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Culture Aéro

Sully vs NTSB

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Gil Roy

Clint Eastwood le sait mieux que n’importe quel autre réalisateur : pour réussir un film, il faut un bon et des méchants. Dans « Sully », son dernier film, le bon est évidemment le pilote qui a réussi à poser l’A320 d’US Airways sur l’Hudson River avec 155 passagers et membres d’équipage à bord. Quant aux méchants, ce sont les enquêteurs du NTSB… Dommage pour eux !

Nous nous souvenons tous comment se termine l’histoire et pourtant, le suspense fonctionne jusqu’au dernier plan. La reconstitution de l’accident est, d’une certaine façon, rapidement évacuée et de manière sobre. Elle donne lieu à une séquence spectaculaire bien que l’essentiel soit ailleurs. Clint Eastwood ne raconte pas un crash sans mort, mais une enquête.

Dès l’entrée en scène de l’enquêteur en chef du NTSB, le drame prend forme et tout au long du film, le sentiment d’injustice grossit jusqu’à devenir insupportable. Alors que les chauffeurs de taxi new-yorkais immigrés, les barmen et les employées d’hôtel, autrement dit, les petites gens chères au cœur d’Eastwood, ont trouvé leur héros, le système se met en action pour broyer le pilote.

L’audition publique de Sully et de son copilote par la commission d’enquête est de ces moments de bravoure qui font les bons films. En visioconférence depuis Toulouse, les ingénieurs d’Airbus démontrent que Chesley B. Sullenberger, même privé de ses deux moteurs, aurait pu ramener son avion, sur la piste de LaGuardia, où se dérouter sur Teterboro. Le réalisateur installe le doute. Acculé, Sully abat ses cartes une à une et prend sa revanche. On se retient d’applaudir.

Lors des premières projections, l’agence fédérale de la sécurité aérienne a publiquement dénoncé le rôle de méchant que lui a fait endosser le réalisateur. Le rictus complice de l’enquêteur en chef adressé au Captain, en guise d’excuse finale, n’a pas aidé le NTSB à avaler la pilule.

Les collègues américains du BEA peuvent se dire qu’après tout, « Sully » n’est qu’un film. Un bon film qui raconte, à la manière de Clint Eastwood, une histoire vraie… à quelques détails près !

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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  • Le vol à voile est une étape capitale dans la vie d'un pilote. Ceux qui ont eu la chance ou le bonheur de le pratiquer le savent et pour ceux qui ne le savent pas encore n'hésitez pas pratiquez le. Cette discipline transformera à vie votre jugement et votre expérience de pilote.Ainsi elle augmentera grandement vos capacités de décision à "piloter sans moteur et sans stress" y compris sur un gros. Quoiqu'on dise ou qu'on pense l'expérience, l'oeil, le réflexe du vélivole auront probablement apporté des éléments supplémentaires quant à l'analyse rapide de la situation, terrain, altitude, finesse etc...par le CDB et de précieuses secondes auront alors été gagnées qui ont permis de mieux gérer la préparation jusqu'à l'amerrissage. Non négligeable sera le facteur chance qui fut aussi de la partie.

  • Sauf à vouloir faire du bashing contre les pilotes d'Air France, il est extrêmement injuste de comparer le cas très complexe du Rio-Paris au cas bien plus simple de l'Hudson-River.
    La panne des deux moteurs laissait au Captain "Sully" un panneau d'instruments intègres : vitesse, altitude, vario, etc, tout ce qui était présenté était valable : l'inverse du Rio-Paris.
    La panne bien identifiable, le procédure en découlant évidente, la décision tout aussi évidente, et le reste du pilotage de base pour une médiatisation en un formidable cas spectaculaire ...

