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Dans l’impasse de Notre-Dame-des-Landes

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Pierre Sparaco

Le journaliste Hervé Kempf a mené l’enquête, dans le bocage breton. Son essai « Notre-Dame-des-Landes : le soulèvement » (Le Seuil) est à la fois un reportage et une analyse politique sur un dossier dans lequel, depuis longtemps, les questions aéronautiques sont passées au second plan.

C’est un livre comme il en paraît peu, mi-reportage, mi-témoignage, engagé, qui ne parle pas vraiment d’aviation mais de ce qu’il est convenu d’appeler un fait de société d’un type peu commun, un projet d’aéroport, Notre-Dame-des-Landes.

Il met en scène agriculteurs, écologistes, altermondialistes, policiers, gendarmes et CRS, des tracteurs, des barricades, des projectiles de tous genres, des grenades assourdissantes et explosives, il a opposé des « terroristes » à leurs « ennemis », a suscité des manifestations très violentes dont certaines ont réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes dans une ambiance de guerre civile. Jamais le transport aérien mondial n’avait connu une situation comparable, pas même à la veille de l’inauguration mouvementée de l’aéroport international de Tokyo-Narita, il y aura bientôt 50 ans.

Le dossier de « NDDL » n’a de toute manière plus rien à voir avec l’aviation commerciale. Ce combat d’Astérix contre les armées de César est celui d’idéalistes qui veulent changer le monde, qui rejettent un « système » et, à ce titre, s’inscrivent dans un mouvement qui a pris de l’ampleur à partir du sommet environnemental de Seattle de 1999 puis de G8 violemment critiqués et contestés. Du coup, 1.650 hectares de bocage nantais sont devenus le centre d’un monde nouveau supposé en gestation qui, entre autres aspirations, n’aime pas les avions. Le tout dans un environnement politique pour le moins particulier, l’ancien maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, défenseur inconditionnel et psychorigide de NDDL, étant Premier ministre au moment où la polémique a été la plus rude. D’autres « Nantais » de cette même équipe gouvernementale ont été moins fringants et le ministre sortant des Transports, Frédéric Cuvillier, a brillé par son silence.

Tout est bancal, de toute manière, dans ce dossier construit sur du sable. L’aéroport existant, Nantes-Atlantique, ne sera pas saturé, même à très long terme, et le remplacer par une autre plate-forme à deux pistes correspond à un « besoin » tout à fait artificiel, créé de toutes pièces. Qui plus est, le budget envisagé, moins de 700 millions d’euros, est totalement irréaliste, le low cost porté à son paroxysme, au point que l’on s’étonne de son approbation par Vinci, concessionnaire désigné.

NDDL, depuis le premier jour, est un sujet embarrassant et, compte tenu de l’ampleur des manifestations qu’il a suscitées, il est curieux que la couverture médiatique en ait été minimale, à l’échelle nationale tout au moins. Aussi doit-on mettre en exergue l’arrivée en librairie d’un petit ouvrage tout simplement intitulé « Notre-Dame-des-Landes », publié par notre confrère Hervé Kempf aux Editions du Seuil. Un texte bien documenté, précis, pas tout à fait objectif mais néanmoins utile et bienvenu.

Hervé Kempf est, affirme son éditeur, l’auteur « d’essais stimulants » servis par une bonne plume. Mais on retiendra surtout qu’il a choisi de mettre son talent au service d’autres publications quand le journal Le Monde lui a demandé de mettre une sourdine à ses écrits sur le dossier de NDDL. Sans doute conviendra-t-il d’y revenir tôt ou tard, le quotidien de référence étant, apparemment, pris en défaut là où on ne s’y attendait pas.

Quoi qu’il en soit, voici un fort témoignage qui montre que le transport aérien, devenu clef de voûte de l’économie mondiale, peut parfois engendrer des débats stériles et absurdes. Au point de perdre le contrôle d’un différend violent, mettant en évidence l’incompétence et l’impuissance des politiques. Ce livre est un document rare en même temps qu’un rappel à l’ordre.

