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Culture Aéro

Michael Gisselere : « Une des rares séquences où j’ai ressenti quelquechose  »

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Jérôme Bonnard

Un nuit inoubliable à l’opéra Garnier. Michael Gisselere a réalisé cet incroyable plan en contre-plongée pour filmer de près l’œuvre de Marc Chagall située sur le plafond de la grande salle. Une image qu’aucun autre drone n’était capable de réaliser à l’époque…

« La séquence se déroule à partir de 1 mètre du sol jusqu’à environ 30 mètres de hauteur… Elle a été réalisée entre 22H et 8H du matin… Il fallait approcher au plus près le plafond décoré par Marc Chagall tout en gardant ses distances » nous raconte Mickael Gisselere, réalisateur et cofondateur de Freeway drone. « C’est un tournage mémorable, un moment magique, mais ce n’était pas gagné d’avance ! »

Outre le défi technique, cette séquence a marqué un tournant dans la carrière de Michael, Chef opérateur depuis toujours, et devenu réalisateur d’images aériennes il y a une dizaine d’années lorsque le drone commence à se démocratiser…

A l’époque Michael Gisselere est contacté par une autre société de production qui prépare un documentaire pour la chaîne ARTE sur le célèbre peintre russe Marc Changall.

« Ils voulaient un plan en contre plongée différent des autres, c’est-à-dire non filmé du sol… Ils nous ont demandé s’il était possible de le réaliser en prise de vue aérienne… »

Un défi technique puisque aucun drone n’était conçu pour réaliser ce genre d’image. La nacelle et la caméra étant positionnées sous l’aéronef, la prise de vue en contre plongée n’est pas possible. « Le pari n’était pas gagné et au départ je n’ai rien promis » précise Michael Gisselere,

Sur la base d’un drone DJI S800, Michael et son équipe se sont mis au travail pour inventer un système et concevoir un drone prototype. « Il fallait mettre une nacelle sur le drone et non en-dessous comme pour un engin classique », explique Michael, « Mais un drone n’étant pas conçu pour ça, cela pose un problème d’inertie, le poids de la nacelle au-dessus le fait dévier et tourner sur lui-même… »

L’équipe a fabriqué une nacelle sur 3 axes capable de stabiliser et diriger un appareil photo (et vidéo) Sony NEX7. « C’était du pur bricolage, nous avons sur chaque axe placé 3 petits moteurs Brushless, il y avait des fils qui dépassaient de partout. »

Les essais en vol ont fini par débuter, loin d’être convaincants… « Le drone tombait tout le temps, il fallait trouver le bon point d’inertie, le bon équilibre poids-portance aussi. » Une dizaine de crashs plus tard, soit au bout de trois semaines, « on a commencé à avoir des résultats. Mais il y avait une autre problématique à résoudre, lorsque la caméra est en mouvement, elle déstabilise le drone… »

L’équipe a finalement mis au point le système avec succès au bout d’un mois… Il fallait maintenant convaincre les dirigeants de l’Opéra Garnier… L’équipe du film et les responsables se sont réunis pour une réunion qui restera, elle aussi, gravée dans les souvenirs de Michael pour tournage inédit…

« Il y avait là toute la direction de l’Opéra, leurs avocats, les représentants des assurances… Ce fut un véritable interrogatoire ! Ils voulaient tout savoir, et s’inquiétaient légitiment du fait qu’un drone bricolé vole si proche de l’œuvre de Marc Chagall dont la valeur est inestimable. Il fallait les rassurer sur tout ! »

Le réalisateur a trouvé les mots juste pour rassurer, alors que les réalisations de prise de vue par drone n’en étaient qu’à leurs débuts en 2014… « Au moindre problème, on coupe les moteurs et le drone retombe sur les sièges. »

