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Débat et opinion

Voitures volantes : est-il permis de rêver ?

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Maxence Lahaye

Tarrafugia, Zee.Aero, Aeromobil ou encore Ehang, les projets de voitures volantes se multiplient. Maxence Lahaye, consultant aéronautique, spatial et défense chez Alcimed (société de conseil en innovation et développement de nouveaux marchés) propose un tour d’horizon au moment où des industriels de premier plan comme Airbus, Toyota ou Google s’intéressent au sujet. 

Les voitures volantes passionnent l’imaginaire collectif depuis plus d’une centaine d’années, avec des concepts tous plus fous les uns que les autres. Les années qui viennent de passer ne sont pas en reste, mais elles marqueront certainement un tournant avec l’arrivée sur la scène de poids lourds comme Airbus, Google ou Toyota. Le concept a certes gagné en maturité, mais ce n’est certainement qu’à long terme que ce marché se mettra vraiment en place.

Un marché beaucoup trop contraint pour l’instant

A court terme, seules les applications particulières (sport, militaire, brousse…) pourront vraiment se vendre au-delà de quelques exemplaires. La limitation viendra d’abord de la règlementation : les débuts difficiles des drones ont montré à tout le monde qu’il ne fallait jamais la sous-estimer, et la plupart des constructeurs visent logiquement la catégorie LSA (Light Sport Aircraft, équivalent de l’ULM), moins contraignante mais qui implique une cure d’amaigrissement drastique. L’inventeur de renom Deszo Molnar recommande même de se limiter à trois roues pour profiter d’une règlementation routière assouplie.

Ensuite, ces engins seront contraints de se déplacer vers des surfaces adaptées pour pouvoir y décoller, ce qui limite l’intérêt en zone urbanisée car il n’y existe que très peu d’aérosurfaces accessibles. Décoller depuis une autoroute tient plus du fantasme que de la réalité, et il faudra des années avant de construire un réseau adapté.

Et enfin, les prix seront prohibitifs : plusieurs centaines de milliers d’euros pièce, sans compter le prix de la formation que les automatismes ne pourront pas vous éviter. Comme souvent, les pionniers seront donc les militaires et les sportifs : Vaylon avec Pégase et Maverick de Beyond Roads semblent notamment promis à un certain succès chez les militaires ou dans des zones difficiles comme l’Afrique, avec leurs buggies à structure tubulaire rattachés à des voiles de parapente. Ces engins, déjà utilisés dans le monde du sport dans les déserts, se révèlent particulièrement efficaces en terrain difficile.

Vous l’aurez un jour, vous l’aurez

A plus long terme, l’horizon s’éclaircit, à commencer par la question règlementaire : si la règlementation automobile restera difficile à contourner, la règlementation aéronautique a montré qu’elle savait s’adapter au contexte opérationnel de nouveaux entrants, comme elle l’a fait avec les drones. Preuve de cette ouverture d’esprit, la FAA a autorisé Terrafugia fin juin à lancer un processus de certification en catégorie LSA alors que leur voiture dépassait le poids maximal autorisé.

On peut donc s’attendre à ce qu’une règlementation plus adaptée permette d’ici cinq à dix ans de construire des voitures plus évoluées : plus de confort, plus de puissance, plus de passagers. Beaucoup de capacités opérationnelles, comme l’automatisation et l’insertion dans l’espace urbain, auront d’ailleurs gagné en maturité grâce au développement de l’industrie des drones.

Viennent ensuite les éternelles questions : des ailes ou un rotor ? Décollage horizontal ou vertical ? En réalité, il y aura certainement de la place pour tous ces concepts car ils seront utilisés dans des environnements très différents, tout comme on pourrait prendre un deux-roues pour traverser une ville ou une voiture pour passer de l’une à l’autre. En zone urbanisée dense, il faudra décoller verticalement, au besoin en utilisant des hélisurfaces à disposition, alors qu’une voiture pourvue d’ailes dépliables sera plus efficace pour parcourir des zones plus grandes et moins denses : cela permet de voler plus vite plus efficacement, et on pourra trouver des pistes de quelques centaines de mètres pour décoller ou atterrir.