    • Salut Anenometrix,
      Comme tu le dis , il n y a aucunne comparaison a faire entre ces deux evenements.
      Dans le premier triste cas, le FBW a peut etre tue,
      dans le second heureux cas le FWB a peut etre sauve.
      Si l equipage du Rio Paris avait eu par exemple un 737 a commandes classiques il serait peut etre encore en vie.
      Par contre, si Sully avait eu ce meme 737 a commandes classiques, pas si sur que son amerissage se finisse aussi bien, sans blesses ou quelques morts..
      Ce qui est bien montre dans le film, c est ce petit temps de reflexion que le cdb se donne pour prendre une bonne decision ou repondre au controle, mais aussi adapter la procedure a l urgence non standar/conforme au manuel.. comme allumer l apu pour la generation electrique sans suivre la check list. Et ca c est relativement pro.
      Il me semble que dans un precedant cas de double extinction d un A 320 en montee initiale, a Tarbes, je ne sais plus l annee, l avion etait plus haut et en Imc, mais avait faillit perdre la generation hydraulique avec une vitesse trop faible lors des rallumages.
      Pour le temps de reflexion, combien de pilotes se sont trompe de moteur en cas de panne ou de feu moteur et eteignant le bon qui marche?? Recemment a l Atr a Tapei par exemple.
      Alors jeter la pierre est biensur facile quand tout s est bien passe ou quand on est bien loin de ces situations dans le quotidien.
      L histoire des ingenieurs/pilotes qui refont 17 fois la manoeuvre avant de prouver que c etait possible de revenir sur un terrain, m a bien fait rigoler aussi.
      C est un peu comme ces intructeurs qui vous font des pannes auxquelles ils reagissent avant meme de les provoquer..Tellement habitues de les pratiquer tout le temps que le jour ou cela devient reel, ils se plantent eux aussi..Sourire. Eh oui, rien n est jamais si sur..

      • Salut Anenometrix
        Je te remercie pour ta reponse, j apprends des choses sur ce materiel.
        Quand je parlais du FBW qui tue ou qui sauve, je pensais surtout a sa capacite a garder le maximum d incidence sans decrocher lors de l arrondi par exemple, comme dans le cas du 320 a Hambsheim et ce cas de l amerissage sur l Hudson.
        Je pense que dans ces deux cas, cela a permis un contact avec la foret ou l eau, bien plus facile qu avec un avion a commandes classiques qui finit bien souvent par decrocher ou basculer sur une aile par un exces d action a cabrer du pilote qui instinctivement va refuser le sol et le contact en cas de crash landing..
        Et inversement, pour le cas du Rio Paris, ou un avion a commandes classique (equilibre stable, empenage deporteur), aurait fait une abattee et ne serait pas reste "nez haut"(comme un FBW, equilibre instable, empenage porteur), ce qui aurait pu faire comprendre au pilote ce qui ce passait et ainsi reprendre le controle.
        Encore une fois, le fait que la logique FBW Airbus cache a l equipage certaines informations vitales comme l incidence est plutot lamentable a mon point de vue.
        Apparemment Boeing a une toute autre ethique et logique sur ses FBW.
        L ergonomie des tableaux de bord et des signalisations, on l a vu aussi avec le cas du Mont St Odile, sont souvent inadaptees.
        Un altimetre analogique qui "devisse" comme une horloge, attire bien plus l attention qu une petite colonne de chiffres qui defile dans un coin d ecran..
        Mais c est vrai que nos chers ingenieurs sont plus "forts" que nos pilotes, et qu ils ont une longue experience de vol derriere eux.. J oubliais ;))

      • Saut Porco Rosso,
        En cas de panne électrique démarrer l'APU est un réflexe naturel ... enfin, je l'espère !
        Ecenser l'un, dégommer l'autre ... modérer l'un et l'autre !

        Ce que reproche le NTSB au captain "Sully" c'est de ne pas avoir respecté la procédure d'amerrissage, qui demande de le faire Volets 3 et d'avoir décidé de poser Volets 2. Au résultat de quoi, une vitesse plus élevée a entrainé un impact fort et des dommages structuraux : l'eau est entré dans la queue.
        On retrouve ce type de décision "impromptue" dans le crash du B777 à LHR, où le captain a rentré un cran de volets pour tenter de se rallonger : cela n'a pas apporté grand-chose (de mémoire 52 m), l'avion se serait posé dans l'enceinte de toute façon, mais le risque de décrochage (la vitesse étant déjà à l'agonie) était considérable.
        Après avoir été le héros des médias, le captain fut licencié.
        (qqs années de chômage plus loin, les syndicats obtinrent sa ré-intégration)

        Quant à la décision de captain Sully, les avions modernes sont équipés d'un système qui présente sur l'écran de navigation, le ND, un arc de cercle matérialisant le point d'aboutissement du vol.
        Tout ce qui est avant est accessible, tout ce qui est après ne l'est pas.

