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Aviation Générale

SAFIRE se sépare de son Falcon 20 GF

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Pierre-Etienne Langenfeld

Le Service des Avions Français Instrumentés pour la Recherche en Environnement (SAFIRE) vient de retirer de sa flotte son Falcon 20, après 12 ans (1.328 heures de vol) au service de l’expérimentation scientifique aéroportée française et européenne. L’occasion de s’intéresser à ce service qui regroupe les moyens de Météo-France, du CNES et du CNRS.

Peu connu du grand public, SAFIRE (pour Service des Avions Français Instrumentés pour la Recherche en Environnement), basé à Toulouse-Francazal, est pourtant l’un des opérateurs majeurs dans la recherche météorologique mondiale. Fondé début 2003 pour mutualiser les moyens de Météo-France, du CNES et du CNRS, cet organisme, par ailleurs membre du consortium EUFAR (European fleet for airborne research), est le dépositaire de plus de 90 ans de recherche météorologique aéroportée.

Dès l’entre-deux guerres, l’ONM (Office National Météorologique) opérait déjà un motoplaneur SFAN1. Après-guerre, la toute récente Météorologie Nationale lui succéda et les missions se diversifièrent. De nombreux avions militaires (Junkers 88, Caudron Goéland, SNCAC Martinet, MS Criquet…) ou civils (SFAN 2, NC 858) furent utilisés.

90 ans de recherche aérienne aéroportée -Caudron Goeland. © SAFIRE/Météo-France
90 ans de recherche aérienne aéroportée. Hurel-Dubois. © SAFIRE/Météo-France
90 ans de recherche aérienne aéroportée. Cessna C206. © SAFIRE/Météo-France
90 ans de recherche aérienne aéroportée. Piper Aztec. © SAFIRE/CNRS
90 ans de recherche aérienne aéroportée. Merlin. © SAFIRE/Météo-France
90 ans de recherche aérienne aéroportée. ATR 42. © Claude Delhaye/Safire/CNRS
90 ans de recherche aérienne aéroportée. Falon 20. © P_E. Langenfeld

 

Il faudra attendre la fin des années soixante pour voir la recherche météo française se doter de moyens propres : un Cessna 206 pour la Météorologie Nationale en 1968 et un Aerocommander pour le CNRS en 1973. Alors basé au Centre d’Essais en Vol de Brétigny-sur-Orge, la Météorologie Nationale profite également de moyens de ce dernier et le CNRS, de ceux de l’IGN de Creil (les fameux Hurel Dubois), lorsqu’il est nécessaire d’embarquer d’avantage, d’aller plus vite ou plus haut.

Les années 80 et 90 marquèrent l’augmentation du nombre et des performances des avions d’étude dédiés.

La Météorologie Nationale se dota d’un Piper Aztec dès 1982 puis d’un Merlin IVA modifié en 1987 (l’ancien avion du Gouverneur du Kentucky, aujourd’hui visible au musée Aéroscopia). En 1987, le CNRS, le CNES, Météo France et l’IGN mirent en service un Fokker 27 profondément modifié, l’ARAT (Avion de Recherche Atmosphérique et de Télédétection).

Le Falcon 20 GF est entré en service auprès des scientifiques français en 2002. © Pierre-Etienne Langenfeld

En 1999 le CNRS rachetait à l’IGN un Mystère 20 pour en faire un avion laboratoire qui vola (toujours opéré par l’IGN) jusqu’en 2002, remplacé la même année par le Falcon 20 retiré en février 2022. En 2003, SAFIRE fut créé et basé à Toulouse-Francazal, idéalement proche du centre national de Météo-France de Toulouse. La flotte est alors composée du Piper Aztec et du Merlin. Ce dernier devenant trop petit, il fut remplacé en 2005 par un ATR42 lourdement modifié. Enfin, le Falcon 20 passa du CNRS à SAFIRE en 2010, formant la flotte actuelle des 3 avions.

La genèse du Falcon 20 GF

En 1963, le Mystère 20 fut le premier jet d’affaires de Dassault. Le modèle a été rapidement rebaptisé Falcon suite à une commande importante de la Pan Am. A la fin des années 70, Dassault prépare le Falcon 200 ainsi qu’une version de surveillance maritime.

L’exemplaire de SAFIRE, le MSN397, effectue son premier vol en février 1980 en tant que Falcon 20 F et fera des vols passagers jusqu’en 1983. En 1984 il sera modifié en afin d’intégrer la motorisation et l’hydraulique du Falcon 200, lui donnant plus de puissance et d’autonomie. Avec une configuration proche des Falcon 200 et des Guardian utilisés par les marines américaine et française, le modèle est ainsi rebaptisé Falcon 20 GF. Les vols commerciaux reprirent jusqu’en 2002, où le CNRS racheta l’appareil en vue de le modifier.