Les concepts hybrides, ou convertibles, à décollage vertical et pourvus d’ailes pour la croisière, auraient de fait un avantage mais elles risqueraient de se perdre en complexité en intégrant aussi la fonction voiture. Sans cette fonction « route », ces convertibles se trouveront en concurrence frontale avec les hélicoptères, mais pourraient menacer le marché des voitures volantes avec certains modèles d’affaire.

Car la question finale est là : qui achètera ? Même en « drônisant » ces aéronefs, et donc en enlevant le coût de la formation de pilote, le prix à payer reste toujours très fort. La commercialisation de masse n’est pas réaliste et les scènes du « Cinquième Elément » resteront un fantasme, ce qui ne laisse donc, à part les clients « haut de gamme », que les sociétés de transport privé. Mais il n’est pas certain que ces sociétés ne choisissent pas plutôt un système de relais entre des voitures et des aéronefs convertibles ultralégers, le tout étant totalement automatisé ou piloté à distance pour réduire le poids à transporter : Jeff Holden, Chief Product Officer chez Uber, a déclaré fin septembre que son équipe réfléchissait à développer une offre de ce type.

Parmi les concepts qui foisonnent actuellement, peu verront donc le jour, et encore moins d’ici deux ou trois ans. Au-delà du rêve, le potentiel reste bien réel, comme en témoignent l’intérêt et le soutien de grands noms industriels (Airbus, Toyota, Larry Page…) ou institutionnels : le concept est porteur de valeur, passionne les têtes bien faites, et devrait donc aboutir. La forme qu’il prendra dépendra du modèle d’affaire impulsé par les sociétés qui opèreront les flottes de ces appareils : de quoi rapprocher opérateurs et constructeurs, voire brouiller les frontières entre les deux types d’acteurs !

Maxence Lahaye

Alcimed

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Maxence Lahaye

View Comments

  • Bonjour,

    Moltobaleze n'était pas en forme, son commentaire "claque comme un coup de tonnerre"!

    Pour ma part l'article de Maxence Lahaye est à prendre en compte sous un prisme différent http://www.usinenouvelle.com/article/tribune-pourquoi-les-voitures-volantes-ont-de-l-avenir.N452932

    Alcimed est à l'aéronautique ce que la boisson Actimel est au yaourt, une solution pour faire vendre un produit déjà existant mais avec un petit plus marketing: probiotique pour l'aéronautique?

    Sans revenir sur certains vieux articles de Popular Mechanics, sur la révolution des années 70 et de l'hélicoptère pour tous devant sa propre maison, il faut saluer le travail d'Alcimed: comment rendre la vue à Airbus? vaste programme avec l'E-FAN(é).

    Il faut bien comprendre que dans le domaine R&D, l'aéronautique n'a rien à voir avec les belles histoires de la Silicon Valley.

    Un surdoué qui bricole au fond d'un garage et qui rencontre un homme d'affaire,pour vendre un produit novateur sur le plan mondial, cela n'existe pas en France.

    Nous avons des ingénieurs de talent, mais ils ne sont pas aidés. Imaginons Tryphon Tournesol (cousin belge) qui frappe à la porte des grands acteurs du monde aéronautique en 2017 pour présenter son brevet de moteur atomique.Il n'aurait pas la moindre chance, même pas la chance d'être recruté comme agent d'entretien.

    En France pas de rupture technologique pour avancer mais bien un frein à l'innovation...c'est voulu.
    Dans chaque grande société il devrait avoir une cellule de "veille technologique", qui scrute "le net" pour dénicher les nouveaux talents.

