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Les leçons d’une interception dangereuse d’un ULM par un Mirage

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Gil Roy

L’interception a failli tourner au drame. Le biplace CTSW pris dans les turbulences de sillage de l’avion de chasse a subi d’importants dégâts. Dans son rapport d’enquête, le BEA préconise une meilleure information des pilotes privés. Des recommandations aux pilotes de lampes à souder auraient, aussi, été les bienvenues.


Les événements se sont produits le 8 septembre 2008, dans la vallée du Rhône. L’ULM de type CTSW, avec deux pilotes instructeurs à bord, était en vol local, entre son aérodrome d’attache de Saint-Rambert d’Albon (Drôme) et la région de Saint-Etienne, quand il a pénétré dans la ZIT de Saint Alban. Aussitôt, un Mirage 2000 est dérouté de sa mission « pour intercepter l’intrus, l’identifier et l’interroger ». Dans le rapport qu’il vient de publier, le Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) précise que « l’interception est réalisée alors que l’ULM est en retour vers son aérodrome de départ à 12 h 38. L’ULM est stable à un cap 110° et au niveau de vol 25. Le pilote de l’intercepteur effectue les manœuvres de reconnaissances réglementaires puis se positionne à gauche de l’ULM avec un étagement négatif lui permettant de lire l’identification de l’intercepté. N’ayant pas obtenu de contact radio sur la fréquence réglementaire (121,5 Mhz) le pilote du Mirage, en accord avec le contrôle militaire, se désengage de l’interception.

Entre une et deux minutes après la séparation, le pilote intercepté perd le contrôle de son ULM dans des turbulences qu’il attribue au dégagement de l’avion de chasse. Le passager heurte le plafond en plexiglas et le rompt, la porte droite s’entrouvre et la verrière latérale se casse. Le pilote retrouve le contrôle de l’ultra léger à basse hauteur et décide d’effectuer un atterrissage de précaution sur l’aérodrome de Saint Rambert. Après l’atterrissage de l’ULM, en plus des dégâts observés pendant la perte de contrôle, il est constaté la disparition de la porte de soute située à l’arrière droit du fuselage. Sur le fuselage, au niveau de l’emplanture d’aile, coté droit, le revêtement du fuselage présente une froissure
».

L’enquête a démontré, d’une part qu’ « il n’y a pas eu de manœuvres brutales de l’avion de chasse visant à couper volontairement la trajectoire de l’ULM », d’autre part que « le pilote de l’ULM et son passager n’ont pas identifié qu’ils faisaient l’objet d’une mesure d’interception ». Le BEA est catégorique, « l’accident est dû au passage de l’ULM dans un secteur où les turbulences provoquées par le souffle du réacteur de l’avion de chasse étaient encore fortes malgré le temps écoulé depuis le départ du chasseur. Ceci peut s’expliquer soit par un vent faible à cette altitude soit par un changement de trajectoire de l’ULM l’amenant dans cette direction ».

Il ressort de cet incident grave qui aurait pu se solder par la mort de deux pilotes que la majorité des pratiquants d’aviation générale ne connaissent pas les procédures d’interception auxquelles ils peuvent être soumis. L’une des raisons invoquées par le BEA pour expliquer cette méconnaissance est la documentation incomplète éditée par le SIA qui comporte « une description partielle des procédures en omettant en particulier de citer la fréquence radio de référence pour établir le contact avec l’intercepteur. De plus, cette procédure est insérée dans ladite documentation d’une façon qui la rend difficile d’accès ». En conséquence, le Bureau recommande que la DGAC fasse le nécessaire « pour rendre complète la description des procédures d’interception, et la rende facilement accessible ».

Même si le pilote du Mirage 2000 a appliqué la procédure d’interception à la lettre, le BEA aurait pu rappeler aux militaires que les avions légers sont fragiles et qu’à l’avenir, ils devraient prendre un maximum de précaution lors de ce type d’intervention.

