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Aviation Générale

Les pilotes-instructeurs en double commande

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Fabrice Morlon

L’Association Nationale des Pilotes Instructeurs (ANPI), du haut de ses 50 ans et forte de ses 1.200 adhérents est bien présente dans le paysage de la formation aéronautique en France. Si l’association défend les intérêts des instructeurs, elle est aussi très active dans leur formation et le maintien des compétences de ceux qu’on nomme les FI (instructeur) et FE (examinateur). Pour vous, Aerobuzz.fr a testé un stage de remise à niveau pour FI.

L’instructeur est bien souvent la première personne que l’on rencontre sur un terrain. C’est lui ou c’est elle qui, en aéroclub ou dans une école privée, nous a fait découvrir et aimer le vol. Chacun d’entre nous se souvient de son premier vol avec cet instructeur, puis le fameux moment du lâcher : tout à coup, l’avion nous a semblé plus léger… Pilote-instructeur (FI) n’est toutefois pas une activité légère. Détenteur d’un savoir, la pédagogie et l’adaptation à l’élève, dans le cadre d’un cours particulier dans tous les sens du terme, sont le cœur de ce métier… qui n’en est souvent pas un. La plupart des instructeurs, en effet, sont bénévoles. Rares sont les instructeurs salariés dans ces structures associatives, donc loi 1901, que sont les aéroclubs.

Le travail de l’instructeur ne se limite pas à l’enseignement du pilotage : il devra donner également des clés de compréhension de la réglementation, de la mécanique du vol et des outils d’aide au pilotage © Fabrice Morlon / Aerobuzz

1.200 adhérents

L’Association nationale des pilotes instructeurs (ANPI) recense 1.200 adhérents dont près de 80 % sont bénévoles. 1.159 sont des pilotes formateurs-instructeurs (FI) qui enseignent l’art de décoller, de naviguer et d’atterrir. 294 sont des FI possédant également la qualité de formateurs-examinateurs (FE) qui font passer les examens en vol. Pour défendre et faire valoir leurs droits, M. Arniaud a créé l’ANPI en 1965. Un peu plus de cinquante ans après, l’ANPI est plus que jamais active dans le paysage de la formation aéronautique.

L’ANPI recense 1.200 instructeurs dont 80% sont bénévoles © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Défendre les intérêts des FI

« Le premier objectif de l’ANPI, explique Francis Artigue, vice-président de l’association, est de défendre les intérêts des pilotes instructeurs tant salariés que bénévoles auprès des instances nationales de l’aéronautique » précise-t-il. On se souvient par exemple de la montée au créneau de l’ANPI pour dénoncer dans une motion la difficulté de faire passer au système de l’ATO (Approved Training Organisation ou organisme de formation approuvé) des structures associatives de taille réduite, avec à la fois peu de moyens financiers mais aussi et surtout un nombre limité de membres investis activement dans la vie du club.

Le statut même de l’instructeur est complexe, qui oscille entre le bénévolat dans la majorité des clubs et activité salariée dans d’autres. L’activité salariée est elle-même divisée en contrat de travail et auto-entrepreneuriat… de quoi s’y perdre. L’ANPI peut également apporter un appui juridique à l’instructeur en cas de besoin : pénétration d’espaces aériens, démêlés avec un élève ou avec une structure.

L’instructeur est bien souvent la première personne que l’on croise sur un terrain. Plus qu’un savoir, il devra également transmettre un savoir-faire et un savoir-être © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Remise en cause et accompagnement

De plus, dans ces périodes de mutation rapide où la réglementation évolue à la vitesse d’un avion de chasse en post-combustion et où la technologie s’installe davantage chaque jour un peu plus dans les cockpits de nos avions légers, l’ANPI cherche également à accompagner le changement. « Nous partons d’un constat simple, explique encore Francis Artigue : les brevetés PPL (Private Pilote Licence) arrêtent souvent de voler après l’obtention de leur licence, pour plusieurs raisons : l’objectif PPL est atteint et il n’y a pas d’autre projet qui puisse motiver à voler. Ou alors les PPL se sentent souvent mal préparés pour gérer un vol et plus encore si toutefois ça devait mal se passer. » Sans langue de bois et en toute honnêteté, le vice-président de l’ANPI de poursuivre : « il faut se rendre à l’évidence, on a sans doute manqué quelque chose à l’instruction ! »

L’ANPI se donne donc pour mission de remédier à cet état de fait et d’accompagner les instructeurs dans le changement de leurs pratiques. Ainsi, l’ANPI organise régulièrement des séminaires sur les nouvelles technologies notamment, mais aussi des stages de prorogation et de renouvellement des FI et FE.

