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Aviation Générale

Voyage en République Tchèque…

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Louis Kulicka

Petit par sa taille, la République Tchèque est un pays de tradition aéronautique. A travers une série de reportages, Louis Kulicka part à la rencontre d’industriels et d’artisans qui construisent des ULM, des répliques, des moteurs et bien évidemment des planeurs à l’image de HPH Sailplanes, l’objet de la première étape du voyage de Louis en Tchéquie aéronautique.

Il n’aura échappé à personne que mon patronyme n’est pas plus breton, que provençal ou catalan. Il me vient de mon grand-père Joseph Kulicka, mécanicien de son état, arrivé en 1913 à Paris, travailler dans les usines Farman que les frères du même nom firent ériger à Boulogne Billancourt deux ans plus tôt. En novembre 1918, la France, berceau de l’aviation, pays de Clément Ader et de Louis Blériot était la première puissance aéronautique au monde, par le nombre d’avions construits, et la performance de ceux-ci. La Tchécoslovaquie elle venait juste d’être proclamée en tant qu’Etat.

Un siècle plus tard, la situation a bien changé, voire s’est inversée : si on laisse de côté Airbus dont les actionnaires de référence sont les Etats français, allemand et espagnol, et Dassault, il ne reste plus grande chose de cette suprématie jadis éclatante. En revanche, la petite république tchèque est elle devenue un des leaders mondiaux en matière de construction pour l’aviation légère, et dans le domaine des composites pour l’aéronautique.

Il y a deux fois plus de pilotes d’ULM 3 axes en France qu’en Tchéquie en valeur absolue. Seulement, par habitant, il y a 3 fois plus de pratiquants de l’aviation légère qu’en France. Voilà de quoi poser un constat, que je me propose maintenant d’illustrer avec les différentes rencontres que j’ai faites récemment, lors d’un voyage aéronautique, forcément !

Cette grande proportion de pratiquants de l’aviation légère dans le pays traduit elle-même la présence d’un tissu industriel attenant extrêmement dense et touffus, et tout à fait surprenant que je vous propose de découvrir dans ses différents aspects !

Série de fuselages auxquels sont rapportés différents équipements. © Louis Kulicka / Aerobuzz.fr
Des ailes finies qui attendent probablement un premier montage pour les vols d’essai. © Louis Kulicka / Aerobuzz.fr

L’industrie représente à peu près 25% du Produit intérieur brut (PIB) de la République Tchéque, alors qu’en France ce secteur est en déclin continu depuis les années 1960, pour venir maintenant fleureter avec les 15% de la richesse nationale produite. Cette industrie représente des emplois qui font cruellement défaut en France, et qui servaient traditionnellement à absorber une main d’œuvre peu qualifiée, ce qui a du cependant changer en partie.

La richesse de ce tissu industriel se voit à travers la présence de différentes entreprises : un fabricant de planeurs, des fabricants de moteurs à explosion pour avions, de nombreux constructeurs amateurs, un fabricant de répliques d’avions historiques, des entreprises de fabrication de modèles réduits, des modélistes talentueux constructeurs… pour se limiter aux personnes que nous avons rencontrées.

Ils ne sont que quelqu’uns au monde…

Alors que le dernier fabricant français de planeurs, la société « Centrair » a cessé la production de planeurs il y a bien des années maintenant, la Tchéquie possède une fabricant dénommé « HPH Sailplanes ». Cette entreprise est en quelque sorte « l’héritière » de la firme Glasflügel, fabricant du célèbre « Libelle ».  Elle en a repris il y a 30 ans la production du « 304″, un des derniers modèles de la firme allemande, et l’a amélioré jusqu’à développer un planeur monoplace de 18 mètres entièrement nouveau : le Shark.

Elle a sorti également il y a peu un planeur biplace de 20 mètres le Twin-Shark, qui aux dires du multiple et imbattable champion du monde polonais Sebastian Kawa est au moins aussi performant que la référence dans le domaine, l’Arcus de Schempp-Hirth. En 2022, un équipage polonais a terminé 2ème des championnats du monde en Hongrie avec ce biplace. Dans le vol à voile actuel, la vente de planeurs neufs concerne majoritairement voire exclusivement les planeurs qui ont une réussite en compétition (les fabricants ne vendent pratiquement plus de biplaces-écoles), on apprécie donc tout l’impact de ce résultat.