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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  • Les leçons d’une interception dangereuse d’un ULM par un Mirage
    Bonjour
    Je suis le passager de l ulm intercepte .contactez moi je vous raconterez avec précisions la manière dont l interception a été réalisé. Je vous donnerez également le nom des témoins au sol qui ont assisté a l opération .le pilote du mirage est venu ce placer a notre gauche a moin de 10 mètres légèrement en dessous il nous a dépassé dans une position dite au grands angles il a alors entamé une manoeuvre que j estime CRIMiNELLE il a fait une virgule sur la droite venant ce placer pile devant nous et en cabrant son avion le tout plein gaz nous étions alors a environs 60 mètres derrière lui un pilote normal ne peut ignorer les suite qu une telle manoeuvre pouvais avoir .J ai déposé une plainte a la gendarmerie de Saint Rambert j attend toujours la suite.

  • Les leçons d’une interception dangereuse d’un ULM par un Mirage
    Les conclusions du BEA sont vraiment culottées : le Mirage a bien fait son boulot, c'est la faute à pas de chance ! Pourquoi est-il inscrit, en tête du rapport du BEA, que « [Le] seul objectif [de l'enquête] est de tirer de cet événement des enseignements susceptibles de prévenir de futurs accidents. » si c'est pour dire, dans sa conclusion, que « La méthode d’interception et les procédures d’interrogation et d’identification ont été conformes à la réglementation nationale et aux normes internationales. » et de recommander de rendre plus accessibles ces mêmes procédures si elles sont dangereuses ?

    Si vous lisez les règles d'interceptions, vous allez rire, car elles sont inapplicables à l'ULM : « Fréquence radio ». « Allumer le phare ». « Clignotement régulier/irrégulier des feux de nav. ». « Sortir le train d'atterrissage » ! C'est le BEA qui devrait atterrir… Comment doivent faire les paramoteurs quand ils sont interceptés par un Mirage : Ils secouent les pieds ? Ils tendent les bras pour simuler les feux de nav ?

    Plus surprenant, le Mirage « dégage de sa position en accélérant dans l’axe, au même cap sans aucune manœuvre brutale. » (§1.7) Ce que confirme le pilote de l'ULM : « pour dégager devant eux par en dessous et en accélération. » (§1.9.1.1). Or selon les procédures publiées par la FFPLUM, il aurait du faire un « dégagement brusque en montée » pour signifier que l'ULM pouvait continuer.
    Dégager en accélérant dans l'axe, c'est provoquer en amont de l'ULM des turbulences de sillage. Un dégagement latéral ou sur un plan vertical n'aurait pas généré des turbulences devant l'ULM.

    Le rapport focalise sur la fréquence radio et la procédure d'interception. Mais selon les codes d'interception, le chasseur n'a pas demandé à l'intercepté de le suivre (pas de balancement des ailes ni cligo des feux). Donc l'intercepté n'avait rien à faire, il a normalement poursuivi sa trajectoire selon le rapport. Enfin, le pilote du Mirage reconnait qu'il s'approche à 20 m de l'ULM (§1.7 pour lire l'imat !) et dégage en accélérant… et pour le rapport, il n'y a pas eu de « rapprochement dangereux. » ! Un machin de 10 tonnes s'approche à 20 m d'un machin de moins de 475 kg, puis dégage en avançant sans que ça ne présente aucun risque de turbulence de sillage ! Est-ce la même procédure pour les paramoteurs ou les parapentistes ? Les militaires n'ont pas d'autres appareils plus légers ?

    Si vous lisez bien le rapport, la manœuvre n'avait pour but que de lire l'immat puisque l'ULM était sorti de la ZIT à 12:19 et que l'interception a eu lieu à 12:38, sur le chemin du retour. En gros, les militaires voulaient seulement savoir qui c'était.

