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WAC 1992 : Le Havre bâché !

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Philippe Chetail

20 ans après l’éblouissant championnat du monde de voltige organisé à Salon-de-Provence, la France remet le couvert au Havre. Les conditions météorologiques perturbent le déroulement de la compétition. Le mondial 1992 sera annulé. Un fait unique dans les annales de la voltige mondiale.


Après Salon de Provence en 1972, il se passa 20 ans avant que la France soit choisie pour organiser une nouvelle fois les championnats du monde de voltige. Il fallait que la ville, pour se porter candidate respecte un cahier des charges précis, unissant la présence d’un aérodrome doté d’une infrastructure importante mais sans toutefois trop de trafic commercial pouvant perturber ou être perturbé par les épreuves, une plateforme possédant des hangars disponibles en nombre suffisant pour abriter les avions de toutes les nations représentées, une capacité hôtelière suffisante permettant de loger les équipes, ainsi que bien d’autres avantages liés à l’accès du site et à la sécurité des compétiteurs et du public.

La France, dès le début de l’année 1990, se porta à nouveau volontaire pour cette organisation et, à la faveur d’un dossier de candidature bien ficelé et complet établi par l’aéro-club Jean Maridor autour de Jean Claude Estrier et la Municipalité du Havre, cette dernière ville fut retenue par l’Association Française de Voltige Aérienne et la Fédération Nationale Aéronautique, parmi plusieurs autres cités volontaires Lyon, Toulouse, Montpellier, Vichy, Bézier, Aubenas, Castres-Mazamet, et Le Havre. Ce fut aussi le choix de la FAI (Fédération Internationale Aéronautique), confrontée à une forte concurrence internationale.

Initialement, la seconde quinzaine du mois d’Août était envisagée pour la tenue de ces 16ème championnats, du fait de l’arrêt des vols commerciaux pendant la trêve estivale mais un doute basé sur les statistiques des conditions météorologiques habituellement rencontrées à cette période, modifièrent ce choix. Les WAC 1992 auraient définitivement lieu du 4 au 19 juillet.

La fête promettait d’être belle. A moins de 15 jours de la cérémonie d’ouverture, d’importantes infrastructures étaient implantées sur l’aéroport d’Octeville Un vaste parking, un restaurant, une tribune de 300 places et quatre villages furent installés par la Municipalité du Havre : Le village Jean Maridor, le village des délégations, le village de l’organisation et le village de presse. Au total, 26 tentes pour les sponsors, 23 autres pour les pilotes, 18 bungalows pour l’organisation, une grande salle de briefing, un chapiteau pour l’accueil avec dix hôtesses, un local restauration de 400 places. Pour le public, deux chapiteaux de 450m2 avec de nombreuses expositions modélisme, produits artisanaux, stands d’entreprises comme la Poste, Hispano Suiza etc…, l’équipe de 150 bénévoles était constituée pour accueillir les 20 délégations représentant autant de pays engagés, les 80 pilotes, les 30 juges internationaux et les nombreux officiels.
Les délégations La délégation Française était composée de 24 personnes dont 11 compétiteurs (6 pilotes féminines – 5 pilotes masculins). L’équipe de France est entrainée par Claude « Coco » Bessière, Champion du Monde à Yverdon en 1990.
Equipe de France féminine : Catherine Maunoury, Extra 260 « Chronopost » – Marianne Maire, Cap 231 « Tefal » – Sylvie Breton, CAP 231 EVAA – Brigitte Delasalle, CAP 231 Ex – Christine Genin, Extra 300S « Chaillotine » – Pascale Alajouanine (Remp), Cap 231 « Total ».
Equipe de France masculine : Xavier Delapparent , Cap 231 EVAA – Patrick Paris, Cap 231 Breitling – Georges Muzergues, Cap 231 FNA – Dominique Roland, Cap 231 Ex département de l’Eure – Jean Emile Rouaux, Cap 231
commencèrent à arriver dès le début du mois et très vite, les premières réclamations de certaines équipes visant leur hébergement parvinrent aux organisateurs. Gérard Bichet, juge International et assistant du Chef Juge aux WAC 92, se souvient « La municipalité, qui n’avait probablement pas perçu l’importance de cette compétition, avait porté tous ses efforts sur l’organisation du meeting aérien et orienté la quasi-totalité du budget municipal sur son organisation et sur les infrastructures installées sur l’aérodrome. Tout le début de la compétition s’est donc trouvé placé sous le signe d’un manque de moyens et de la réalité d’un budget épuisé, obligeant la Fédération Nationale Aéronautique à investir plus qu’elle n’avait prévu et pallier aux exigences conjuguées des pays participants. Par ailleurs, le terrain restant ouvert aux vols commerciaux et aux vols privés des industriels locaux « influents », le contrôle local avait aménagé des créneaux dans la journée pendant lesquels les vols du championnat ne pouvaient avoir lieu ou devaient être interrompus, obligeant Michel Dupont, directeur de la compétition et de Madelyne Delcroix, son assistante, à en négocier quotidiennement les horaires…. »

