L’étrange bonheur de voler

La double championne du monde de voltige aérienne, Catherine Maunoury, essaye de percer le mystère de la passion (du vol…), aidée par le théologien Jacques Arnould.

Catherine Maunoury a mis un terme à sa carrière sportive en 2000, à l’issue des championnats du monde de voltige aérienne, après avoir décroché son second titre mondial. Elle reste néanmoins très influente dans le milieu, en entraînant des compétiteurs et en suivant de près la voltige française.

Elle est ainsi passée en Corrèze, en septembre dernier, à l’occasion des championnats de France et elle n’a pas manqué, par ailleurs, d’essayer le nouveau monoplace. Elle se produit également en meeting où, saison après saison, elle peut vérifier que sa cote demeure intacte. Et à ce propos, ces admirateurs vont être comblés en découvrant le livre qu’elle vient de publier et dans lequel elle se raconte d’une manière originale et sincère.

Cet ouvrage intitulé « l’étrange bonheur de voler » est tout sauf un recueil nostalgique de souvenirs. C’est au contraire une réflexion sur le sens d’une vie animée par la passion. Il a été écris à quatre mains avec Jacques Arnould, un théologien, spécialiste au CNES des questions d’éthique. Catherine et Jacques se sont rencontrés, il y a quelques années, à Megève, à l’époque du festival aéronautique et spatial. Elle était venue pour faire un show. Il était là pour donner une conférence.

Ce livre est construit comme un dialogue, échangé au cours d’un baptême de voltige en Cap10 que donne Catherine à Jacques. Au passage, elle glisse quelques informations plus techniques. Mais là n’est pas l’essentiel. Pendant plusieurs mois, les deux auteurs se sont en réalité retrouvés une fois par semaine afin que Jacques Arnould puisse faire parler la voltigeuse.

Par petites touches, elle évoque ainsi ses émotions, les rencontres qui l’ont marquée. Elle parle de sport autant que de sa famille. Elle se livre avec beaucoup de sincérité. « En meeting, j’ai introduit une ligne particulière pour mes enfants dans ma check-list d’avant décollage. Après avoir cité, tout haut, les manœuvres vitales : essence ouverte, commandes libres, ceintures et cockpit verrouillés, etc, je les nomme. Et je termine toujours en pensant que si je me tuais, la moitié des spectateurs penserait : « Flûte, je n’ai rien vu, je tournais le dos en suçant ma glace ! ». Je me refuse absolument à toute imprudence. Pour avoir vécu de près trop de catastrophes, je ne veux pas qu’un jour, par ma faute, quelqu’un soit obligé d’annoncer à mes fils qu’ils n’ont plus de mère ».

Elle parle aussi de son ancien métier d’hôtesse de l’air. Elle a été chef de cabine sur long-courrier à Air France : « il faut avoir la tête bien sur les épaules pour ne pas se laisser aller. D’ailleurs, beaucoup de mes collègues ont chez eux une autre activité… ». Elle s’interroge sur l’intérêt de la compétition et de son investissement total pour atteindre son objectif de devenir la meilleure voltigeuse au monde. Elle se livre avec franchise. « Il m’arrive d’avoir le cœur serré en pensant au temps, non pas perdu, mais que je n’ai pas pris pour mes proches. Je pensais alors : « après… ». Je croyais que nous aurions le temps… ». Jacques Arnould l’accompagne dans son introspection.

Certains lecteurs pourront être gênés par la forme adoptée par les auteurs. Par moments, le dialogue apparaît artificiel, mais les idées résonnent toujours justes, d’autant qu’elles viennent ricocher sur nos propres existences qui pour la plupart d’entre nous sont animées par cet étrange bonheur de voler…

Gil Roy