Les emports sous voilure du Falcon 20 GF de SAFIRE. © SAFIRE/P.Coutris

Le chantier est effectué de 2002 à 2004 par Dassault Falcon services au Bourget. L’avion y est doté d’une génération électrique adaptée, d’une perche de nez, d’un système de largage de sondes, d’un nombre important d’ouvertures, de capteurs, de 4 emports sous voilure et de baies d’essais modulaire en cabine. Jusqu’à 3 scientifiques et un expérimentateur SAFIRE peuvent prendre place en fonction des besoins de l’expérience.

Avec un plafond maximal de 12km et une vitesse de plus de 900km/h, c’est la machine de SAFIRE la plus adaptée pour les expériences en haute troposphère et basse stratosphère.

A bord du Falcon 20 GF de SAFIRE. © SAFIRE/P.Coutris

La cabine du Falcon 20 GF de SAFIRE. © SAFIRE/JC Canonici

Les expériences, le retrait et le futur !

Au cours des 12 ans d’activités au sein de SAFIRE, ce ne sont pas moins de 39 expériences qui ont été mises en œuvre sur le Falcon. Qu’il s’agisse d’effleurer les flots pour caractériser le flux océan/atmosphère, de monter à 12km pour mesurer les cristaux de glace des systèmes orageux, de filmer en 3D la pluie de météorites des Draconides (une première mondiale !), d’effectuer des mesures chimiques ou encore tester en avance de phase des instruments destinés au spatial, ce banc d’essai volant a eu une belle carrière.

Ces différentes campagnes l’ont amené partout en Europe et dans le monde (jusqu’en Australie), totalisant 1.328 heures de vol pour SAFIRE et plus de 1.700 si l’on additionne la période CNRS de la machine.

Le retrait du Falcon 20 de SAFIRE souligne l’importance du projet actuel d’acquisition d’un nouvel avion aux capacités d’emport, de plafond et de distance largement améliorés. © Pierre-Etienne Langenfeld

A l’instar de la NASA qui a retiré son dernier S-3B Viking le 13 juillet 2021, c’est la difficulté à maintenir le Falcon qui a motivé ce retrait. Certaines pièces ne sont plus fabriquées neuves depuis longtemps et la seule source est alors le marché de la seconde main. Une fois ce dernier tari, il n’y a pas d’autre solution que de retirer l’avion, qui aura effectué depuis son premier vol, 11.050 heures. Cependant, c’est l’opportunité pour SAFIRE de passer sur un nouveau porteur, encore plus performant à l’horizon 2025.

A l’instar du Merlin, souhaitons que Falcon 20 GF soit préservé pour intéresser le public à la recherche scientifique grâce au rôle clé qu’il y a joué.

Pierre-Etienne Langenfeld

 

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Pierre-Etienne Langenfeld

Pierre-Etienne Langenfeld est ingénieur aéronautique depuis 2009 à Toulouse. Dans cette capitale de l’aéronautique il contribue par ailleurs à la restauration d’avions anciens et à la reconstruction de d’avions historiques en état de vol. Il pratique également la photographie aérienne et contribue régulièrement à la rédaction ou à l’illustration de livres et magazines aéronautiques en Europe et aux Etats-Unis.

View Comments

  • @gweber
    Merci pour votre question. Si l'on compare le nombre d'heures de vol effectuées par ce type de machine à celle d'un avion de ligne classique, c'est en effet peu d'hdv/an. Rappelons tout de même que ce Falcon a effectué, en plus des 1300+ hdv pour SAFIRE, environ 400 hdv pour le CNRS et 9300 dans sa vie "civile". Avec un petit peu plus de 11 000 hdv, ce Falcon aura fait un peu moins d'un dixième du nombre d'hdv des A320 les plus anciens encore en service.

    En réalité, la comparaison avec un avion de ligne classique volant 8h/j, 7j/7 sur 30 ans, s'arrête là car les deux ont des missions très différentes et ce Falcon est une machine très spécialisée.

    Pourrait-on faire les expériences menées par SAFIRE sur des avions de ligne ou d'autres moyens aéroportés ? Pour beaucoup de raisons : non (modifications lourde des porteurs nécessaire, vols dédiés et liés aux conditions météo, équipages spécialisés ... etc).

    Y'a-t-il des expériences scientifiques embarquées sur des avions de ligne ? Oui, je vous invite par exemple à regarder du côté de Lufthansa et des expériences CARIBIC et IAGOS.

  • Article intéressant car ce type de vols est relativement peu connu.
    Par contre en le lisant , je suis un peu étonné que ces services d'état mettent en oeuvre un falcon 20 pour faire 1300h en 12 ans!
    N'y aurait il pas des solutions moins onéreuses car en comptant la maintenance, le maintien de cet appareil à du représenter un sacré budget...

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