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Défense

Boeing lève un coin du voile sur son drone ravitailleur MQ-25

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Frédéric Lert

Les Américains aiment bien les armes et ils ont inventé l’art du teasing. Le mélange de ces deux caractéristiques donne sur twitter une vidéo affriolante de Boeing qui fait tout pour titiller notre imagination… Décodage.

Futur drone conçu pour la mission ravitaillement en vol, le MQ-25 « Stingray » est un appareil appelé à révolutionner l’aviation embarquée américaine et la ramener sur le droit chemin, celui qui va loin. Commençons par comprendre ce que nous montre Boeing.

Un drone ravitailleur furtif

L’appareil présenté est indéniablement marin, avec un solide train d’atterrissage, une barre de traction (launch bar) sur l’atterrisseur avant et une crosse d’appontage à l’arrière. C’est ensuite une long fuselage bombé que l’on imagine gorgé de carburant, une voilure apparemment droite et sans fioriture. Donc un ravitailleur capable de livrer quelques tonnes de carburant tout en tenant l’air longtemps à une allure pépère.

Deuxième élément, rien ne dépasse de l’avion hormis les trois sondes installées dans le nez et qui ne seront peut-être pas présentes sur l’appareil de série. Le fini est sans bavure, la crosse d’appontage enveloppée par un carénage bien dimensionné. Aucun doute, l’appareil est taillé pour la furtivité.

Configuration aérodynamique complexe

A tel point que c’est au deuxième visionnage que l’on réalise qu’il manque quelque chose à l’appareil : une entrée d’air ! Rien devant, rien sur les côtés, rien dessous. Reste le dos du fuselage, qui n’apparaît pas à l’image. Mais on distingue des marquages de sécurité qui indiquent « jet intake » : l’entrée d’air serait donc tout là haut, sans même une lèvre faisant office d’écope.

On distingue sur cette vue de profil les marquages noirs permettant de localiser l’entrée d’air dorsale. Celle-ci est très reculée, ce qui limite le volume occupé par la veine d’air dans le fuselage. © DR

Une configuration aérodynamique pas simple rappelant furieusement le « Tacit Blue », démonstrateur technologique qui avait précédé le F-117 au début des années 1980. Même voilure droite, même entrée d’air affleurante, même gouvernes de profondeur fortement inclinées venant encadrer la tuyère du réacteur ou du moins ce qui en tient lieu.

Il se raconte que pour lancer les réacteurs du Tacit Blue, il fallait mettre en route un C-130 devant lui pour souffler suffisamment d’air. Le MQ-25 pourra-t-il se contenter de la route avia prise par son porte-avions, avec à la clef un fort vent relatif ?

Compromis entre furtivité et efficacité aérodynamique

Comme toujours quand on parle de furtivité, on imagine des bras de fer homériques entre les sorciers de l’aérodynamique et ceux de la furtivité. L’entrée d’air affleurante sur le dos est idéale pour la furtivité (du moins tant que l’appareil n’est pas survolé par un Awacs…) et épouvantable pour le rendement aérodynamique. Elle fonctionne très mal au-delà de Mach 0,85 et supporte peu les fortes incidences. Donc sur ce coup là, les tenants de la furtivité marquent un superbe but. Le coup franc d’anthologie tiré à 30m…

Gros plan sur le marquage « danger entrée d’air » avec une flèche pointant vers le haut. © DR

Simple et efficace

En revanche, le MQ-25 n’est pas une aile volante. Peut être la gestion du centrage pour un ravitailleur en vol s’annonçait-elle difficile avec cette formule aérodynamique. L’appareil reçoit un empennage horizontal légèrement incliné vers le haut, ce qui est mieux que rien pour le contrôle en lacet.

On a sur ce coup là l’impression que Boeing a cherché à calmer le jeu et à faire simple et efficace. Un point pour les aérodynamiciens, la balle au centre. Egalité donc ? Non, car les partisans de la furtivité semblent avoir marqué un autre but de grande classe : les images de Boeing ne montrent ni becs de bord d’attaque, ni volets hypersustentateurs sur le bord de fuite qui semble être très fin. Ce sera à confirmer sur les prochaines images.

Une vue très intéressante de l’arrière, qui évite soigneusement de montrer la tuyère. On remarque les importantes trappes pour masquer la crosse d’appontage, les bords de fuite très fins de la voilure et, au milieu de celles-ci, un carénage qui pourrait abriter le dispositif de repliage, une antenne ou pourquoi pas le dispositif de ravitaillement en vol ? Ecrivez-nous si vous avez d’autres propositions… © DR

Les aérodynamiciens ont tenté une ultime contre-attaque dans les arrêts de jeu en dessinant un bord d’attaque avec un rayon apparent bien visible, important pour préserver les qualités de vol à basse vitesse. C’est bien mais insuffisant pour compenser l’absence des dispositifs hypersustentateurs et la balle passe donc à côté des buts.

En l’état actuel des choses, en attendant le match retour et la prochaine vidéo de Boeing, il semble donc que l’équipe de la furtivité l’ait emporté sur celle des aérodynamiciens…

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Cet engin est très spécialisé ,et n'a pas besoin d'une grande manoeuvrabilité . Le bossage sur l'aile doit être un dispositif de repliage - style Corsair ? - car pour porter beaucoup ,il faut de la surface ,donc de l'envergure , surtout à grande altitude (sécurité oblige ) et les grands plans arrière ,peu relevés , doivent pouvoir compenser les variations de centrage . L'appontage doit se faire en centrage arrière ,et "queue basse " ( à piquer ) , comme sur les oiseaux . Plans AR : leur taille permet de manoeuvrer mieux , en différenciant , et leur dièdre faible permet de masquer la sortie réacteur(s) ...

    • Bonjour Gypaète,
      Dans "drone furtif de ravitaillement en vol" il y a trois choses : le drone, la furtivité et le ravitaillement en vol. Paradoxalement, le plus important pour l'US Navy n'est sans doute pas dans le drone ni dans la furtivité, mais dans la possibilité de disposer à terme d'un appareil optimisé pour le ravitaillement en vol. En 50 ans, l'allonge de ses avions embarqués, adossés aux ravitailleurs également embarqués, est passée d'environ 1000 nautiques à guère plus de 500. Il devenait urgent de remonter la pente... Le sujet est passionnant et Aerobuzz reviendra prochainement dessus...

      • Bonjour Monsieur Lert et merci de m'avoir répondu.
        Je vous souhaite une bonne année, ainsi qu'à toute l'équipe d'Aérobuzz.

    • Grace a sa furtivite il peut ravitailler au plus pres de la zone de combat, chose que ne peuvent pas faire les KC135 et autres ravitailleurs au risque d'etre abattus par un missile air-air longue portee.

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