Toutes ces contraintes liées au déroulement même des épreuves ont rapidement provoqué l’incompréhension dans les équipes étrangères, créant des tensions et une ambiance particulière, largement aggravée par une météo exécrable qui s’installa sur la région dès le premier jour. La cérémonie d’ouverture, le samedi 4 Juillet se déroulera sous les hangars, et les Breitling Masters dans lesquels devaient s’affronter, dans un programme de 4 minutes les 25 meilleurs pilotes du moment, devront être reportés. A l’issue des entrainements, les programmes « imposé connu » et « libre », prévus au cours de la première semaine firent l’objet de nombreuses interruptions et dans le milieu de la semaine suivante, seul le « connu » avait pu être terminé et seulement la moitié des pilotes avaient pu participer au programme « libre »… De mémoire de championnats, on n’avait jamais rencontré de telles difficultés !

Pendant toute la durée de la compétition, lorsque la pluie cessait, une brise de mer générant un fort vent de travers en altitude s’installait sournoisement, empêchant toute reprise des vols. Le vendredi 17, veille de la fin des championnats, aucune accalmie ne vint donner l’espoir de pouvoir terminer la seconde épreuve, condition nécessaire pour que les championnats puissent être validés.

Le moral est donc au plus bas alors que la sentence tombe : le Comité International de Voltige Aérienne (CIVA) prend la décision d’annuler les championnats du monde 1992, fait unique dans l’histoire de la compétition.

La veille du meeting de clôture, les Breitling Masters pourront toutefois se dérouler entre les passages de grains, permettant à Xavier Delapparent (France) de monter sur la plus haute marche du podium, devançant Jurgis Kairis (Lithuanie) et Nikolay Timofeev (Russie). 25 000 personnes assisteront sous un ciel menaçant au meeting clôturé par la Patrouille de France, mettant un point final à ce championnat, qui laissera, pour bon nombre de compétiteurs, le goût amer de la déception.

Philippe Chetail

Vingt pays étaient engagés aux Championnats du Monde de voltige 1992 au Havre.
Les délégations se préparent à défiler lors de la cérémonie d'ouverture.
Les Infrastructures érigées pour les WAC 92 sur le terrain d'Octeville.
Un quadriréacteur gros porteur Illouchine 76 assura le convoyage des pilotes et des 3 Sukkoï 26 de l'équipe Russe.
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Philippe Chetail

Président d’Airshow, spécialiste de l’organisation de manifestations aériennes, Philippe Chetail a organisé plus de 230 meetings aériens depuis 1973. Egalement co fondateur de France Spectacle Aérien, il est l’un des meilleurs connaisseurs européens de tous ceux qui gravitent autour des spectacles aériens. Il a rejoint Aerobuzz en juillet 2011. Philippe Chetail couvre, en particulier, l’aviation de collection et les évènements aéronautiques.

View Comments

  • WAC 1992 : Le Havre bâché !
    Le Havre est une belle ville, très accueillante, où il peut faire très beau d'avril à juin alors qu'il fait un temps de chien sur la Côte d'Azur. Ceci s'est produit en 2009 si ma mémoire est bonne, je me revois débarquant à l'aéroport Nice Cote d'Azur super bronzé venant du Havre, environné de "cotons tiges locaux qui n'avaient pas du voir le soleil depuis Noël. En 2014 il a plu dans le 06 tous le mois de juillet, jusqu'au 8 août inclu.

  • WAC 1992 : Le Havre bâché !
    @ JMK :
    .... retrouver le soir à l’hôtel une partie des équipes ( je crois, mais je ne suis pas sûr, que j’étais avec Boris Rakitine, père des Su26, que je ne connaissais pas encore )......

