Michel Bernard a rassemblé sur 350 pages des photos aériennes des cimetières militaires picards en passant par l’ossuaire de Douaumont, le Chemin des Dames ou la Clairière de l’Armistice de Rethondes, et bien d’autres lieux sacrés aujourd’hui passablement oubliés.
À la découverte de ce beau livre, on pourrait croire que le parti pris de l’éditeur est de publier un joli recueil de photos aériennes sur le thème de la Première Guerre mondiale. Il est vrai qu’eu égard à la souffrance des hommes, la campagne française, des plaines des Flandres aux montagnes des Vosges, regorge de vestiges et de monuments commémoratifs de cette poignante et sordide période de l’Histoire de France dont on a décidé avec juste raison de célébrer le centenaire. « Ce centenaire nous invite à prendre de la hauteur » souligne l’auteur, Michel Bernard, par ailleurs sous-préfet de la Marne.
Alors, de ce point de vue, point de surprise. Voilà un joli recueil de photos pleines pages, des cimetières militaires picards en passant par l’ossuaire de Douaumont, le Chemin des Dames ou la Clairière de l’Armistice de Rethondes, et bien d’autres lieux sacrés aujourd’hui passablement oubliés (Malmédy, l’Hartmannswillerkopf…). Elles sont magnifiques, ces vues, toutes empruntes de retenue, de respect, que dis-je, de recueillement. Car point d’éclairage estival, de luminosité éblouissante, de contraste tapageur, place aux couleurs tendres de l’automne ou du printemps, voire aux frimas de l’hiver. Comme par déférence envers ceux qui ont versé leur sang dans la douleur pour préserver la France de l’envahisseur belliqueux.
Ces gravures, toutefois ne constituent pas à elles seule l’envoûtement que suscite cet ouvrage de 352 pages au format 23 x 30. Le texte est important, primordial même. Fort bien écrit, avec une grande réserve, il décrit la réalité, celle de l’état-major comme celle des troupiers, tantôt massacrés, tantôt pataugeant dans le cloaque de tranchées putrides, il invite le lecteur à ne plus jouer de la distanciation du temps qui a passé, mais à compatir devant une atrocité quotidienne, omniprésente, étouffante… Ces lignes sont véritablement poignantes, et je défie quiconque de ne pas repenser à ce déjà lointain, ou si proche encore, aïeul qui y laissa sa vie, son intégrité physique, ou simplement a eu la chance inouïe, insolente, peut-être même obscène, de survivre à cette horreur.
Ce volume, voulu par la DMPA, la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du Secrétariat général à l’Administration du ministère de la Défense et des anciens combattants, est un hommage déférent et respectueux au million et quelques 400 000 « Poilus » morts pour la France lors de la campagne contre l’Allemagne en Europe. Voilà un magnifique support au souvenir, qui ne doit pas mourir, au devoir de mémoire, mais attention, il faut le mériter…
Jean Molveau
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