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J’ai piloté des Phantom au Vietnam

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Bruno Rivière

Belle prouesse pour les éditions Altipresse que d’avoir déniché Jerry W. Cook, cet ancien pilote américain de Phantom, et d’avoir publié ses mémoires « Pilote de Phantom ». Scramble pour quatre-vingt douze missions authentiques…


Voilà enfin un recueil de récits rédigés par un Américain – donc en anglais ! – et parfaitement bien traduit vers le français par Frédéric Marsaly. L’un des derniers livres des très sensationnelles éditions Altipresse, « Pilote de Phantom » de Jerry W. Cook, est, n’ayons pas peur des mots, extraordinaire. De quoi s’agit-il ? De quatre-vingt douze récits, parfaitement authentiques d’un pilote américain, formé sur les lourds monomoteurs T-28 et T-34 vers 1957. Après avoir effectué ses classes sur différentes bases américaines et sur différents avions d’entrainement, dont le bruyant T-37 : « Le bruit était incroyable ! Si on ne portait pas de protections auditives, on perdait tout simplement l’ouïe dans ces fréquences… » (page 104), Jerry W. Cook intègre la fameuse chasse au sein de la non moins célèbre US Air Force. Il découvre alors en 1963 le fabuleux biréacteur F-4. « Le F-4 Phantom II ! De 0 à 39 000 pieds en une minute et dix-sept secondes ! Deux fois et demie la vitesse du son… » (page 130). Puis, il part au Vietnam…

On ne peut tout résumer ici, mais simplement souligner la truculence de la traduction. Car Jerry W. Cook est, à l’image d’un Tanguy ou plutôt d’un Laverdure, un pilote chevronné (38 ans passé dans la « Chasse »), issu de milieu populaire, et s’affranchissant parfois – souvent ! – du respect élémentaire des bonnes procédures. Le langage est donc celui d’un « baroudeur », et la prouesse de Frédéric Marsaly (le traducteur) est d’avoir su restituer en français le langage parlé et le jargon de l’auteur. Il a su notamment garder cet humour décapant et pince-sans-rire du pilote lorsqu’il raconte ses aventures.

En 1964 par exemple, alors que Jerry W. Cook est en mission d’entrainement au ravitaillement en vol de nuit au-dessus de la base de MacDill (Floride), et que son leader se trompe d’avion ravitailleur : « Le boomer à bord du ravitailleur, qui était à son poste à l’arrière et au fond du fuselage de l’avion, indiqua qu’il n’avait pas le contact visuel avec nous. Notre leader l’assura que nous étions en rapprochement de l’aile droite du Stratotanker et qu’il devait nous voir rapidement. Je jetais un œil sur l’alignement des cockpits de F-4 quand j’ai vu « notre tanker » un peu plus loin. Je restais perplexe. Il y avait une longue ligne de hublots allumés le long de son fuselage. J’étais en train de me poser tout un tas de questions quand quelqu’un dans la formation a dit : y a combien de hublots sur un KC-135 ? » (page 161). En fait, il s’agissait d’un DC-8 d’Eastern Airlines.

En 1966, sur la base de Cam Ranh Bay, au Sud-Vietnam, Jerry W. Cook parle de l’ambiance sur le terrain : « Il y avait à peu près cinq mille hommes quand nous sommes arrivés et autant que je le sache, pas une seule femme. Puis, l’hôpital de la base fut établi et avec lui arrivèrent les infirmières. Du coup, le ratio homme/femme est tombé à environ mille pour une, pour s’établir finalement à cinq cents pour une. Il y avait un paquet de célibataires et quelques gars qui n’étaient pas mariés (leurs femmes seulement l’étaient !) : la course était lancée. » (pages 215 et 216). Plus loin, toujours sur cette même base, les pilotes américains avaient coutume d’aller se baigner dans la mer toute proche, malgré les dangers que représentaient les requins : « La plage à l’est de la base principale était grande et magnifique. Le problème était que les requins qui traînaient de temps en temps juste à proximité du rivage étaient également grands et magnifiques. » (page 221).

Mais il y a dans l’ouvrage des histoires moins amusantes. En particulier lorsque Jerry W. Cook reçoit l’ordre de larguer les monstrueuses bombes de 150 gallons chacune de napalm (gasoil gélifié hautement inflammable) sur… des marines américains. Ces soldats, pris au piège par l’ennemi, préféraient en effet mourir que subir les tortures des troupes du Nord-Vietnam : « Je n’avais jamais ressenti de tel avant, et jamais rien ressenti de tel depuis. J’aurais alors tout donné pour être ailleurs et faire autre chose. Mon F-4 avançait à 500 nœuds et je virais vers la fumée. Mes mains tremblaient comme si j’étais malade et j’avais l’impression que mon pouce droit ne pourrait jamais appuyer sur le bouton de largage des bombes… » (pages 265 et 266).

Evidemment, le récit comporte de nombreuses anecdotes, dont certaines vont faire frémir les pilotes : « Nous étions à bord d’un F-4 tout juste sorti d’atelier après des réparations de guerre, arrivant au sommet d’une montée zoom et approchant les 70 000 pieds (plus de 21 kilomètres d’altitude) sans combinaison pressurisée. Si les réacteurs s’étouffaient à cette altitude ou même un peu plus bas, nous étions morts ! » (page 293).