Séminaires

L’ANPI organise également des séminaires à destination de l’ensemble de ses membres. En 2014, l’association avait organisé une rencontre autour des nouveaux enjeux de la formation de pilote. En 2015, c’était cette fois-ci au tour des nouvelles technologies en aviation générale. Ce dernier sujet devrait d’ailleurs être abordé à nouveau au cours d’un séminaire, cette année.

Stages RSFI et RSFE

En qualité d’instructeur, vous avez l’obligation de suivre un stage de remise à niveau de manière à proroger ou renouveler votre aptitude à l’instruction. Ces stages, baptisés RSFI (stage de remise à niveau pour formateur-instructeur) et RSFE (stage de remise à niveau pour formateur-examinateur), sont organisés tous les mois par l’ANPI, qui se déplace aux quatre coins de la France pour aller au plus près de ses adhérents, pendant deux jours. En 2013 et 2015, l’ANPI est allée jusque sur l’île de la Réunion à la rencontre des instructeurs. L’ANPI propose son stage RSFI à 150 euros, gratuit pour les demandeurs d’emploi. Dans la rubrique « j’ai testé pour vous », j’ai suivi un stage RSFI qui s’est tenu à Lille courant mars 2017.

Les locaux de la DSAC Nord (Direction de la Sécurité de l’Aviation Civile Nord) accueillent l’équipe de formateurs de l’ANPI composée de Pierre Belair, pilote chez Hop! Il intervient notamment sur la réglementation ; Francis Artigue, dont nous avons parlé plus haut, instructeur avion et ulm, professeur en mécanique du vol, intervient quant à lui dans la partie mécanique du vol ; Lise Mégret, pilote PPL et docteur en psychologie, intervient pour sa part dans les facteurs humains.

Ambiance décontractée mais studieuse

Sept stagiaires sont présents, venant de la région lilloise mais également du Sud de la France et de la région parisienne. « Nos stages à Paris sont souvent bien fournis, à plus de 20 participants » explique Pierre Belair, également responsable des stages à l’ANPI. « Ici c’est presque un cours particulier » renchérit Lise Mégret. Le nombre limité de stagiaires dans les sessions organisées en province favorise une ambiance décontractée, où chacun peut s’exprimer et où l’on peut prendre du temps pour échanger. Tout ceci dans une ambiance studieuse. C’est parti pour deux jours au programme chargé !

S’ils sont plus fournis en stagiaires qu’en province, les stages en région parisienne (ici à Toussus) n’en restent pas moins conviviaux © ANPI

Premier constat : on arrive dans une ambiance propice à la discussion, détendue, avec pains au chocolat et café en guise de prologue, trente minutes durant. Les choses vont ensuite s’enchaîner. Les trois formateurs, disponibles tout au long du stage, sont à la fois souriants, bienveillants, méthodiques et organisés. Toute la formation se déroule avec des supports numériques projetés (Powerpoint et Prezi), qui sont remis dans leur intégralité aux stagiaires sur une clé USB dès leur arrivée.

Sécurité et réglementation

Le programme est dense et diversifié, raison de plus pour ne pas traîner : pas moins de onze ateliers se succéderont deux jours durant. Histoire de se mettre en train, on commence par la sécurité des vols. L’objectif, comme à chaque atelier, est de faire un état des lieux des connaissances ou des chiffres tout en étant objectif et sans concession : on fait ici le constat que le nombre d’accidents diminue mais que, depuis dernières années, dans 16% des accidents un instructeur est présent.

On va plus tard aborder les récentes évolutions de la réglementation SERA (Standardized European Rules of the Air) et Air Crew et celles à venir. On abordera également la législation relative au trio de la formation et qui s’apparente au labyrinthe de Dédale : ATO (Approved Training Organisation), aux BTO (Basic Training Organisation) et Declared Training Organisation ou DTO. Après l’atelier j’ai presque tout compris !