    Et le BEA, pour sa part, n'a certainement pas voulu se fâcher avec les militaires. Moi j'aurais suggéré, au minimum, de donner aux pilotes des lampes à souder une paire de lunettes. Car s'ils ont besoin de se mettre à 20 m pour « lire clairement l’identification » (cf. §1.7) constituée de lettres d'au moins 50 cm (réglementation), c'est qu'ils ont de sérieux problèmes de vue…

  • Les leçons d’une interception dangereuse d’un ULM par un Mirage
    bonjour à tous,
    au fait, dernièrement notre magistrat suprême a déclaré que les centrales étaient à l'abri de la chute d'un avion (sous-entendu pas une trapanelle), il faisait référence au coeur de la centrale, confiné dans une enceinte en béton, mais les salles de contrôles conçues par les super têtes pensantes d 'EDF, AREVA, Bouygues et CIE sont elles à l'abri de la chute ACCIDENTELLE d'un avion? Ce que j'en connait c'est que se sont de simples bâtiments industriels...
    Dormez bien...

  • Les leçons d’une interception dangereuse d’un ULM par un Mirage
    Ce que je retiens:

    - L'enregistrement de la trajectoire montre clairement un comportement non-hostile:
    -> L'appareil est entré dans la zone d'une faible distance en la tangeantant, ce qui l'a fait ressortir.
    -> il avait allumé son transpondeur.
    - Le pilote connaissait et respectait la ZIT: au retour de sa promenade il l'a contournée . Ces faits apparaissent sur l'enregistrement de la trajectoire. Or l'interception a eu lieu après.

    La cause première de l'accident c'est donc (comme toujours) la conjonction de plusieurs facteurs:
    1)L'utilisation du transpondeur. C'est le facteur principal car c'est lui qui a suscité l'approche d'un autre appareil et amené le risque.
    2)La non – interprétation de l'information fournie par l'enregistrement du radar. Un pirate aurait piqué sur la centrale puis serait reparti aussi sec au lieu de tourner autour. Et il n'aurait pas allumé le transpondeur.
    3)L'utilisation d'une procédure manifestement inadaptée, car d'après le rapport le pilote du Mirage a bien fait son travail, et le BEA a conclu au respect de la procédure. Laquelle a produit l'accident.
    Si j'avais été à la place du CTSW, dans mon tube-et-toile (beaucoup moins stable), cette expérience m'aurais tué.

    Le fonctionnement des institution ayant pour effet de mettre ma vie en danger, on ne peut plus lui faire confiance. Pour la survie, il est donc recommandable de ne pas utiliser de transpondeur à proximité d'une zone qui le nécéssite, tant qu'on n'a pas l'intention d'y pénétrer.

    Pour ce qui est des deux instructeurs à bord qui n'ont pas vu la manoeuvre d'interception, que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre. Qui n'a pas parfois complêtement marqué un stop, ou dépassé de quelques Km/h une limite de vitesse ? Avez-vous pour autant reçu un coup de pistolet de semonce ? Si c'était le cas, quid de la vie en société ?

  • Les leçons d’une interception dangereuse d’un ULM par un Mirage
    Les procédures d'interception sont fourni par la FFPLUM et clairement expliqué.

    Le fait que deux instructeur soit rentrés dans une ZIT est une erreur grave, mais malheureusement ce sont des choses qui arrive.

    J'ai du mal a comprendre comment deux instructeur n'ont pas pu remarquer la manœuvre d'interception de l'ULM ? Et autre question qui me vient en tête, l'ULM devait être sur la fréquence 123.5 ou en contact radio avec un opérateur. L'avion a t'il essayé un contact surtout si il connaissait l'identification de l'ULM ? Le transpondeur n’émet-il pas l'identification de l'appareil, (un contrôle visuel est peut être nécessaire, je ne sais pas) ?

    Pour l'interception, il est vrai que face à ce type de machine un hélico provoquerai moins de turbulence qu'un avion de chasse.

  • Les leçons d’une interception dangereuse d’un ULM par un Mirage
    Le message de Hotel Zulu m'inspire quelques remarques et un chouia d'exaspération.