L’essentiel des récits de Jerry W. Cook concerne des missions « sol-air » et très peu de combats « air-air ». C’est dire que l’aviation de chasse américaine a utilisé tout au long de la guerre du Vietnam des puissants jets de chasse supersoniques, pour détruire des cibles au sol, parfois stratégiques (entrepôts, pistes, ponts…), parfois humaines… Et dire que ce sont des histoires vraies…

Bruno Rivière

Le F4 Phantom, une terrible arme de guerre…
92 récits d'un pilote américain de Phantom fidèlement traduits par Frédéric Marsaly.
Pilote de Phantom
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Bruno Rivière

Reporter photographe par passion, Bruno Rivière a assuré la rédaction en chef d’Aéroports Magazine pendant près de 25 ans. Il a également enseigné le journalisme en faculté. Spécialiste du transport aérien, il a rejoint Aerobuzz en janvier 2011. Bruno Rivière réalise des reportages et des recensions de livres.

View Comments

  • J’ai piloté des Phantom au Vietnam
    @ ERC571 :
    On ne fait bien que ce qu'on aime. Si on fait la guerre, c'est qu'on n'aime pas l'ennemi... On s'accomplit donc plus en écrasant celui-ci sous des tonnes de bombes et de missiles, ou en coulant des navires de guerre, qu'en se donnant du mal pour descendre un seul avion avec un seul pilote dedans. Surtout si comme dans les conflits récents on tourne en rond dans son avion bleu à faire des hippodromes de CAP à des centaines de nautiques de l'ennemi, qui n'a aucune chance d'arriver dans le secteur (et pour se remonter le moral on suppose qu'il y aura en face un "rogue pilot" qui va franchir tout le dispositif et parvenir là où on est en train de brûler son pétrole entre deux RVTs...) et après on se retrouve avec cinq étoiles - ah ce n'était pas l'Algérie et encore moins Stalingrad....

  • J’ai piloté des Phantom au Vietnam
    Je suis actuellement entrain de lire ce livre que je trouve passionnant et simple. Quelques souvenirs similaires.
    Aux rabajois, ont ils seulement pris place dans un avion de chasse? Qu'ils essayent. Ensuite, ils pourront faire des commentaires puérils.

    Bonne année et à la chasse bordel!!!!

  • J’ai piloté des Phantom au Vietnam
    Je viens de le finir... Très bon bouquin. Drôle, prenant, joyeux, triste, passionnant, et c'est vrai, bien traduit, tout ça à la fois.

    Par contre, je comprends pas les rageux comme Balli qui viennent commenter juste pour parler des horreurs de la guerre. D'ailleurs, je comprends pas cette manie de toujours vouloir pousser des coups de gueule, quitte à être HS total ! Vous vous trompez de forum les gars ! Faut aller sur le forum "bisounours-contre-la-guerre.com", ici, y a que des passionnés d'aviation qui n'ont rien à faire de vos remarques anti-militaristes. ^^
    Par ici la sortie =>

  • J’ai piloté des Phantom au Vietnam
    Je n'ai piloté et volé comme ingénieur que dans le secteur civil mais j'ai connu beaucoup de pilotes ayant combattu en Corée, au Vietnam ou volé en temps de guerre froide ou ... de paix.

    En effet, plus qu'en France, on retrouve aux Etats Unis ces pilotes à des postes clés dans l'industrie et les compagnies aériennes.

    Il m'est arrivé plus d'une fois de réaliser au détour d'une conversation après un vol ou en marge d'une réunion que mon interlocuteur était membre de la réserve ou de la garde nationale de l'Etat et venait de passer son weekend à voler sur C5 ou A1 ou autre bête de race.

    Peu parlaient de leur vécu militaire - parfois d'anecdotes de vol mais jamais de combats - mais leur expérience militaire se retrouvait dans le pragmatisme de leur approche professionnelle civile.

  • J’ai piloté des Phantom au Vietnam
    bonjour,
    bon bouquin
    dans le même registre l'excellent livre sur Robin Olds "fighter pilot"
    et plus particulièrement sur le vietnam: "palace cobra" et "when thunder roll" ou "bury us upside down"... Certes en anglais mais l'émotion y est plus juste...
    Bon réveillon
    Bonne année
    en vous souhaitant autant d'atterrissage que de décollage...

    Clin d'oeil @ stormy et Y V
    "there are two sorts of fighter pilot, air defense pilot and those who would have loved to be... "

  • J’ai piloté des Phantom au Vietnam
    Je cherche la différence entre le dingue qui l'autre jour, a épouvanté la Planète en mitraillant ces écoliers innocents de Newtown et ce héros de mes deux et du manche à balai, aux 92 missions, qui a grosso modo, cramé, déchiqueté, pulvérisé, exterminé -- disons à la louche et par mission, juste pour amortir le kérosène, 300-500 villageois vietnamiens pris dans la folie guerrière du moment, soit dans les 30-40.000 civils à lui tout seul, qu'il ne connaissait pas le moins du monde, et qui ne l'avaient jamais emmerdé chez lui aux US...
    Ah ça y est, je viens de trouver la différence, si vous zigouillez 20 civils innocents vous êtes une ordure d'assassin voué aux gémonies et à la corde, si ça dépasse le millier vous êtes un héros qu'on félicite, qu'on valorise, qu'on médaille des plus hautes distinctions, et qu'on récompense d'une retraite avant l'heure... Comprenne qui pourra...

  • J’ai piloté des Phantom au Vietnam
    Fighter pilots make movies.
    Attack pilots make war...

    Je lirai volontiers ce livre - s'il est bien traduit (pourquoi pas ?) cela changera des publications précédentes sur le sujet, chez divers éditeurs.

    " ...des cibles au sol, parfois stratégiques (entrepôts, pistes, ponts…), parfois humaines… Et dire que ce sont des histoires vraies…"
    Qu'est-ce-que l'auteur a bien voulu faire passer comme message ?
    A quoi s'entrainait-on sur Jaguar et Mirage ?

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