        Cet A320 est resté en Normal Law, tous les instruments (PFD) donnaient des indications correctes, toutes les protections de l'enveloppe de vol étaient actives.

        Tout les systèmes qui ont pêché sur l'AF447 ont fonctionné sur l'Hudson River ensoleillée, en faisant du pain béni pour les médias et pour le cinéma.

  • En Aéronautique sous ISO 9000 on cherche à faire précis, concis et sans implicites.
    Et bien la procédure Airbus en cas d’Amerrissage était trop longue, car n’étant pas arrivé au bout, l’équipage n’a pu fermer la vanne de régulation de la pressurisation qui se trouve derrière la porte arrière et c’est la raison de l’enfoncement de la queue dans l’Hudson.
    Vraisemblablement la procédure aura été revue.
    Il faut rappeler que Sully n’était pas un Pilote de l’Année, il avait été pilote de Phantom au Viet Nam et aurait été Instructeur de Planeur.
    Pour avoir travaillé à l’allègement des blindages entre les moteurs et les réservoirs de Concorde et tiré des aubes avec les canons du CEAT lançant des oiseaux sur les structures des avions autres que les réacteurs car ils étaient réalisés à Saclay ; de mémoire, en discutant avec l’équipe, il y avait deux types de tirs de certification, un groupe d’oiseaux « légers » et le lancement d’un oiseau « lourd ».
    En remarque, ils m’ont indiqué que le volatil le plus dangereux était l’Oie du Canada qui elle vole à 3 000 mètres au-dessus du « relief » de ce fait c’est un oiseau très musclé et redoutable car son poids devait être de mémoire de l’ordre de 4 kg. Les aubes étaient lancées à 250 m/s, par contre les oiseaux ?.
    Pour la petite histoire, dans la phase de développement, les oiseaux étaient lancés morts, mais dans la phase de certification, les oiseaux était seulement endormis, car le sang pouvait transformer les phénomènes de viscosité et de glissement puis de combustion dans la partie chaude du réacteur.
    Pour ma part, considérant le calme de l’Equipage, je pense que « Sully » ayant déjà constaté la présence en nombres de gros oiseaux à la Giardia, il avait certainement réfléchi ( ou son subconscient ) au cas qu’il a vécu ensuite, de ce fait la solution qu’il a choisi était finalement la plus évidente et il n’a donc pas tergiversé et il a pu soigner son amerrissage en ayant plus de temps et d’énergie potentielle que si cette manouvre n’avait été que contrainte.
    Les facteurs humains, toujours les facteurs humains !!

    • Gérard,

      Merci pour ce rappel sur les essais et tests de certification.

      Concernant l'importance pour le pilote d'être préparé et prêt, c'est pour cela que l'industrie - et votre serviteur - consacre de nombreux efforts à la diffusion d'information du type "safety / risk awareness" (conscience du risque), que l'on résume parfois sous l'appellation "being aware to be mentally prepared" (être conscient d'un risque pour y être mieux préparé mentalement).

      C'est ainsi que le pilote de l'A300B de Bagdad s'est souvenu de ce qu'il avait lu et vu sur l'accident du DC10 de Sioux City et a rapidement essayé - et avec succès - de piloter son avion en jouant sur la poussée (symétrique ou différentielle) de ses réacteurs.

      En effet, ce qu'on lit se loge dans une case de notre mémoire prêt à en resortir a bon escient le jour venu.