Au milieu de ces quelques ateliers réglementaires, des ateliers plus inattendus vous attendent. Lise Mégret présente par exemple une expérience tout à fait édifiante sur les facteurs humains. Des pilotes, instructeurs ou non, effectuent un vol sur simulateur, qu’ils ont préparé. Interviennent des pannes successives dont la première, un affichage anormal de la consommation d’essence, doit faire réagir le pilote et, in fine, se dérouter rapidement. Les réactions sont très riches d’enseignements sur la manière de conduire un vol pour un PPL, un CPL (Commercial Pilote Licence) ou un FI.

L’ANPI a réalisé une étude sur un panel de 51 pilotes, mis en situation de prise de décision. Les résultats, très instructifs, sont présentés sur Powerpoint et commentés par Lise Mégret au cours d’un atelier facteurs humains © ANPI

De l’utilisation des tablettes

L’atelier « newtech » m’a semblé également tout à fait intéressant. Pierre Belair fait l’état des lieux des nouvelles technologies qui s’invitent de plus en plus dans les cockpits de l’aviation légère. Il explique clairement, toujours avec un diaporama riche d’informations, ce qu’est un GPS WAAS (Wide Aera Augmentation System), ce qu’est une approche GNSS (Global Navigation Satellite System), comment fonctionne l’ADS-B (Automatic Dependent Surveillance-Broadcast), ce qu’est un EFB (Electronic Flight Bag) et son utilité pour l’instruction. On termine cet atelier sur une question à destination des instructeurs : ne serait-il pas nécessaire d’intégrer la tablette dans la formation des pilotes ?

Les nouvelles technologies sont abordées dans un atelier très complet, animé par Pierre Belair grâce à Prezi : vous retrouverez tous les diaporamas dans une clé USB qui vous sera remise lors du stage © ANPI

Bien-sûr, on va aussi beaucoup parler de pédagogie dans cette formation. Différentes méthodes seront abordées telle le CBT ou Competence Based Training (et oui, l’aviation regorge d’acronymes), axé sur les compétences et qui est une mise en œuvre conjointe du savoir, du savoir-faire et du savoir-être ; ou encore le TEM (Treath and Error Management) qui met en avant les notions de menace et d’erreur. Ce sont des techniques pédagogiques éprouvées, utilisées dans d’autres milieux de formation et qui sont proposées aux instructeurs non pas comme obligatoires mais davantage comme des boîtes à outils.

L’ANPI propose de nombreux services aux instructeurs : stages, séminaires et a récemment étoffé son site Internet d’offres d’emploi dans les aéroclubs © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Enfin, la deuxième journée se termine invariablement par un séance de REX (Retour d’EXpériences) très intéressante. Chaque stagiaire va présenter un événement d’instruction vécu, qu’il soit anodin ou au contraire à risque. Ainsi, nous avons eu le récit d’un siège de DR400 mal bloqué qui glisse avec son élève pilote en butée… ou encore une tablette coincée derrière le palonnier qui en bloquait et restreignait l’usage par intermittence.

A la fin de deux jours de stage, j’ai regretté que la prorogation des SEP (Single Engine Propeller) ou MEP (Multi Engine Propeller) pilotes privés ne soient pas assorties de ce genre de formation. Intense, elle n’en reste pas moins très enrichissante et très instructive (justement!). Les points sur la réglementation et l’état des lieux des systèmes, complexes, d’ATO, BTO et DTO permettent de vérifier ses connaissances et de les affirmer, auprès de professionnels. Les formateurs sont littéralement au service des stagiaires (ils vont eux-mêmes chercher les croissants du matin!) et à leur écoute.

Fabrice Morlon

Pour tout savoir sur l’ANPI, rendez-vous sur le site Internet : anpifrance.eu

Les prochains stages RSFI de l’ANPI en 2017

Vendredi 12 et samedi 13 mai Toussus
Samedi 10 et dimanche 11 juin Montpellier
Vendredi 23 et samedi 24 juin Saint Nazaire
Vendredi 8 et samedi 9 septembre Lognes
Vendredi 22 et samedi 23 septembre Strasbourg
Vendredi 6 et samedi 7 octobre Lyon-Bron
Vendredi 20 et samedi 21 octobre Caen
Vendredi 3 et samedi 4 novembre Cannes
Vendredi 17 et samedi 18 novembre Bordeaux
Vendredi 8 et samedi 9 décembre Paris
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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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