    --

    Je confirme pour Boris Rakitine, mais aussi Nicolaï Nikitiuk. Les Russes n'ayant pas de moyen de transport, je les ai plusieurs fois transportés entre l'"hôtel" (en fait, un foyer de cheminots SNCF !) et l'aérodrome, ce qui, permettait d'intéressants échanges.

  • WAC 1992 : Le Havre bâché !
    Est ce quelqu'un pourrait expliquer pourquoi claude Bessiere est devenu l'entraîneur de l'équipe des USA?Simple curiosité.

  • WAC 1992 : Le Havre bâché !
    Oui, bien sûr, il n'est pas question de mettre en doute l'impression désastreuse que cette organisation a pu laisser auprès de certains concurrents ( je me rappelle de Linda Meyer obligée de payer cash un complément de quelques litres pour le plein de son Cap 231, avant de quitter Le Havre: elle en chialait dans son avion ), mais je préfère la conclusion que donne Dominique Roland dans la courte vidéo.
    Il ne faut pas oublier le côté positif d'une semaine championne du monde de la convivialité:
    - La conférence improvisée de Walter Extra sur les charges de fuselage en déclenché.
    - Les liens étroits avec des membres de l'équipe Russe ( Helena Klimovitch ( toujours là, sera à Châteauroux), Yurgis Kairis, Natalia Sergeeva), malgré la difficulté de langage.
    - Les liens étroits avec des membres de l'équipe US ( Kermit Weeks et sa grosse blague sur le Cap 21: je me surprends à le reprendre avec mon mauvais anglais (fou rire) et Linda Meyer )
    - Et les autres ...
    Oui, je me suis caillé tous les jours ( juge de cadre, à l'aplomb d'une falaise, au dessus d'une barge de débarquement en béton, espérant une éclaircie) pour retrouver le soir à l'hôtel une partie des équipes ( je crois, mais je ne suis pas sûr, que j'étais avec Boris Rakitine, père des Su26, que je ne connaissais pas encore ).
    La moitié de souvenirs positifs, la moitié en négatif, de vraies amitiés qui restent ...

    • WAC 1992 : Le Havre bâché !
      JMK, tous ces noms que vous mentionnez, que de souvenirs… Elena Klimovitch était déjà à Yverdon.

      Natalia Sergeeva aussi. Les plus beaux yeux de la voltige aérienne, qui avait eu la patience de m’apprendre quelques mots de russes. championne du monde 1990, d’une gentillesse incroyable. Maman d’une petite fille, pilote d’essai dans l’armée russe. Décédée quelques années plus tard en vol d’essai.

      Et le triomphe de Coco Bessières, qui était si élégant lorsqu’il répétait ses figures au sol.

      Belle journée

  • WAC 1992 : Le Havre bâché !
    Bonjour Philippe,
    Un bon souvenir, tout de même, que ces championnats du monde de voltige au Havre!
    J'étais, le porte drapeau de l'équipe de France de voltige aérienne, lors de la cérémonie d'ouverture (j'ai toujours la photo) , quelle fierté d'ouvrir la marche à Catherine, Marianne, Pascale, Sylvie, Christine, Brigitte, Patrick, Xavier, Dominique, Jean Emile , Georges et aussi Jean Pierre Bouffault qui était le remplaçant!
    Un grand moment, pour le petit gars de Saint André de l'Eure,passionné de voltige, qui avait connu précédemment, Gérard Feugray, Jean Eyquem et qui allait côtoyer à Bernay , Auguste Mudry !
    Amicalement
    Ivan Hairon