  • Pour moi ce type a ramené tout le monde sain et sauf; quelle que soit la maniére: pas de mort ,pas de blessé: c'est une réussite.Bien malin est celui qui "y a qu'à , faut qu'on" .... aurait fait différemment. On était pas à sa place et ce qu'il a fait , c'est parceque en tant que patron à bord ,il fait un choix: SON choix...et il se trouve que c'était le bon... C'est toujours facile de déblatérer aprés. C'est vrai ,quelqu’un l'a dit , c'était un pilote militaire qui avait fait du vol à voile( tout comme le pilote canadien ,ex vélivole qui a posé il y a des années son 757 en panne de jus sur un terrain désaffecté parceque quelqu'un a confondu les unités)...
    Je ne suis pas sur que de jeunes pilotes qui sont farcis de simu (seulement) réagissent comme lui actuellement.... à débattre.

    • Il est vrai que l'accident du Rio-Paris est édifiant sur ce qu'était la formation des Pilotes d'Air France et surtout ahurissant que le SNPL ne veuille surtout pas de Pilote Militaire que du sang pur, de l'ENAC et rien d'autre.
      Des fois qu'il sache piloter, sortir d'un banal décrochage a plat, même pas engagé, éventuellement ne pas être déconcerté par un vol sur le dos et surtout ne pas aller se foutre dans un orage tropical, puis dans le coffin corner !!.
      Faisant de la régate en équipage, lorsqu'il y a "une merde" un seul doit s'en occuper et les autres doivent faire marcher le voilier de tradition. C'était pas le cas dans le Rio-Paris, donc également aucune formation sur les Facteurs Humains !!.
      Edifiant, depuis le pilotage de Planeur a été réintroduit dans la formation Air France et l'Armée de L'air a créer la formation directement à Salon.
      Dommage qu'il faille 300 morts pour revenir au bon sens et aux fondamentaux du vol !!.

      • Gerard, tu connais le cursus et l'expérience du copi aux commandes du Rio? T'as déjà remorqué en Pawnee? T'es sûr que les militaires sont considérés meilleurs que d'autres ? T'es au courant que depuis le Rio, de nouvelles procédures sont apparues pour reprendre le contrôle de l'avion aux systèmes de protection? Tu sais comment s'est terminé l'essai de décrochage haute altitude par Airbus?

      • Est il concevable de laisser partir des avions avec des sondés défectueuse ?partirez vous sur une route sinueuse de montagne avec une voiture dont la direction est défectueuse?le pouvoir de l argent!!!!!!!!
        A Air France il n y a pas que l enac ,

  • J'ai vu et apprécié le film mais qu'en est il réellement ? Le Captain Sully a-t-il été traité comme on le décrit ? Si oui je vais perdre toute considération pour le NTSB et me méfier des conclusions du BEA dans d'autres affaires !

  • La panne des deux réacteurs est gravissime.
    Un temps radieux, pas d'autre choix que cette immense étendue d'eau plate et les télévisions à l'arrivée : tout pour faire un bon sujet !
    Si on prend 1000 pilotes, 999 n'auront pas d'autre choix que de faire la même chose pour le même résultat. Je dirais un choix contraint.
    Du vent, de la pluie, un plafond bas et pour la même panne un destin catastrophique.
    Comparer cet évènement à d'autres catastrophes aériennes considérablement plus complexes n'est pas équilibré.

    • Et on n'a même pas le Bourget en data-base au décollage de CDG (BT 6,8 PGS), ni de fond de carte avec les rivières ou autres piste de secours.

  • La morale de l'histoire est exemplaire: ce n'est pas chez nous qu'une administration accepterait, mise devant le fait accompli, de reconnaitre qu'elle s'est trompée et de faire publiquement son mea culpa.
    Vive la culture Anglo-saxonne où le rapport de force entre administrés et autorités est loyal et "fair" contrairement au fait qu'il est léonin et Particulierement inégal et injuste ici!
    Film magnifique qui Donne en plus à penser et à méditer sur le sujet. Une réussite totale.
    Je m' y étais précipité la veille de mon départ pour Anchorage, Je retourne le voir dès mon retour d'Alaska, un vrai paradis d'aviateur said, Même en hover

  • Faut surtout aussi un ciel dégagé, parce qu'avec 8/8, c'est pas avec la cartographie de bord qu'il aurait trouvé l'Hudson...

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