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Culture Aéro

Alexandre Paringaux : « Cette photo est autant celle de mon pilote que la mienne »

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Frédéric Lert

En 2014, l’Armée de l’air célèbre ses 80 ans. Paris Match commande alors à Alexandre Paringaux un dossier photo qui devra s’ouvrir sur une photo originale en double page symbolisant cet anniversaire. La Patrouille de France, ambassadrice de l’Armée de l’air, sera sur l’image. Alexandre décide d’y adjoindre l’A400M qui entre tout juste en service.

« Tout a commencé avec quelques idées rassemblées sur un PowerPoint envoyé à la PAF raconte le photographe. Quelques coups de téléphones supplémentaires et nous nous sommes mis d’accord sur la faisabilité de l’image qui devait donc montrer un pilote en premier plan, avec derrière lui, s’inscrivant dans la verrière, les 8 appareils de la patouille et un A400M. Toute la difficulté était bien entendu de faire entrer tout ce petit monde dans le viseur, avec un cadrage qui devait être parfait ! ».

Quelques semaines avant le vol, Alexandre Paringaux se rend à Salon-de-Provence. Sur le parking de la base, il fait sortir un Alphajet, le fait placer face au soleil et s’installe à son bord pour préparer l’installation de son boitier photo et simuler le vol. « J’avais derrière moi un mécanicien monté sur une échelle qui écartait les bras pour jouer l’A40OM et les Alphajet. J’ai également passé du temps avec Athos 9, le capitaine Philippe Castagnet, qui devait être mon pilote pendant le vol. Nous avons étudié les angles de prise de vue avec des maquettes. Cette photo est d’ailleurs autant celle de mon pilote que la mienne… »

Un décalage indispensable pour éviter le pli de la double page

Pour ses 80 ans, l’armée de l’air a organisé un meeting aérien de grande ampleur sur la base aérienne 120 de Cazaux. Bien entendu, la PAF et un A400M comptent parmi les vedettes. La photo pour Paris Match doit se faire le lendemain du meeting, pendant le retour de la PAF vers Salon. « Il est prévu que l’A400M sera leader, avec un cap une vitesse et une altitude constants, et il sera encadré par la PAF. A bord du 9ème Alphajet, je dépasserai la formation en passant dessous, puis je donnerai le top à mon pilote pour qu’il prenne 10° de piquer de manière à bien placer la formation dans le haut de la verrière ».

Pour le retrait du Mirage 2000N en 2018, Alexandre Paringaux réalise cette photo de tirs de leurres depuis un Transall, au dessus de la Méditerranée. Fait exceptionnel, l’avion emporte une maquette de missile nucléaire ASMPA. © Alexandre Paringauxmore
Les commandos de l’air s’entrainent à la récupération d’un pilote abattu. « Je voulais jouer avec des silhouettes sur fond de soleil couchant, mais c’est bien plus compliqué que de réaliser une photo en vol : il faut trouver la bonne zone, éviter le public et être parfaitement au rendez-vous, parce que le soleil n’attend pas… » © Alexandre Paringauxmore
Niamey, 2019. Deux Mirage 2000 de retour de mission prennent la formation sur un drone Reaper. La photo est faite au 200mm depuis la porte latérale d’un Transall qui se tient à bonne distance... En arrière plan, un ciel laiteux chargé de sable gomme toute vision du sol. © Alexandre Paringauxmore
Dernier vol photo avec les Mirage F1CR de Mont-de-Marsan en 2014. Symbole de leur polyvalence, les avions emportent des bombes à guidage laser et une nacelle de reconnaissance photo. © Alexandre Paringauxmore
En 2015, Airbus prépare la traversée de la Manche avec son E-Fan. Mais la veille du jour prévu, c’est Hugues Duval, commandant de bord sur Boeing 777 dans le civil, qui lui vole la vedette avec son Cricri à motorisation électrique. Le Figaro Magazine commande une double page à Alexandre Paringaux qui pose le micro bimoteur et son pilote sur l’aile d’un Boeing 777. © Alexandre Paringauxmore
Alexandre Paringaux, photographe, éditeur, homme orchestre avec toujours la même exigence de perfection. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

En cabine le photographe a installé son Nikon D700 équipé d’un objectif « fisheye » de 16mm : un très grand angle qui lui permet de capturer la scène dans toute sa largeur. Sur le boitier, un flash pour déboucher les ombres et donner du piqué au premier plan. L’appareil est actionné par une télécommande.

Le jour dit, tous les avions sont au rendez vous et l’A400M montre la voie comme prévu, 280 nœuds au badin, bien stable au niveau 100. Les huit appareils de la PAF sont en position au centimètre près, comme ils savent si bien le faire. Comme prévu au briefing, Athos 9 rattrape alors l’A400M par derrière en s’alignant sur le moteur n°2. « Ce léger décallage était indispensable pour composer l’image en évitant que le nez de l’avion et celui du personnage au premier plan, moi-même, se retrouvent dans la pliure de la double page ! »

On part pour une dixième passe, mais ce sera la dernière…

Athos 9 réalise une première passe à blanc pour vérifier que les turbulences ne sont pas gênantes. « Nous sommes passés une dizaine de mètres sous le moteur, on a pu sentir qu’il y avait une certaine aspiration mais les conditions étaient bonnes. Mon pilote s’est très vite représenté et nous avons de nouveau rattrapé la formation avec une vitesse de rapprochement d’environ 5 nœuds. J’ai donné le top à mon pilote qui a pris les 10° de piquer attendus ».