  • WAC 1992 : Le Havre bâché !
    Bonjour,
    Eh oui, triste souvenir que ces championnats.
    Par chance, ils avaient pu se dérouler en entier deux ans auparavant à Yverdon, en Suisse, à cheval sur juillet et août, presque 3 semaines sans une goutte de pluie.
    C’était juste après la chute du mur de Berlin, environ 35 avions, 60 pilotes.
    Tous les vols ont pu être courus, y compris les Breitling Masters au début et le meeting de clôture.
    Une ambiance inoubliable…
    Je me souviens que les organisateurs du Havre étaient venus passer deux jours avec nous, examiner comment nous étions organisés. Ils avaient demandé à rencontrer les membres du comité d’organisation et nous avaient aussi expliqué leur projet, montré les moyens dont ils disposeraient. D’une certaine manière ça nous faisait rêver parce que nous avions dû organiser ces championnats pratiquement sans sponsors - à part Breitling, l’aviation, au surplus la voltige, n’intéressait personne à l’époque en Suisse. Nous n’avions pas un sou, étions tous bénévoles (le directeur des vols du Havre était sauf erreur « prêté » par la RATP pendant plus d’une année, en conservant son salaire…), de la direction au plus simple bénévole. Nous travaillions avec des bouts de ficelles, dans des containers surchauffés, mais avec un enthousiasme et surtout un plaisir inimaginable. Et des pilotes adorables, les juges aussi, les team leaders, les méacanos, bref tout le monde, une espèce d’alchimie.
    Les programmes se sont terminés le jeudi midi, et donc comme cela se fait traditionnellement, les pilotes ont échangé les avions. Pour la première fois, l’Ouest a pu voler les Sukhoï. De grands moments vous dis-je, de grands moments.
    Et bien sûr, les américains étaient parqués à côté des russes, une première aussi
    Happy landings

  • WAC 1992 : Le Havre bâché !
    Si l'annulation du championnat a laissé beaucoup d'amertume chez les organisateurs et concurrents, elle en a aussi laissé chez les volontaires qui, durant toute l'épreuve et même pour beaucoup les jours précédents et les jours suivants se sont tous dépensés sans compter dans des conditions difficiles.
    La mise en place de toutes les installations et infrastructures nécessaires s'est faite sous la pluie et dans la boue, sans pour autant entamer l'ardeur des volontaires. Y parvenir dans de telles conditions a demandé à tous beaucoup de débrouillardise et d'ingéniosité.

    Ce qu'on sait moins, c'est que ces Championnats du Monde ont marqué l'arrivée de l'informatique moderne dans ce genre de compétition. Michel Dupont, directeur de la compétition était aussi le créateur d'un logiciel révolutionnaire à l'époque pour gérer l'ensemble des résultats et de l'organisation de la compétition. Il avait aussi imaginé une gestion en réseau de toute l'organisation, de l'affichage des départs pour le contrôleur des opérations à l'affichage des résultats intermédiaires en différents lieux, en passant par la délivrance des badges d'accès à la gestion du restaurant prévu pour tous les concurrents, personnes accréditées et volontaires (soit plusieurs centaines au total).
    Installer le réseau en plein air entre une dizaine de lieux espacés de parfois plus de cent mètres dans une grande prairie vite transformée en bourbier ne fut pas une mince gageure. J'en sais quelque chose, puisque c'est à moi que Michel Dupont avait confié cette mission.
    Rappelons que c'était en 1992, une époque où les réseaux étaient une nouveauté : pas de Wi-fi évidemment, il fallait installer partout des câbles coaxiaux pas prévus pour l'extérieur, encore moins pour la pluie.

    Malgré toutes ces difficultés, tous ou presque firent contre mauvaise fortune bon coeur. La tente restaurant servait de refuge à tous ceux auxquels leurs occupations laissaient quelques instants de répit, certains organisant parfois impromptu quelques divertissements variés auxquels tous se joignaient.

    Faute de pouvoir le faire à l'extérieur, on y vécut aussi une mémorable soirée de 14 juillet au cours de laquelle on put oublier un moment les conditions execrables de la compétition.

    Le meeting de clôture fut un instant de grâce la météo ayant enfin permis momentanément ce qu'elle nous avait refusé les semaines précédentes. Le public nombreux qui avait fait le déplacement n'a certainement pas été déçu du spectacle extraordinaire qui lui a été offert par un plateau exceptionnel.

    Ce qui est moins connu, c'est que le lendemain de la clôture, une véritable apocalypse, digne de la météo des semaines précédentes a marqué le démontage du "village", ravagé par une tempête. Le démontage s'est transformé en déblaiement des décombres des tentes ravagées. Une bien triste fin pour un championnat qui, s'il n'a pas marqué les mémoires sur le plan sportif, n'en a pas moins laissé un souvenir vivace chez tous ceux qui y ont participé, ne serait-ce que par les efforts déployés pour parvenir à sauver coûte que coûte tout ce qui pouvait l'être tout au long de ces deux semaines difficiles.

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