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Défense

Armée de l’Air : le Caracal reçoit son canon de 20mm. Enfin !

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Frédéric Lert

L’escadron d’hélicoptères 1/67 Pyrénées vient de débuter son entrainement avec le SH20, le nouveau canon de 20 mm monté sur le Caracal. Dix ans après l’expression du besoin et dans l’attente d’un possible Caracal « Mammouth » encore mieux équipé…

22 Août 2008, embuscade d’Uzbin. La France perd une dizaine de soldats en patrouille dans un obscur col d’Afghanistan. La menace ennemie a été sous-estimée, les armées sont prises en flagrant délit d’excès de confiance. Dans la foulée, différentes études sont lancées pour renforcer la puissance de feu à la disposition des forces françaises sur place. L’envoi de Puma « pirate », équipé d’un canon de 20mm en sabord, est envisagé. Mais ça ne passe pas : le Puma est asthmatique aux altitudes afghanes.

L’armée de l’Air décide donc d’armer ses Caracal, entrés en service deux ans plus tôt, d’une arme similaire. C’est alors un programme prioritaire, rangé dans la catégorie des « urgence opération ». Qui dit urgence dit rapidité. En théorie du moins, car il aura fallu attendre dix ans, 2008-2018, pour que l’arme parvienne à ses destinataires. Entretemps, les Français ont quitté l’Afghanistan, mais ils sont arrivés dans le Sahel…

Un long dimanche de fiançailles…

Au sein de l’Escadron d’Hélicoptères (EH) 1/67 Pyrénées, on est bien conscient de l’incongruité de la situation : « Il n’a pas été possible de faire en sorte que le programme avance à une vitesse satisfaisante. La gestion de ce genre de petit programme est terriblement compliquée… »

Le canon SH20 est redoutablement précis, mais il exige pour son emploi une bonne coordination entre le pilote en place droite et le tireur, afin de dégager le bon secteur de tir. © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

L’arme, signée Nexter, est classique et ne fait pas appel à la mécanique quantique. L’hélicoptère d’Airbus Helicopters, est lui aussi bien connu. Le mariage des deux a été géré de main de maitre par la DGA qui a finit par valider le montage fin 2017, avec à la clef une campagne de tir conduite par le CEV. Le bébé a ensuite été refilé au CEAM qui a effectué à son tour ses propres tests pour délivrer in fine une autorisation d’emploi.

Formation d’un socle d’équipages.

L’escadron en a profité pour former ses deux premiers pilotes et mécaniciens navigants à l’emploi de l’arme. En juin dernier, un appareil parti de Solenzara (Corse) a participé à un raid longue distance qui l’a amené directement sur le champ de tir de Captieux où il a vidé un caisson de 240 obus.

Fort de son noyau de primo-formateurs, l’EH s’engage à présent dans la formation d’un socle d’équipages. L’escadron faisant partie des forces spéciales, il reste discret sur les chiffres et ne précise pas combien d’équipages il entend former. « Le but est de pouvoir offrir une capacité opérationnelle au plus vite » explique-t-on simplement à Cazaux. Une capacité opérationnelle, ce sont des hélicoptères, des armes (l’EH ne cache pas que l’attente n’est pas terminée de ce point de vue là…), une doctrine d’emploi, un cursus de formation, et un nombre d’équipage suffisant pour bâtir une expérience et tenir dans la durée.

Des avantages et des inconvénients

Une chose est certaine : ainsi équipé, doté en plus d’une capacité de ravitaillement en vol, le Caracal offre une capacité d’appui-feu flexible, au plus près des troupes au sol. L’arme est extrêmement précise, puissante et peut tirer au coup par coup ou par rafales. La présence d’une caméra infrarouge et d’un pointeur laser sur le Caracal augmente les possibilités tactiques de l’arme, sa capacité à ouvrir le feu dans certaines circonstances, particulièrement de nuit.

Passage en translation sur le champ de tir de Captieux, avec en toile de fond les cibles constituées par des carcasses de chars. © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

Deux caissons de 240 obus immédiatement prêts à l’emploi peuvent être emportés dans la soute de l’hélicoptère. Par rapport au canon du Puma qu’il remplace, le SH20 se distingue par l’absence de bouclier. L’effet de souffle, qui obligeait le Puma à voler sans la cloison arrière pour éviter les effets de résonnance, a également été réduit. Autre innovation, le canon peut être facilement replié dans la cabine pendant le vol : celui du Puma est inamovible une fois installé et empêche la fermeture des portes, à moins de démonter le tube.