Pierre Sparaco

La mise en œuvre du projet d’aéroport du Grand-Ouest, a provoqué un soulèvement en pays nantais contre l’Etat et les principaux élus locaux
Vision d'artiste de l'aéroport du Grand-Ouest (Notre-Dame-des-Landes).
Notre-Dame-des-Landes : le soulèvement

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Pierre Sparaco

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  • Corrections
    Quelques corrections à l'article:
    Lors de la construction de Narita au Japon, les violences ont été aussi violentes, mais l'État a conduit le dossier de la même façon : aménagement du projet en concertation avec les opposants. Le problème c'est que les opposants de Notre-Dame-des-Landes ne veulent pas discuter ou se mettre autour d'une table . Qui est psychorigide ? Ayrault qui a discuté, quitte à passer pour un mou, ou des nervis pour qui seule la force compte ? Pas de discussion, ils font simplement leur comm' avec les journalistes. Ce n'est pas loyal.

    D'accord sur les éléments techniques de Laurent Ferrero.
    Quant à Philippe Pigal, il oublie que c'est la loi littoral qui protège le lac de Grandlieu, pas l'aéroport.
    Et la commission de dialogue a bien dit que le transfert était nécessaire, comme tous les rapports complets sur le sujet d'ailleurs.

  • Dans l’impasse de Notre-Dame-des-Landes
    Pourquoi depenser une fortune pour construire un aeroport
    qui sera de toutes facons un aeroport secondaire alors que sur la plateforme de CDG les temps de roulage frolent les 30 minutes aux heures de pointe a cause de la congestion du traffic.
    Je ne sais pas si les francais sont paresseux d'esprit, mais sur ce coup, certains manquent cruellement de pragmatisme.

  • Dans l’impasse de Notre-Dame-des-Landes
    c'est bien d'essayer de sauver un projet inutile mais encore faut-il éviter la manipulation des arguments.

    Quand vous dîtes que l'aéroport est "enkysté" entre une zone Natura 2000 et la ville, il a été démontré par les scientifiques que l'emplacement actuel permet d'éviter une sur-densification qui serait néfaste à la conservation des habitats et des espèces de cet espace à préserver. D'autre part un projet actuel porté par l'association Nexus montre que la proximité de la ville permet de connecter à l'aérogare plus de 1,3 million de personnes via le train, ce qui permettrait de réduire les parkings et va dans le sens du réaménagement.

    Pour la consommation de terre, vous vous méprenez, premièrement la création d'un nouvel aéroport entraînerait une consommation énorme de terre mais ne ralentirait pas bien au contraire la consommation d'espace dans le département. De nombreux projets sont dans les cartons et viennent se greffer à ce projet d'aéroport. Cet argument que vous présentez comme majeur est pour le moins fallacieux, d'autant plus que vous essayer de faire croire que les zones commerciales et lotissements sont portés par une réflexion écologique, ca devient risible !

    Quand à la saturation, même la commission de dialogue a reconnu que l'aéroport n'était pas saturé à court terme et le monde de l'aéronautique est pour le moins plus qu'incertain à long terme.

    Pour ce qui est des études de la DGAC, vous oubliez de préciser qu'ils sont pour le moins peu objectif car sous les ordres du préfet.

    Et vous oubliez de traiter des impacts sur l'eau (inondation, pollution,...) et la biodiversité alors que la méthode de compensation a été invalidée scientifiquement par la commission scientifique. Un oubli dans votre argumentaire ?

    Le minimum serait de remettre à plat le dossier et de faire des études par des structures indépendantes, car rien ne tient dans ce projet sauf l'entêtement de quelques politiciens et d'investisseurs.

    Quand à la paresse intellectuelle des français, ce n'est qu'une caricature digne d'une discussion du café du commerce !

  • Dans l’impasse de Notre-Dame-des-Landes
    Après 40 ans de travaux sans interruption, depuis quelques mois, il n'y a plus une seule grue à CDG... C'est bien embêtant pour les vendeurs de béton qui doivent trouver de nouveaux "marchés" pour leur produit. Et un aéroport est la superstructure qui en demande le plus, et dont la profitabilité est la meilleure.
    Les tours à béton sont installées à demeure pour quelques années. Plus besoin de longs trajets pour les camions toupie. C'est toujours ça de gagné, plus le reste, car comme c'est pour l'aéronautique, on ne sert pas spécialement les prix.

