François Brévot : « Une journée particulière »

Cette photo d’un des chasseurs Chengdu J-10 de la patrouille chinoise Ba Yi a été prise au salon Airshow China en 2016. Depuis le toit d’un immeuble, le long de l’aéroport de Zhuhai.

« Cette photo montre un biplace chinois Chengdu J-10 S de la patrouille militaire de la République populaire de Chine Ba Yi. Le chasseur est sur le dos et on voit très bien les deux pilotes. A l’arrière, ce jour-là, il y avait une des deux ou trois jeunes femmes pilotes affectées régulièrement à cette formation acrobatique. Elle trouvera la mort une semaine plus tard, dans la collision de son avion avec un monoplace de la patrouille », se souvient François Brévot qui a pris cette photo, en novembre 2016, au salon Airshow China, à Zhuhai.

François a choisi ce cliché parmi des milliers d’autres de patrouilles militaires, en mémoire de cette jeune pilote, la capitaine Yu Xu, mais aussi parce que c’est la photo qu’il n’aurait pu jamais faire et qui est l’une de ses plus spectaculaires.

« Au moment où je prenais cette photo, j’étais loin d’imaginer que cette personne était sur le point de disparaître, quelques jours plus tard ».

« Ce samedi-là, c’est l’avant dernier jour, et il est trois heures du matin à l’hôtel. La météo est parfaite. Je suis épuisé par le décalage horaire, et par une semaine de levers à trois heures du matin. J’ai pris tous les matins, des taxis qui m’ont emmené de nuit, à la plate-forme dédiées aux photographes, au bord de l’aéroport. Si bien que ce samedi matin, en entrant dans la salle du petit-déjeuner, je butte sur une marche qui traverse la salle, et fait une mauvaise chute. Un bleu suspect au genou, je décide de partir au salon. J’apprendrai six mois plus tard que je m’étais fêlé le genou, et que j’ai eu de la chance d’avoir pu marcher normalement ce jour-là. »

A son arrivée sur le salon, le photographe rejoint l’immeuble reconverti en plateau pour les médias. Une « Maglite » entre les dents, il accède au toit par des échelles en bambou. Avec des garde-fous sommaires, mieux vaut ne pas trop s’approcher du bord.

« C’est la police de l’aéroport de Zhuhai qui m’avait conseillé ce point de vue, en 2012, en me disant que comme « les avions rasent le toit, c’est beaucoup mieux pour faire de bonnes photos ». Un officier de police militaire m’avait même donné des conseils de prises de vue. », se souvient François Brévot.

« Nous montons les uns après les autres sur ce toit, en nous tenant l’échelle. Il faut prendre garde de ne pas s’installer, avec le matériel de prise de vue, en bordure de toit, pour éviter la chute dans le vide… »

Journée grand public oblige, le programme est dense. « Cinq Su-27 et quatre MiG-29 des patrouilles russes tournent autour de nous, en formation. Je réalise mes plus belles photos de patrouilles sur avions de combat. Puis les six J-10 des « Ba YI » enchaînent. Les jours précédents, j’avais étudié les trajectoires du solo, avec le capitaine Yu Xu en place arrière. »

Le photographe utilise un téléobjectif 300 mm lumineux qui ouvre à f 2,8 : « il donne des photos d’une finesse remarquable ».

« J’ai calculé la trajectoire de Yu Xu qui va passer devant nous. Elle va faire un tonneau si rapide que je déclenche une seule prise de vue à l’instant T, ayant anticipé le mouvement de l’avion. La photo est une séance de tir à l’arc, disait Cartier-Bresson. Pour moi, c’est cela. Il ne faut jamais mitrailler. Il faut shooter au bon moment. Une demie seconde plus tard, l’avion était déjà en position horizontale. »

Sur l’écran de son Nikon D4, l’image finale est plein cadre : « J’observe la vitalité de l’équipage derrière la verrière claire comme du cristal. Un chinois hurle en appelant ses collègues pour qu’ils viennent voir le résultat. Je suis heureux de ce qu’une image peut générer comme échanges avec les cantonais. »

Le soir à l’hôtel, François Brévot copiera les photos de cette journée sur trois supports différents, « pour être certain de ne rien perdre de cette journée ». Ces photos font partie de son dernier livre en date intitulé « Patrouilles acrobatiques du monde ».

Gil Roy

François Brévot

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