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Défense

La formation des équipages du drone MQ-9 Reaper rapatriée à Cognac

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Frédéric Lert

Deux drones MQ-9 Reaper supplémentaires sont arrivés (en caisses) à Niamey dans les dernières heures de 2016. La France dispose désormais de cinq appareils de ce type, tous utilisés depuis le Niger dans le cadre de l’opération Barkhane. Avec l’arrivée prévue d’un sixième appareil à Cognac à la mi janvier, l’armée de l’air pourra en outre entraîner ses équipages en France et ainsi gagner en autonomie vis-à-vis de l’américain General Atomics. Encore faut-il réussir à convaincre les aviateurs de prendre les commandes de ces drones…

Les premiers MQ-9 Reaper étaient arrivés au Niger en janvier 2015, pratiquement deux ans auparavant jour pour jour. Quand les deux appareils tout juste réceptionnés seront remontés et testés au sol et en vol, l’armée de l’Air disposera donc de cinq Reaper aux couleurs de l’escadron de drone 1/33 Belfort.

L’armée de l’Air dispose à présent de cinq M9 Reaper à Niamey. Un sixième rejoindra la France d’ici quelques jours. L’objectif est de disposer de douze appareils en 2019. © Frédéric Lert/Aerobuzz

Le Belfort utilise ses Reaper exclusivement dans le cadre de l’opération Barkhane, depuis Niamey. Mais cette situation devrait bientôt changer puisqu’un sixième appareil est attendu mi-janvier à Cognac, base d’attache de l’escadron. Ce sixième appareil sera d’ailleurs accompagné d’une cabine de conduite adaptée aux actions de formation.

Ramener la formation en France

C’est un développement important pour cet appareil qu’il n’était pas possible jusqu’à présent de faire évoluer en France. En conséquence de quoi l’entrainement des équipages devait se faire à Niamey, ce qui était ni pratique ni bon marché… Avec un appareil et sa station de contrôle positionnés en France, l’armée de l’Air pourra former plus facilement ses opérateurs, gagnant au passage une certaine autonomie vis à vis de la filière de formation américaine déjà passablement engorgée.

Cette capacité nouvelle se double d’une évolution intéressante sur le front de la mise en œuvre : le Reaper ne disposant pas encore des automatismes idoines, décollages et atterrissages doivent être réalisés à la main. Un travail réalisé (et facturé à la France) par des contractuels civils de General Atomics qui assurent également la maintenance des appareils. Les opérateurs français prennent la main sur la mission après le décollage et la rendent avant l’atterrissage. Depuis le début du mois de décembre, un premier équipage de l’armée de l’Air a toutefois été formé dans les écoles de l’USAF pour prendre le relais de General Atomics.

Atterrissage et décollage automatisés

Clairement, l’avenir du Reaper et des autres drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) passe par une automatisation des phases de décollage et d’atterrissage. Comme l’ont montré les opérations avec le Harfang, c’est un gage de sécurité. C’est aussi la meilleure réponse à l’engorgement des écoles de formation US qui peinent à répondre aux besoins.

A l’entrée en service des Predator et Reaper, l’US Air Force avait trainé des pieds sur la question de l’automatisation, préférant investir sur la mise au point d’un système d’arme et laissant à ses pilotes la responsabilité (et la satisfaction ?) du pilotage « à la main ». Un choix qui lui était revenu dans la figure sous la forme d’un taux d’attrition très élevé.

Les douanes américaines (US Customs and Border Protection), autre utilisateur du Reaper, ont eu moins de scrupules en participant au financement de l’automatisation avec General Atomics. Les modifications apportées aux appareils (changements logiciels, renforcement du train d’atterrissage, installation d’un altimètre laser pour les phases proches du sol etc) pourront être importés sur les Reaper block 1 actuellement en service. Elles seront de série sur le Block 5 à venir.

Le facteur humain

Si l’on revient à la France, deux questions majeures restent posées par l’emploi des drones Reaper (les deux drones Harfang, qui ont montré la voie à partir de 2009 en Afghanistan, sont à présent retirés des Opex. Ils sont utilisés depuis Cognac pour des opérations sur le territoire national). La première question, qui porte sur leur armement, n’est pas encore tranchée bien que le principe semble désormais acquis.

Quand les deux appareils récemment livrés seront remontés et déclarés bons pour le service, il y aura à Niamey plus de Reaper opérationnels que de Mirage 2000… Une bascule loin d’être anecdotique. © Frédéric Lert/Aerobuzz

Les arguments moraux longtemps évoqués ont fini par s’évaporer sous le chaud soleil du Sahel. Après tout, la France ne travaille-t-elle pas ouvertement sur la conception d’un drone de combat conçu pour le bombardement ? L’armement du drone pourrait-il être moral sur un appareil furtif à réaction, et ne pas l’être sur un MALE à hélice ?

L’autre difficulté à laquelle se heurte l’armée de l’air touche à la montée en puissance de l’escadron, c’est à dire au recrutement et à la formation des équipages. On ne le dira jamais assez, les drones MALE sont très gourmands en main d’œuvre…

Un drone, un double équipage, huit hommes

Les Reaper français sont mis en œuvre par un équipage de quatre hommes au sol : un PAD (Pilote à Distance), un opérateur capteur, un officier renseignement et un opérateur image. Pour un vol long, et la plupart le sont, il faut deux équipages pour assurer une relève. Un défi auquel est confronté l’armée de l’Air est de trouver des volontaires pour rejoindre l’escadron de drones.

