Marc Scheffler a démontré dans son livre « La guerre vue du ciel » son talent d’auteur. Il en donne un nouvel exemple dans ce court récit qui a donné… la pêche à Jean Barbaud !
C’est à moi. Je pénètre sur la piste et m’aligne. Neuf tonnes de poussée dans la main gauche, 12 tonnes de métal dans la main droite. J’affiche pleins gaz ! Quelques mètres dans mon dos, le réacteur prend des tours. Le rugissement enfle à travers les couches de protection de mon casque.
Amortisseur avant comprimé, le Mirage salue, hurle et vibre. Je sens ses roues frémir alors qu’elles sont mises à rude épreuve pour retenir les tonnes de poussée. Je vérifie les instruments moteurs, les pressions et le tableau d’alarmes. Tout est bon… Je porte mon regard sur les 2400 mètres de bande qui s’ouvrent devant moi.
3-2-1 Top décollage !
Je lance le chrono en même temps que je relâche les freins.
Ça roule, pleine charge !
J’enclenche d’un coup sec la postcombustion. Le calculateur du moteur commande l’injection monstrueuse de carburant directement dans la tuyère : 400 litres par minute…
Le réacteur déchaîne sa fureur dans un vacarme assourdissant tandis qu’une main géante me catapulte sur la piste. Plaqué contre le siège, je surveille la vitesse tandis que l’avion accélère… accélère…
125 nœuds, rotation !
Je tire fermement sur le manche. Le Mirage se plante dans le ciel et l’avion s’arrache du bitume. J’ai les genoux dans les épaules. Par réflexe, j’actionne la palette du train d’atterrissage vers le haut. Petits chocs. Les roues sont rentrées et les trappes se sont refermées.
Je relâche la pression et me mets en palier. À 250 nœuds, je coupe la postcombustion. J’ai la sensation que le « 2000 » s’arrête sur place. C’est à nouveau le calme en cabine.
Je me laisse accélérer vers 450 nœuds avant de reprendre la montée vers mon secteur de travail. De premières barbules rapides et fuyardes déferlent sur ma verrière. Le sol disparaît par intermittence et je suis peu à peu enveloppé d’une écharpe grise. En quelques minutes, j’efface des milliers de mètres.
Vers 26.000 pieds, les nuages rendent les armes et j’émerge sans transition au-dessus d’un océan d’écume baigné par un soleil éclatant…
Lieutenant-Colonel Marc Scheffler
© Dessin : Jean Barbaud / Animation : Martin Roy
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Monsieur Petitpou,
Pourquoi esquintez vous le nom de Marc Scheffler ?
le livre de Marc Schefferville est le meilleur que j'ai jamais lu parmi ceux , très nombreux, écrits par des pilotes militaires, ... il réussit à passionner le lecteur et , tout en restant très " technique", à se faire parfaitement comprendre, même par un profane en aviation de combat , comme j'ai pu le vérifier auprès d'amis.
Ce récit remarquable sera aussi sans doute une référence pour les jeunes pilotes de chasse débutant leur carrière .
Marc Schefferville fait honneur à la confrerie des " chasseurs" .
Roger Pessidous
ancien pilote de chasse sur 2000.