La salle de stratification de l’usine HPH Sailplanes : elle est vaste, et permet de travailler dans de bonnes conditions, semble-t-il. © Louis Kulicka / Aerobuzz.fr
Détail des moules d’ailes. Ils sont taillés dans la masse de mousse polyuréthane compressée grâce à une « gigantesque » machine à commande numérique. Les peaux de carbone ont été stratifiées dans les moules après leur peinture. © Louis Kulicka / Aerobuzz.fr

Installée à Kutna Hora, ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO à une soixantaine de km à l’est de Prague, l’entreprise que nous avons pu visiter est installée dans de confortables locaux, permettant une organisation de la production et des conditions de travail optimales pour l’observateur extérieur. HPH Sailplanes emploie 50 personnes et produit 25 planeurs par an. L’entreprise comporte en gros 3 espaces : l’atelier de stratification, l’atelier d’équipement et de finition et la salle pour les machines outils, sans compter l’atelier de peinture.

Une entreprise High-Tech

Outre la main d’œuvre, l’entreprise a réalisé d’importants investissements dans l’achat de machines à commande numérique. Comparés à ceux d’il y a 30-40 ans, les planeurs construits aujourd’hui sont devenus de véritables objets « high-tech », tant par ce qu’ils représentent en eux-même, que par la façon dont ils sont construits. Ainsi HPH a investi dans l’achat d’une fraiseuse numérique 5 axes « Hass », qui de l’avis des spécialistes est un must dans le domaine : elle est capable de réaliser le fraisage du premier étage d’un turbo-réacteur par exemple.

Assemblage des deux demi-moule d’un fuselage de monoplace. Au démoulage, on aura oh miracle un fuselage ! © Louis Kulicka / Aerobuzz.fr

HPH a également investi dans l’achat d’une fraiseuse « portique » aux dimensions « monumentales » d’une bonne dizaine de mètres de longueur pour usiner ses moules « femelles » directement dans la masse. Les lés de tissu pour la stratification son découpés également à la CNC : rapidité et économie sont de mise.  On est bien loin des méthodes d’autrefois, où les menuisiers aéronautiques de la construction bois et toile avaient pu se reconvertir dans le travail des composites grâce à la réalisation des premiers masters en bois devant servir ensuite à la fabrication des moules des premiers planeurs « tout plastique ».

Une machine à usiner à commande numérique très performante : une « Hass » 5 axes. © Louis Kulicka / Aerobuzz.fr

Le processus de production se déroule à a peu près comme il suit. D’abord, les différentes formes (demi-ailes, demi-fuselages) sont stratifiées dans les moules (voir photos). Ces formes sont assemblées pour donner une aile, un fuselage. Ces ailes, fuselages  sortis des moules vont en atelier de finition pour ponçage et ensuite passent en peinture. Vous  aurez remarqué sur un planeur grandeur (contrairement aux modèles réduits), on ne voit jamais le plan-joint d’assemblage, ce qui signifie que les objets sortis du moule sont repeints. Sortis de la chambre de peinture, les planeurs reçoivent les différents équipements  qui leur manquent à ce stade : motorisation pour les planeurs devant en recevoir une, instruments de bord, pose de renforts, certaines finitions et divers équipements etc.

L’entreprise est dirigée par son fondateur et actuel dirigeant Jaroslav Potmesil, que nous remercions pour nous avoir accordé la visite de son établissement.

A suivre…

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Louis Kulicka

Il a commencé sa carrière aéronautique comme vélivole. Depuis une vingtaine d'années, il est aéromodéliste : il conçoit ses propres planeurs ensuite construits en matériaux composites. Ayant une formation en gestion finance, il réalise pour Aérobuzz des chroniques financières sur les constructeurs aéronautiques.

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