    La France est au point mort et va bientôt passer la marche arrière. Si un jour Google met sur le marché une nouvelle technologie liée à l'aviation, nous serons des spectateurs!

    Les grands groupes ont un quasi monopole sur les subventions (sans parler des montants ubuesques), sans grands résultats. Certaines PME ou PMI ont du talent mais pas d'argent pour financer des projets en R&D.

    Sur l'avance technologique de la France et de l'Europe par rapport à la Chine, dans un futur proche nous serons devant le fait accompli; la Chine sera devant nous avec 20 ans d'avance, par un manque de synergie en France, mais surtout grâce à une médiocrité confondante des décideurs du monde aéronautique et du monde politique.

    Si Maxence Layahe par le biais d'Alcimed peut un jour convaincre un acteur majeur de l'aéronautique qu'un brevet d'un ingénieur indépendant soit une réussite, ce serait formidable...nous attendons tous un miracle.

    Christophe

  • Les modèle à décollage verticale me paraissent: 1 fantaisiste (trop de prise au sol par rapport au volume embarqué) 2 très energivore.

    Je ne crois pas non plus au modèle avec aile. En fait je pense qu'une solution cohérente est l'autogire: comme l'hélico, on peut replier pales lorsqu'on roule, et cela prend moins de place que des ailes (qui donnent d'ailleurs des dimensions exubérantes au véhicule), et on n'a pas de transmission d'effort à transmettre au rotor principal.

    Ce qui me surprend, c'est qu'on fait complètement l'impasse depuis des années sur le modèle du trixyformer (qui, soyons honnête n'a pas beaucoup bougé depuis 5 ans) et PAL-V, qui semble davantage progresser à annoncé ses premières livraisons (2018) et à ouvert une école de formation en Amérique du nord.

    Ce schéma me parait assez cohérent: un engin volant au capacité d'un ULM (±LSA) avec en conséquence un habitacle de voiture restreint.
    Mais surtout des capacités sur route et en l'air qui font que si, on ne peut pas rentrer par les airs, permet de rentrer en roulant. Je ne suis pas pilote, mais nous savons tous que "l'avion est un moyen de transport rapide pour gens pas pressés".

    Il est dommage que l'idée de Trixy n'est pas été retenue sur le Pal-V. Imaginez: vous prenez votre véhicule, vous trouvez une piste, vous décollez, vous atterrissez sur votre destination. Vous laissez le module de vol à l'aérodrome, vous passez votre journée,
    Vous revenez à l'aérodrome, vous reprenez le module et vous rentrez chez vous.

    Personnellement, étant commercial sur toute la France, il y'a eu certaines liaisons où j'aurai aimé pouvoir tirer une ligne droite là ou certains réseau routiers sont inexistants:
    Valence Saint Etienne
    Agen Aire sur l'adour
    Limoges Châtellerault,
    Lorient Lannion

    Mais bon, quand bien même j'aurai mon brevet de pilote... j'ai déjà eu du mal à négocier un régulateur de vitesse adaptatif sur ma voiture de fonction. Je ne pense pas qu'on m'aurait payé un PAL-V... mes gains de productivité n'aurait pas justifié l'investissement!

    • On est bien mal parti: je croyais qu'il fallait se creuser la cervelle pour concevoir des aéronefs économiques (avions ou ULM), partir du "vieux" comme le DR400, remotorisé en Rotax, ou faire du neuf, dérivé de l'ULM, qui, par définition, à la française, est simple et rustique.
      Qu'a-t-on aujourd'hui: une n ième version du Cirrus ou ce genre de projet de voiture volante dont la ringardise technologique n'a d'égale que l'utopie d'un rêve inaccessible, qu'aucun d'entre nous ne verra la diffusion (pas besoin de sondages trompeurs pour le prévoir: là, je m'engage, je peux me tromper).

