Pas de confidence, mais un documentaire à voir sur le Rafale

La chaine Planète+ diffuse, le 2 juin 2013, à 20h45, « Rafale confiedntial », un documentaire de 52 minutes de Grégory Le Moigne, produit par Galaxie Presse, sur le Rafale. Salon du Bourget oblige.

Ce film, raconte chronologiquement l’histoire du Rafale, depuis l’idée et les premières esquisses, les décisions politiques et les choix technologiques, en passant par les vols d’essais, les évolutions, la mise en service, jusqu’au développement opérationnel contemporain.

Des ingénieurs et des pilotes, auxquels le Rafale doit beaucoup, mais aussi des politiques qui ont soutenu le projet, des militaires qui l’ont voulu, et des experts qui, parfois, se sont montrés critiques évoqueront le Rafale avec leurs différents points de vue. On apprendra pourquoi et comment les choix technologiques ont été effectués.

L’histoire d’un avion de guerre est toujours intimement liée à la marche du monde, chamboulée depuis les années 80, entre empires écroulés, nouvelles donnes internationales et alternances politiques en France. Tout cela influa sur la genèse du Rafale qui, plus qu’une commande d’état, fut d’abord une volonté industrielle et un défi humain.

Vraiment Grégory Le Moigne, le talentueux réalisateur, inspiré par l’aéronautique, qui, pour les avions et leurs hommes, a abandonné le théâtre pour un monde où l’adrénaline coule plus dru, vient de changer de registre.

Dans ses premiers films consacrés à la Patrouille Breitling, le point central était l’amicale virilité d’une équipe de pilotes entrainés par un leader charismatique pour atteindre la présentation de shows parfaits. Puis il revisita le mythe du Super Constellation en lui donnant la parole, comme à une star à toutes les étapes de sa vie ; Planète + vous l’a fait connaître il y a peu.

« Rafale confidential » (52 minutes) est d’un nouveau genre : du sérieux, du solide ; on croit parfois suivre l’émission « Le dessous des cartes », puis une enquête d’Arte. Il y néanmoins plusieurs aspects qui me surprennent ; le titre tout d’abord qui évoque le thriller californien avec le rôle trouble d’une blonde patinée ; or il n’y a ni secrets ni femmes dans le film. Par contre il y a une évocation structurée du contexte géopolitique et stratégique des trente années qui ont été à l’origine du projet Rafale, après l’éclatement du projet d’avion de chasse européen.

Comme dans les enquêtes bien menées les principaux acteurs témoignent à chaque étape importante : notamment, Bruno Revellin-Falcoz, Jean-Claude Hironde, Guy Mitaux- Mourouard et Yves Kerhervé et Jean Calmant. Parfois le sérieux de l’exposé laisse heureusement la place à la spontanéité de l’enregistrement, quand Yves Kerhervé répète « Allez mon coco » lors du tout premier appontage du Rafale, ou quand Guy Mitaux-Mourouard précise que pour un avion de chasse le bon moteur est celui « qui se fait oublier ». Mais on a tout de même un peu l’impression d’un film corporate plus que d’un film d’auteur. Or le producteur m’a assuré que ce n’était pas le cas et que Grégory était totalement maître du jeu.

J’ai été un peu gêné par deux partis-pris de montage : l’extrême brièveté de nombreuses séquences, certaines ne dépassent pas la seconde, et l’emploi trop fréquent de deux images différentes sur le même écran. C’est peut-être une réaction due à mon âge et les jeunes générations shootées aux jeux vidéo se sentiront plus à leur aise.

Certaines vues sont d’une netteté stupéfiante, notamment les avions vus de face. D’autres sont fort belles comme celle de la première approche du pont du Clémenceau. D’autres sont rares comme ces photographies de Marcel Dassault jeune. Un moment fort instructif est celui où l’on constate qu’entre le prototype blanc et l’avion suivant toutes les pièces extérieures ont été repensée et modifiées pour les besoins de la furtivité. L’image radar du Rafale vu de face est équivalente à celle d’un moineau ! Toutefois il est un peu dommage qu’avec un commentaire sur l’intervention en Lybie, on montre des images de Rafales survolant la verte campagne française.

Jean Ponsignon

Rappel de la chronologie du programme Rafale

• 21 avril 1988 : lancement du programme, notification du développement à Dassault (5 appareils de développement, 3 Air [C01, C02 , B01] et 2 Marine [M01 et M02]).
• 1991 : suite à la guerre du Golfe, l’armée de l’Air veut plus de biplaces (60 %) que de monoplaces.
• 1991 : abandon du Rafale C 02 ; réduction à 4 appareils de développement.
• 1991, 19 mai : premier vol du premier prototype, le Rafale C01 (suivi du M01, du B01 et du M02 entre 1991 et 1993).
• 23 décembre 1992 : contrat d’industrialisation cellule et moteurs.
• 1992 : besoin français chiffré à 320 appareils (234 pour l’armée de l’Air (139 biplaces et 95 monoplaces) et 86 monoplaces pour la Marine – Coût 170 Mds de F de 1992.
• 1994 : commande des 13 premiers avions (essentiellement pour la Marine).
• Novembre 1995 : Suspension du programme Rafale (suite à contraction des budgets de la Défense).
• Avril 1996 : suspension de la production.
• 1996 : réduction à 60 exemplaires pour la Marine.
• 22 janvier 1997 : Accord pour une commande de 48 avions (1997 – 2002) et réduction de 10 % du prix du programme.
• Janvier 1999 : Commande ferme de 28 avions et 20 en options à livrer entre 2002 et 2007.
• 2001 : qualification standard F1 (air-air).
• Juillet 2004 : première flottille Rafale Marine opérationnelle (12F, à Landivisiau).
• Commande du 6 décembre 2004 : 59 Rafale : 12 Marine, 36 Air monoplace et 11 Air biplace au standard F3 (livraison 2008 à 2012).
• Fin 2005 : le standard F2 (air-air + air-sol) est qualifié.
• Juin 2006 : premier escadron Rafale Air opérationnel (1/7 Provence, à Saint-Dizier).
• En 2006, 8 avions sont annulés pour financer des développements intéressant l’export, avec réaménagement du calendrier.
• Première mission de combat : Rafale Marine, Afghanistan, 28 mars 2007.
• Juillet 2008 : qualification du standard F3 (F3 = F2 + reco + ASMP-A + Exocet).
• Mars 2009 : deuxième escadron Rafale Air opérationnel (1/91 Gascogne, à Saint-Dizier).
• Décembre 2009 : commande de 60 Rafale par la France, à livrer à partir de 2013.
• Mars 2011 : opérations en Libye : le Rafale intervient « en premier » sur Benghazi. La campagne est l’occasion de démontrer la polyvalence, la précision et la disponibilité de l’avion.
• 31 janvier 2012 : le Rafale remporte l’appel d’offres MMRCA de l’armée de l’air indienne (126 avions).