  • Dans l’impasse de Notre-Dame-des-Landes
    Pierre Spacaro est une source intéressante quand il parle de ce qu'il connaît : les choses de l'air. Mais concernant le déplacement de l'aéroport, il ne s'agit en effet pas -comme il l'écrit lui-même- d'aviation commerciale : il s'agit d'aménagement du territoire et d'évidence Spacaro n'a à nous livrer que des commentaires de café du commerce enlisés dans une argumentation de "3e main". Cet article invraisemblablement confus manifeste combien le sujet lui glisse entre les doigts !

    De quoi s'agit-il en effet ? Rien d'autre que de déplacer un aéroport enkysté entre une métropole et une zone Natura 2000 que sa piste 03/26 conduit à survoler l'une et l'autre. Un aéroport qui bloque complétement la densification du sud de la ville du fait des nuisances dont rend compte le PEB (voir document joint) ! Qui parmi les commentateurs improvisés s'est seulement penché sur ce document ?

    Quel est l'enjeu ? La population Nantaise va augmenter de façon naturelle de plus de 100 000 habitants dans les 15 ans. Quels choix fait-on pour les héberger et leur fournir les services publics dont ils auront besoin, et en particulier les transport collectifs ?
    Soit on densifie le sud de Nantes et on peut ainsi optimiser les transports publics, la politique d'équipement etc;
    Soit on fait ce qui devrait bien davantage être un sujet de débat : on fait ce qui est improprement appelé de "l'étalement urbain".

    2000 ha de terres agricoles disparaissent chaque années en Loire Atlantique et ce n'est pas pour y faire des aéroports ! C'est pour l'essentiel pour créer des lotissements sur la 3e couronne de l'agglomération qui font la fierté des petites communes, de leurs maires ambitieux et des écolos à la petite semaine... Et oui, les lotissements, ça prend la place des champs ! Ça veut dire des routes en plus, des "zones commerciales" qui mitent le paysage; ça veut dire un mode de vie ou on prend sa voiture pour aller chercher le pain, pour emmener les enfants à l'école et aux activités diverses et le plus souvent pour aller travailler dans la ville voisine ! Un modèle écologique vraiment ???

    Ce seul argument disqualifie toutes les positions anti-transfert, qui prétendent se soucier de nature et de nourrir la planète et qui sont mutiques quand on les interpelle sur cette question.

    La focalisation sur la non saturation des installations actuelles n'est qu'une autre façon incompétente de poser le problème.

    Nantes Atlantique a été conçu pour accueillir 4 millions de passagers. Il les atteint dès maintenant. Il est donc nécessaire d'investir pour l'adapter à cette situation et ne pas créer de goulot d'étranglement pour le développement de l'Ouest. Faut-il le reconstruire sur place ?
    La DGAC a chiffré cette option : ça coute plus cher que de déplacer l'installation (une petite recherche sur Google et vous trouverez !) parce qu'il faut reconstruire entièrement la piste en la déplaçant vers le sud de quelques centaines de mètres et reconstruire des aérogares qui ne sont pas adaptées aux exigences des compagnies low cost (à Nantes en ce moment, pour prendre un vol Ryannair, on s'engage sur une passerelle et... on redescend un escalier pour faire le chemin à pied !) Il faudra donc fermer les installations de 3 à 6 mois (on entend déjà P. Sparaco se gausser des autorités française incapable d'anticiper le développement de la métropole !)

    Ces quelques éléments montrent à quel point le traitement du dossier "NDDL" est bâclé par les commentateurs et journalistes. Les arguments les plus intenables contre le transfert sont présentés sans vérification et sans analyse.

    C'est finalement l'expression du "mal français" : une paresse intellectuelle, une propension au jugement hâtif, une dénonciation obsessionnelle "des élites", une ratiocination permanente à l'opposé du sens de l'action, de la construction de l'avenir. Quelle entreprise survivrait à cet état d'esprit ?
    Ainsi, année après année, cette façon de (ne pas) penser nous enfonce dans la crise.