L’équipe prévoyait de faire évoluer le drone par paliers progressifs, par tranche de 5 mètres, sans s’approcher à moins de cinq mètres de l’œuvre. « Je me souviens de leur dernière question : « et si le pilote éternue lorsque vous êtes proche de l’œuvre ? » J’ai répondu : « nos pilotes n’éternuent jamais pendant le vol, c’est soit avant, soit après ! » Nous avons conclu comme cela avec humour et j’ai senti que c’était gagné ! »

La baie d'along au Vietnam. tournage promotionnel pour le croisiériste Ponant. © Michael Gisselere / Freeway Drone
Le château de Chantilly sur un tournage pour "Des Racines et des Ailes". © Michael Gisselere / Freeway Drone
Coucher de soleil derrière l'Arc de Triomphe. Michael est habitué à filmer Paris avec créativité et talent notamment lors du Tour de France... © Michael Gisselere / Freeway Drone
Pionnier. Pour les images du Tour de France, Michael Gisselere utilise aujourd’hui ce drone de Free Fly avec une nacelle caméra au dessus. Il a été développé deux ans après le tournage de l’Opéra Garnier… © Michael Gisselere / Freeway Dronemore
Toujours très concentré sur l'image, Michel compte sur ses collaborateurs en particulier le télépilote du drone
Notre-Dame après l'incendie. Michael avait filmé l'édifice pendant plus d'un an afin de suivre les différentes étapes de la restauration pour l'émission "Des Racines et des Ailes". © Michael Gisselere / Freeway Drone more
Dans la cathédrale de Reims pour un tournage délicat à l'instar de l'Opéra Garnier... © Michael Gisselere / Freeway Drone

« On a commencé doucement, 10, 15, 20 mètres… ». Alourdi par la nacelle au-dessus, le drone pesait 9 kilos et l’autonomie de vol ne dépassait pas les 6 minutes… Une longue nuit de tournage sans le droit à l’erreur : « nous n’avions qu’un seul drone, pas de backup mais seulement des accessoires de rechanges (hélices, batteries) »

L’équipe de l’Opéra Garnier est venue les 30 premières minutes, « puis ils nous ont laissé travailler toute la nuit… Il y avait seulement un agent de sécurité… »

« Il n’y avait pas de cahier des charges ou de scénario, mais des plans écrits sur ce que le drone doit filmer, comment et où…  Le but final était d’arriver à l’œuvre et la montrer avec du détail. »

Michael nous confie ainsi que lors d’un tel tournage, l’improvisation est possible. « On progresse lentement et on voit le rendu en direct sur différents axes. On découvre sur place, on voit et on avise… »

Chaque tournage se fait en binôme avec un cadreur et un télépilote. Le premier oriente la caméra à 360° avec une télécommande et dispose d’un retour de ses images sur un écran, le second dirige l’engin à distance. « Il faut forcément penser à la chute mais l’engin dispose de 8 moteurs. Les risques sont écartés ».

Lors de cette longue nuit de tournage, Michael Gisselere a pris parfois les commandes. « Nous avons alterné à cause de la fatigue. En cumulé le drone a volé plus de 3 heures. » Au petit matin, le réalisateur du documentaire d’ARTE souhaitait un dernier plan non prévu. Une grande traversée de la sale de l’Opéra en plan large pour voir tous les lustres. « Mais j’ai refusé », précise Michael, « nous étions fatigués, c’était trop étroit, nous étions moins concentrés… » 

Être professionnel, c’est aussi savoir renoncer…

Jérôme Bonnard

 

Michael Gisselere

 

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Jérôme Bonnard

Journaliste polyvalent, à la fois rédacteur et vidéaste, Jérôme a couvert tous types d'actualités pour la télévision en France comme à l'étranger et a été co-finaliste du Prix Albert Londres en 2012 pour sa couverture du conflit Libyen. Il est passionné par tout ce qui vole depuis son plus jeune âge et pilote sur ULM 3 axes. Il écrit pour Aerobuzz.fr depuis 2018, et co-anime la nouvelle émission JumpSeat sur Twitch, il travaille sur des nouveaux médias et enseigne le reportage vidéo en écoles de journalisme.

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