L’Alphajet enchaine rapidement neuf passes ! Après chaque passage, Athos 9 sort les aérofreins, casse sa trajectoire et revient très vite se replacer pour la passe suivante.

« Neuf passes en moins de 25 minutes, Philippe Castagnet était très rapide pour se remettre en position raconte Alexandre Paringaux. Mais à chaque fois j’étais déçu par le résultat, les avions n’étaient pas exactement là où j’aurais voulu qu’ils soient. Philippe m’a alors dit « on part pour une dixième passe, mais ce sera la dernière… Ne te loupe pas… » On est parti, rapprochement avec 5 nœuds de vitesse relative, passage sous le moteur 2… et là j’ai attendu une seconde de plus pour commander la mise en piqué. Et la photo a été parfaite, c’est celle publiée par Match ! »

Frédéric Lert

Alexandre Paringaux

 

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Petit input au sujet de la photo de la "récupération" d'une personne sur la plage près d'Arcachon, au soleil couchant. Belle image certes.
    Cependant ce n'est pas un dangereux criminel qu'on vient de stopper, ni un trafiquant de drogue juste débarqué de son go-fast : non, c'est supposé être un officier pilote de chasse, dont l'avion a eu la malchance de se faire abattre par un missile, et qui est donc récupéré par une équipe débarquée du Super-Puma. Alors c'est bien gentil, mais j'avais moi-même dit à mes pilotes (à l'époque je commandais vaguement) ainsi qu'aux opérateurs de la chose, qu'on n'allait pas nous faire faire ce genre de simagrées dégradantes, au cas où on se retrouverait dans cette situation. Et que si cela amusait les cabos-chefs fusiliers de faire s'agenouiller un capitaine voire un lieutenant-colonel de leur bord, eh bien ce serait sans moi (et donc sans nous) - procédure ou pas.
    Ah oui mais... eh bien non, on vous le redit, votre cirque ce sera sans nous, on rentre à pied sinon, ou alors on se parle normalement.
    Voilà ce que c'était que de copier les procédures américaines, elles-mêmes venant de la police du même pays, bien connu pour sa courtoisie.
    Voilà ce que c'était que de passer des années à Brindisi, à s'imbiber des méthodes USAF.
    Et voilà pourquoi, lors de la deuxième série d'opérations en Yougoslavie, m'étant rapproché de Dieu dans l'intervalle, j'avais tractionné et eu gain de cause pour que nos hélicos ne retournent pas à Brindisi (fini les vacances sur la plage, et pour les procédures américaines, quelques années de fréquentation furent jugées suffisantes) et qu'ils soient mis en place un peu plus près de l'action, dans la neige et la boue (eh oui, les Balkans en hiver) et avec les Pumas de l'ALAT, auprès de qui ils allaient certainement apprendre plus de choses, et quitter pour commencer le confort douillet des bases aériennes....
    Et j'avais suffisamment de connaissances d'opérations* de rescue sur Puma et Alouette III dans un autre hémisphère pour qu'on ne me raconte pas d'histoires.

    (*) savoir qui faisait étrangement défaut à mes interlocuteurs.

  • Monsieur PARINGAUX,
    Je suis juste un modeste passionné d’aéronautique, et je possède toutes les collections Rafale Leader ainsi que Rafale Team.
    A ce sujet, je voulais juste faire une petite remarque sur les dialogues qui sont quelquefois en allemand, n’hésitez pas à demander à un professionnel pour corriger la grammaire. Je vous dis cela avec une grande cordialité, et je vous remercie d'avoir édité ces BD qui me procure beaucoup de plaisir.
    Merci.

  • M. Alexandre Paringaux ...
    Il y a un peu plus de 20 ans, j'étais lycéen et j'avais réalisé un petit site internet amateur pour une patrouille qui n'avait pas de site à l'époque : Cartouche Doré.
    J'avais fini par obtenir des contacts avec les pilotes de la patrouille, lesquels m'avaient fourni des photos et m'avaient indiqué que je pouvais les mettre sur mon site, ce qui fut fait en basse résolution et en précisant les crédits "Photo Alexandre Paringaux".
    Quelques jours/semaines plus tard, un dimanche soir, un numéro inconnu s'affiche sur mon téléphone, je décroche :
    A: vous êtes bien la personne qui a fait un site sur les Cartouche Doré
    J: oui ?
    A: je suis M. Paringaux, vous avez mis en ligne de mes photos sur votre site ?
    J (décomposé): euh ... oui ! mais si ça pose problème je les enlève hein ...
    A: non non pas de problème, donnez-moi vos coordonnées et je vous ferais une attestation vous permettant d'utiliser les photos, d'ailleurs je peux vous les fournir en meilleure qualité, et éventuellement vous en fournir d'autres ...

    Moi qui n'était rien qu'un jeune lycéen passionné d'informatique et d'avions et de meetings ... j'étais estomaqué.
    Au-delà d'un photographe plus que talentueux (à l'époque je rêvais en feuilletant ses livres), j'ai vraiment apprécié son attitude désintéressée et passionnée.

    Respect, M. Paringaux !

    • bonjour,

      Ce n'est pourtant pas le souvenir qu'il a laissé sur la Base d'Ambérieu lors des photos de son livre sur les bases aériennes (ou d'ailleurs il a mis pour la BA278 un insigne pêché on ne sait où ?!?)

  • Bravo Alexandre !
    Un très grand photographe doublé d'une belle humilité.
    Content d'avoir pu croiser nos routes du temps d'Aéroports Magazine !
    Merci pour tes belles images;

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