      Soyons réaliste, et si ces projets font appel à des budgets conséquents, qu'ils soient consacrés à des objets volants qui donnent l'envie de voler à moindre coût: de nouveaux constructeurs semblent se réveiller pour remplacer nos constructeurs disparus (je veux parler de Robin, Mudry, Fournier).
      Je ne relève pas cette ânerie qui consiste à accuser les règlements d'évoluer trop lentement. Et bien d'autres. Heureusement, Aerobuzz a pris soin de classer ce papier dans la rubrique opinion. C'est fait.

  • C’est sûr, la voiture volante fait bien rêver et les passagers que j’emporte avec moi, néophytes en matière aéronautique, m’en parle souvent avec des étoiles dans les yeux.

    Mais cet aéronef si particulier est et restera à jamais une gageure.

    En effet, s’il est possible de créer une automobile qui s’envole dans les airs ou bien un avion qui offre la possibilité de se déplacer sur route, en réalité un tel engin présente des faiblesses telles qu’il n’est pas envisageable pour une utilisation comme moyen de locomotion aérien ou terrestre.

    Comme avion, les performances sont nettement dégradées du à une configuration aérodynamique torturée et l’emport de masses supplémentaires constituées essentiellement par les éléments de liaison au sol et boite de transmission.
    Sans parler des erreurs de conception qui engage la sécurité des vols…

    En tant que voiture, qui serait tenté de rouler dans les embouteillages et de faire un créneau pour se garer et laisser ainsi son véhicule en aluminium de 2/10e mm et de plusieurs centaines de milliers d’Euros au bord du trottoir ?

    Si techniquement cet engin est parfaitement réalisable, sont utilisation normale, elle, ne semble pas envisageable.

    FM

  • Principe vieux comme l'automobile et l'aviation, qui n'a jamais fonctionné.
    Les conducteurs sont mauvais, les pilotes un peu meilleurs car mieux formés. Transformer demain les conducteurs en pilotes, ce sera une hécatombe, heureusement irréalisable.

  • Moi, j'y crois et j'en rêve... pour dans une autre vie.
    Mais je ne vois pas de problème majeur à partir du moment où l'on utiliserai les aérodromes pour s'envoler et atterrir. Et puis on va se balader sur les routes, dans les villes... Évidemment, si l'engin est très long, ça va être dur pour se garer. Sinon, pas besoin de se creuser les méninges pour décoller de surfaces non appropriées. Là, je dois dire que je n'ai pas bien compris certains passages de l'article...

    • Complètement en phase avec le commentaire de Botrel.
      .
      En plus ce texte contient de nombreuses affirmations approximatives voir fausses et autant de poncifs non justifiés.
      - "(...) l’arrivée sur la scène de poids lourds comme Airbus"
      Pour Airbus je connais 2 projets d'aéromobilité urbaine (Vahana et CityAirbis) mais aucun n'est une voilure volante.
      - "Light Sport Aircraft, équivalent de l’ULM" ??? ah oui ... ? C'est vrai ça ? ... depuis quand ?
      - "Une réglementation plus adaptée permette d’ici cinq à dix ans de construire des voitures plus évoluées : plus de confort, plus de puissance, plus de passagers ..".
      D'où cela sort-il ?
      - "les prix seront prohibitifs : plusieurs centaines de milliers d’euros pièce" ... et alors ? on ne fait pas de différence entre un coût d'acquisition et un cout d'opération ?
      - "on pourra trouver des pistes de quelques centaines de mètres pour décoller ou atterrir" ... Et la réflexion sur les infrastructures se limite à ça ...
      J'arrête là ...
      Car en plus je découvre que je paye pour ça ...
      Nous avons été habitués à mieux par Aerobuzz.
      A suivre ..
      Ou pas !
      .

      • @Moltobaleze

        Vous admettrez tout de même que le but de l'article est surtout de lancer un débat (d'où les avertissements en rouge et en gris ), auquel vous participez, donc j'oserai dire que vous en avez pour votre argent finalement :)

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