Un nouveau mode d’emploi pour une nouvelle arme

L’installation du Caracal a donc l’avantage de préserver la discrétion de l’appareil qui peut rejoindre une zone d’action sans laisser apparaitre l’installation à bord. Portes fermées, l’appareil n’est pas limité en vitesse et peut se ravitailler en vol plus facilement. La mise en place de l’appareil armé sur de longues distances fera partie des scénarios d’emploi, avec bien entendu le Sahel en tête.

Le mécanicien navigant à la manœuvre derrière le canon ! La position est peu confortable, avec un ou deux genoux sur le plancher de la cabine… © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

Mais la médaille a un revers : la possibilité de faire disparaître l’arme dans la soute se traduit par le positionnement relativement reculé de son support. Le débattement de l’arme et la visibilité du tireur sont réduits d’autant. Un défaut qui est apprécié diversement suivant les personnes interrogées au sein de l’unité. Quoi qu’il en soit, « nous travaillons sur les procédures et la phraséologie pour que le pilote sache bien placer sa machine pour le tir et communique efficacement avec le tireur dans la désignation des cibles » expliquent les équipages.

Investir sur le Caracal

Le Caracal canon est vu à Cazaux comme une machine intermédiaire entre l’appareil en service depuis 2006 et un futur Caracal « Mammouth » qui serait encore plus puissamment armé. Cet appareil ne fait pas encore l’objet d’un programme, il s’agit plutôt d’un concept qui rassemblerait une liste de capacités.

Illustration de la précision obtenue avec ce tir en mer : la cible, rectangle blanc à gauche de quelques décimètres de long, est étroitement encadrée par la rafale dès les premiers obus tirés ! © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

On imagine à Cazaux un Caracal doté d’un puissant armement axial, canon, roquette guidée, missile léger, dont l’installation et l’emploi serait compatible avec la perche de ravitaillement en vol. L’appareil recevrait également des moyens de communication modernes qui font encore défaut aux hélicoptères français, comme une liaison de données L16 ou une radio satellite. Des outils bien utiles pour travailler dans les vastes espaces du Sahel…

« Un Caracal « mammouth » permettrait de répondre parfaitement aux besoins actuels et futurs tout en offrant l’opportunité à Airbus Helicopters de dynamiser l’exportation de l’appareil » explique-t-on à Cazaux.

Frédéric Lert

 

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Notre rédacteur armé d'une plume ironique tire en rafale sur l'administration française:
    -urgence opération.
    -gestion terriblement compliquée de petits programmes.
    -la main de maître de la DGA.
    -campagne CEV
    -validation CEAM.
    -doctrine d'emploi.
    -cursus de formation.
    -scénario d'emploi.
    -procédures et phraséologie.
    Lorsque le CEPA vivait encore à Saint Raphaêl, en quelques mois, un canon de 20, sa plaque d'inertie, et une petite installation de mesure avaient été avionné sur un Super Frelon. Nous avions tiré au large de la baie. C'était le monde d'avant.
    Au café du commerce nous éclatons tous de rire. Dans nos ministères, nos états-majors et même nos formations opérationnelles tous s'inclinent devant le "process". Le mille-feuille administratif, le principe de précaution, la novlangue anesthésient l'intelligence et l'action.
    Je reste optimiste car le monde d'aujourd'hui produit des aéronefs et des systèmes de plus en plus performants. Essayons quand même de simplifier la tâche de ceux qui les conçoivent et les exploitent

  • Mieux vaut tard que jamais ! Plus de 30 ans qu’on tire au 20mm depuis le Puma...mais bon c’est un cahier des charges militaire, lui !

  • 10 ans pour monter un canon sur un helico!
    Un passage au CEV ( on se demande bien pourquoi pas directement au CEAM qui possède les compétences...)
    Et vous ecrivez que ce programme à été mené de main de maître par la DGA....
    Je vous trouve bien indulgent....
    Cela montre l'indigence de nos militaires....
    Pendant la guerre du Golfe nos pilotes de Jaguar ont du bricoler des GPS III pour naviguer....

    • En période de guerre, cela aurait pris quelques semaines en effet, avec la bonne motivation et les moyens qui vont avec immédiats.
      Vous préférez peut-être qu'on soit en guerre ?
      Rappel :
      1939 : la RAF est équipé de biplans de chasse et des prototypes de Spitfire pas encore finis...
      1944 : la RAF est équipé des premiers jet opérationnels de type vampire et météor, dont les moteurs n'existaient pas en 39... 5 ans avant... Ca veut dire développer moteur + cellule depuis feuille blanche + rendre opérationnel + produire, le tout depuis la feuille blanche. Mais c'était la guerre...
      Ces mêmes avions serviront ensuite pendant des dizaines d'années...

    • bonjour,
      je vous confirme que je voulais bien dire "mammouth", indicatif radio étroitement associé au hélicoptères "Pirate" que vous évoquez
      cordialement

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