    "La ZIT était claire de toute menace lorsque l'interception a été décidée". Ce n'est pas parce qu'une menace s'éloigne qu'elle disparaît. S'il existe des procédures prédéterminées pour ce type de situation, c'est parce qu'on n'a pas forcément le temps de débattre de la réalité et de l'ampleur de la menace sur le moment. On lance la procédure pour s'assurer qu'il n'y a effectivement aucune menace, et s'il n'y en a pas, tant mieux.

    "Et l’ULM volait haut, avec transpondeur, donc il pouvait etre identifié après coup, l'interception était totalement inutile". Un homme rentre dans une école, en laissant sa pièce d'identité à l'entrée comme prévu. S'il se comporte de façon potentiellement dangereuse, vous ne faites rien parce qu'on peut l'identifier après coup?

    "les moyens mis en oeuvre pour punir". Il s'agit d'un accident, faut-il le rappeler? Ou est-ce que vous insinuez que le pilote de chasse a volontairement provoqué cela?

    "Et visant à éviter de tuer deux braves gars pour faire un exercice sympa." Un proche, pilote de chasse, est resté dans son appareil en perdition jusqu'à l'impact pour s'assurer qu'il ne tombe pas sur des habitations. Ce n'est pas une exception: la très grande majorité des pilotes militaires que j'ai rencontré sont des gens extrêmement sérieux et responsables, qui ne jouent pas avec la vie des autres. Vos propos me semblent franchement insultants à leur égard.

    Je suis content que cet incident n'ait pas fait de victimes, mais le fait est que les pilotes de l'ULM ont bel et bien commis plusieurs erreurs et que tout le monde (pilotes civils et militaires, BEA, DGAC) doit tirer des enseignements de ceci, plutôt que de chercher qui a raison ou tort.

  • Les leçons d’une interception dangereuse d’un ULM par un Mirage
    Je croyais qu'ils envoyaient plutot un hélico militaire pour les aeronefs croisant à moins de 120kt en croisière ?

  • Les leçons d’une interception dangereuse d’un ULM par un Mirage
    Le bonheur n'a rien a voir la-dedans, et la liberte idem... C'est une activitee reglementee point barre.
    Si on ne veut pas appliquer le reglement on change d'activitee: Le golf par exemple...ah ben nan, suis-je bete c'est aussi reglementee! Bon ben la peche, ah merde les reglements sont strictes... Il reste la rando, ca doit etre souple niveau regles !

  • Les leçons d’une interception dangereuse d’un ULM par un Mirage
    pour "bertrand" et "landlord":
    le bonheur humain ne passe pas par l'application d'un règlement.
    le plaisir encore moins.
    Pour "thierry":
    en tant qu'etre hummain, rien ne vous empèche d'appliquer un règlement (dictés pas des politiques et non des aviateurs) avec intelligence.

  • Les leçons d’une interception dangereuse d’un ULM par un Mirage
    Pour moi il y a deux choses qui font mal aux cœur. La première c'est que deux pilotes instructeurs étaient à bord, et que ni l'un ni l'autre ont remarqués qu'ils étaient dans une ZIT, quand on pense qu'ils des élèves il y a de quoi avoir peur. La deuxième, je cite l'article « le pilote de l’ULM et son passager n’ont pas identifié qu’ils faisaient l’objet d’une mesure d’interception ». Ça et la ZIT on en vient a ce demander ou ils apprennent a regarder à leurs élèves si eux même ne regarde pas dehors! Ce genre de problème pourrait arrivé dans les zones AZBA, et la encore je ne connais pas beaucoup de pilotes qui se renseigne sur l'activation de ces zones, et pourtant le danger est bien plus élevé que lors d'une interception.
    Tout comme Thierry, je trouve le commentaire de Hotel Zulu scandaleux, dans l'aéro, avant le plaisir il y a le respect des règles!

    Bon vol a tous!

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