils ont fait appel à des professionnels, ont choisi l'emplacement du crash, réalisé l'expérience en collaboration avec les services d'urgence locaux.

    Ce qui me rassure, c'est que nos blogueurs tricolores (Vilebrequin) qui essaient de faire décoller une BMW 525D équipée d'une aile sont plus raisonnables : ils ont demandé l'autorisation, se sont fait aider et ont pris autant de précautions que possible.

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