    PS : On peut remarquer que la seule personnalité du monde aéronautique à s'exprimer contre ce transfert est Jacques Bankir... "d'où parle-t-il" questionneraient des gens exigeant remarquant sa solitude... Incontestablement en fondateur d'Air Vendée qui le lie à un patronat vendéen peu soucieux d'efficacité territoriale en dehors de la terre chouanne.

    A lire :
    http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/cartes-bruit-nantes-atl-light.pdf

    http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/03/10/notre-dame-des-landes-jose-bove-et-la-piste-de-la-piste-unique_4379977_4355770.html

    http://www.desailespourlouest.fr/les-raisons-du-transfert

    • Dans l’impasse de Notre-Dame-des-Landes
      On se demande ou est la paresse intellectuelle ? Chez les gens qui se demandent comment on fait demain avec moins de ressources ou chez ceux qui reproduisent les mêmes schémas amenant au chômage et à la destruction de l'environnement depuis le premier choc pétrolier, il y a 40 ans...
      Construire NDDL n'empêchera aucun maire de construire des lotissements en Sud Loire et garder NTE n'empêchera pas de densifier d'autres secteurs de l'agglo que Bouguenais les Couëts et Rezé.
      Pour faire bonne mesure, les porteurs du projet ont promis une zone non urbanisable entre le nord de Nantes et NDDL: ça vaut dire aucune activité économique dans un rayon de 15km de l'aéroport : très intéressant !!

  • Dans l’impasse de Notre-Dame-des-Landes
    Cet article est intéressant. Plus on creuse et plus on s'aperçoit qu'il n'y a pas la nécessité de transférer l'aéroport actuel. La modernisation de l'aéroport actuel peut se réaliser à bien moindre coût. On peut se demander pourquoi Vinci s'entête dans ce projet ?
    Le véritable business de Vinci est les places de parkings (27€/jour sur le site actuel), le coût d’exploitation d’un parking est dérisoire. Si l'exploitation du nouvel aéroport était déficitaire, ce ne serait pas grave car d’une part la région est là pour renflouer et, pour Vinci, le véritable résultat s’effectue sur les recettes du parking.
    Sur le site actuel, il y a une véritable menace pour Vinci qui est le tramway qui s’arrête à 1km, on rajoute une seule station et on se retrouve avec un aéroport équipé d’une navette à fréquence élevée vers le centre-ville. On peut dire que pour Vinci ce serait une très mauvaise affaire.
    Un aéroport moderne n’est-il pas un aéroport interconnecté ?

  • Notre-Dame-des-Landes: une pompe à fric?
    L'aéroprt actuel n'est saturé ni à court ni à moyen terme. Contrairement à ce qui a pu être affirmé il permet les vols longs-courriers.
    Il est permis de penser qu'une fois de plus on se sert d'un maché public, artificiellement créé, en tant que pompe à fric pour les partis, tous étrangement silencieux ou en retrait sur ce dossier (sauf EELV peut-être).

  • Dans l’impasse de Notre-Dame-des-Landes
    Décuvrir des informations est toujours intéressant et éclairent des points sur lesquels on pouvait encore douter. On comprend les réticences des uns et des autres face aux manipulations politiques et financières mais lorsqu' il s'agit d'un projet aussi colossal impliquant des sommes astronomiques dans une période économique difficile alors de ce seul fait réserve et réflexion s'imposent. Pas de droit à l'erreur, il en va de l'argent du contribuable et de l'avenir économique d'une région. Le futur étant imprévisible la sagesse ne serait-elle pas de retarder ce projet en attendant l'éclaircie? L'avenir apporte la réponse au doute.

  • Dans l’impasse de Notre-Dame-des-Landes
    En tout cas, on le voit : un sujet qui laisse peu de personnes indifférentes !

  • Dans l’impasse de Notre-Dame-des-Landes
    C'est le blocage nantais !
    Sinon, si je pouvais avoir les coordonnées de "Laminr", je lui offrirais bien un dictionnaire...

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Pierre Sparaco

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