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Amiot 143, un bombardier nommé « l’Autobus »

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Bruno Rivière

Jérôme Ribeiro et Michel Ledet retracent l’histoire de cet étonnant bimoteur que fut l’Amiot 143, engagé au début de la Seconde guerre mondiale comme bombardier, mais aussi comme avion d’entraînement aux missions de nuit. Il participa également à des « croisières coloniales » en Afrique.


Un vraiment drôle d’avion ! Un autobus ! « On lui attribue le surnom d’autobus Amiot, explique Michel Ledet, l’un des deux auteurs de cette grande saga dédié à l’Amiot 143. Il est vrai que ses lignes anguleuses lui donnent l’aspect d’un autocar sur lequel on aurait greffé une paire d’ailes monstrueusement épaisses… » Des mauvaises langues racontent même que cet « autobus » volait tellement lentement, que des chasseurs ennemis devaient sortir le train d’atterrissage de leur avion pour pouvoir livrer bataille à l’Amiot 143 !

L’histoire racontée ici, celle de l’Amiot 143, remonte à 1916, lorsque l’entrepreneur français SECM (Société d’Emboutissage et de Constructions Mécaniques) plus connue sous le nom d’Amiot lance un projet de bombardier quadriplace bimoteur, capable d’évoluer de jour comme de nuit. Il devait disposer d’un lance-bombes d’une capacité minimale de 500 kg de projectiles, d’une TSF d’au moins 600 km de portée, d’appareils photographiques, et surtout des équipements de vols de nuit : des phares et des feux de position et de signalisation. Cet avion, c’est l’Amiot 140. Originalité, pour l’époque : sa construction était 100 % métallique.

Différentes versions d’Amiot, dont le 143, vont alors être remises à l’Aviation française. Michel Ledet ne craint pas de rappeler que l’Amiot 143 « était sans conteste, comme les Bloch 200 puis 210, le précurseur des bombardiers modernes. » C’est le 12 août 1934 sur la base de Villacoublay que l’Amiot 143 (en fait un Amiot 140 complètement modifié) effectue son premier vol dans le cadre de sa campagne de certification menée par le CEMA, le Centre d’Essais du Matériel Aérien. Puis les vols vont s’enchaîner notamment à partir de la base de Cazaux dès les premiers mois de 1935. Le vol le plus long réalisé lors de ces essais est celui de convoyage entre Villacoublay et Cazaux en 3 heures et 15 minutes à 1.000 mètres d’altitude. Lors de cette campagne, deux vols seulement ont été effectués à haute altitude (4000 mètres).

Finalement, entre 1933 et 1936, l’Etat passe une première commande de 138 exemplaires de l’Amiot 143. L’avion, doté d’un pont à deux étages (une tourelle à l’avant, un balcon à l’avant et à l’arrière, des fenêtres extrêmement larges et un plancher à claire-voie), est motorisé en série par deux Gnome & Rhône 14K de 740 à 870 CV suivant la version. Par la suite, l’Hispano-Suiza 12Y et le Lorraine Eider de 1200 CV seront également proposés.

Avec une vitesse moyenne comprise entre 250 et 295 km/h, l’Amiot 143 évolue principalement dans les basses couches comprises entre 2.000 et 4.000 mètres. Lors d’un essai réalisé le 5 mars 1935, l’avion a cependant atteint l’altitude de 7.400 mètres en 47 minutes et 30 secondes. Sa consommation, de l’ordre de 366 litres à l’heure, lui permettait toutefois de relier deux escales distantes de 1.400 kilomètres, avec une charge d’une tonne de bombes.

Sur le manuel de vol, il est précisé que l’Amiot 143 doit être servi par un équipage de quatre hommes. Mais dans la pratique, un cinquième homme est systématiquement embarqué. Il s’agit d’un mécanicien préposé à dépanner les nombreuses pannes mineures pouvant survenir en vol. Ainsi, aux côtés du chef de bord qui prend place dans la partie avant de l’avion, on trouve le premier pilote installé dans le poste de pilotage supérieur, le mécanicien installé au poste de pilotage inférieur, le radiotélégraphiste situé dans la partie inférieure de l’avion et le mitrailleur perché dans la tourelle dorsale.

L’ouvrage de Jérôme Ribeiro et Michel Ledet, très fouillé et illustré avec 600 photos et une cinquantaine de profils, regorge de mille anecdotes : l’utilisation de l’avion dans les différentes escadrilles française pendant la guerre, ses raids lointains à travers le monde notamment jusqu’à Madagascar, Conakry, etc.

On apprendra aussi que les Amiot 143 ont été utilisés principalement au début de la Seconde guerre pour des opérations de bombardement. Les avions ont opérés à partir de bases françaises telles que Chartres-Champhol, Luxeuil-Saint-Sauveur, Mourmelon, Orléans-Bricy (14è Groupement Aérien autonome de Gonsenheim, ainsi que les 22è, 34è, 35è et 38è escadre de bombardement). C’est au cours de cette période (1937-1938) que des Amiot 143 vont également participer à des « croisières coloniales » en Afrique. De même, toujours durant cette période, les différentes unités dotées d’Amiot 143 serviront intensivement à la formation des pilotes aux vols de nuit.

Et bien sûr, le livre fait la part belle aux dérivés de l’Amiot 143 (jusqu’au dernier Amiot 150) et aux nombreuses versions construites : hydravion, version transport de troupes, transport de fret…

Bruno Rivière

Photo des sept Amiot 143 de la 3è escadrille stationnés sur le terrain d’Orléans-Bricy le 27 juillet 1938.
Vol en formation de la région lyonnaise par les Amiot 143 de 35è escadre de bombardement.
L’Amiot 143 (ici le N°56) au nom du commandant Inemarc tué en mars 1938 à bord d’un Bloch 200.
L’Amiot 143 (de l’Amiot 140 à l’Amiot 150)

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Bruno Rivière

Reporter photographe par passion, Bruno Rivière a assuré la rédaction en chef d’Aéroports Magazine pendant près de 25 ans. Il a également enseigné le journalisme en faculté. Spécialiste du transport aérien, il a rejoint Aerobuzz en janvier 2011. Bruno Rivière réalise des reportages et des recensions de livres.

View Comments

  • Amiot 143, un bombardier nommé « l’Autobus »
    Quand on voit l'engin et que l'on voit une formation de HE 111 ou DO 17, on comprend mieux ce qui s'est passé ...

    Enfin lors de la première manche...

  • Amiot 143, un bombardier nommé « l’Autobus »
    Les parties vitrées font davantage penser à une cabine destinée à des voyages touristiques qu'au bombardement. Etrange engin qui n'a pas du faire très peur aux Allemands déjà prêts à nous envahir en 1938... 250 kmh l'ulm MCR fait mieux.

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