Difficile pour les navigants de passer du Rafale au Reaper, qui plus est non armé… La satisfaction de participer à des opérations réelles ne dure qu’un temps et pèse peu finalement face au rythme d’engagement : les opérateurs de drones ont passé ces deux dernières années autant de temps à Niamey qu’à Cognac et le prix à payer a été très élevé pour les vies de famille.

Les deux Harfang qui étaient utilisés depuis Niamey sont rentrés en France à l’automne. Ces appareils poursuivent à présent une deuxième carrière dans les missions de surveillance sur le territoire national, au profit des autorités civiles. © Frédéric Lert/Aerobuzz

Autre point soulevé, la reconnaissance de l’activité drone au travers des progressions de carrière. « Nous travaillons à la mise en valeur de la filière » explique-t-on dans les hautes sphères de l’armée de l’Air. Celle-ci n’a d’ailleurs pas le choix : depuis leur mise en service, les Reaper ont été sur sollicités et le phénomène va encore s’amplifier avec l’arrivée des appareils supplémentaires.

Essayer le Reaper, c’est l’adopter. La loi de programmation militaire prévoit en effet la livraison de quatre systèmes de trois appareils chacun avant 2019. On est aujourd’hui à mi-parcours et face aux enjeux de recrutement et de formation, l’armée de l’Air promet d’être « pragmatique »…

Frédéric Lert

 

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • A Tangopapa.
    Vous avez raison de soulever cette question. L'air est à tout le monde et vouloir le commercialiser ou le militariser (ici ce sont des civils qui font la guerre, sans débat gouvernemental) me semble être une dérive inadmissible. On nous enferme de plus en plus dans des contraintes invraisemblables alors qu'on peut poser le problème à l'envers: l'espace est libre, aux professionnels (qui ont les moyens) de respecter à tout prix la liberté.
    Et qu'on arrête avec des mots galvaudés comme sécurité, normes, secret,....

  • Question : pourquoi les commentaires postés ne sont-ils pas présentés à la lecture dans l'ordre de leur heure d'émission? mais dans un ordre qui apparaît pour le moins "aléatoire"? Est-ce un avantage "premium"?

    • Bonjour monsieur,

      Les commentaires sont classés dans l'ordre inverse de leur date de parution : les plus récents d'abord. Cela permet aux visiteurs / commentateurs de voir les derniers messages et d'y répondre.

      Si vous répondez directement à un commentaire et non à l'article, votre réponse ira se loger sous le-dit commentaire pour permettre une lecture plus logique.

      Le fonctionnement est bien entendu le même pour tout le monde ! ;)

      J'espère avoir répondu à votre question.

      Très bonne journée,
      Martin.

      • Bonsoir,
        Je résume ce que j'ai compris :
        1) Je désire faire une observation à propos de l'article lui-même, je déroule tous les commentaires présents et trouve en toute fin de cette liste l'onglet "laisser un commentaire" que j'actionne... Ce post vient se loger en premier de la liste!
        2) Je désire faire un commentaire sur un post déjà existant, j'actionne d'abord directement l'onglet "Répondre" situé en fin du dit commentaire précis puis ,à la fin de la rédaction de mon commentaire j'actionne l'onglet "laisser un commentaire" pour l'envoyer.

        Puis-je faire observer cependant que le dernier commentaire posté aujourd'hui 11/01 à 11 h 28 par G LESCALUP, - positionné en premier sur la liste des commentaires - répond à un commentaire de Tangopapa qui lui est en queue de tous les commentaires car daté du 10/01 à 19 h 38... curieux?
        c'est vrai que ce commentaire de Tangopapa est le seul à ne pas comporter d'ailleurs d'onglet "Répondre".
        Je ne suis donc pas le seul a priori à ne pas avoir tout compris... mais je vais certainement m'améliorer...
        Merci de vos conseils et bonne année.
        claude

  • Quelqu'un aurait-il le rapport d'un crash d'un drone US lors d'une approche.
    A la lecture on croirait qu'il s'agit d'un avion traditionnel, avec pilote PF et copi PNF ...
    ... et au final un coupable ... devinez qui ?...

  • Donc après 2 ans d'exploitation (janvier 15 à janvier 17), nous n'aurions encore aucun pilote de drone français lâché décollage et atterrissage sur Reaper, mais uniquement des "pilotes de croisière"?????? merci de confirmer ou d'infirmer!

    • Bonjour,
      La mise en oeuvre des appareils au décollage et à l'atterrissage par du personnel de general Atomics, qui assure également l'entretien des appareils, faisait partie du contrat initial passé avec Washington en 2013. Pour pouvoir prendre la main sur les phases de décollage et atterrissage, les Américains demandaient un niveau d'expérience minimum (600 heures d'opération sur l'appareil je crois) que les pilotes à distance n'avaient pas à l'époque bien entendu. Mais ce niveau d'expérience est maintenant atteint et les choses vont pouvoir changer. Pour la partie maintenance, il serait également étonnant que la sous traitance à GA continue éternellement, l'armée de l'air ayant bien entendu toutes les compétences pour prendre le relais. Tout est affaire de (re)négociation des contrats... Pour répondre à GDN21, la présence de civils sur les théâtres d'opération n'est pas une nouveauté... Pour ce qui concerne le Reaper, la mise en oeuvre des appareils (qui plus est armés !) de la RAF au sol à Kandahar était faite par des civils de General Atomics qui manipulaient gaillardement GBU-12 et missiles Hellfire... Dans le Sahel, plusieurs appareils de surveillance civils loués par les armées sont aujourd'hui mis en oeuvre par des équipages civils. Et si on remonte un peu plus loin dans l'histoire, on se souviendra de cet équipage de la CAT (faux nez de la CIA) qui fut abattu en C-119 sur Dien Bien Phu...
      Frédéric Lert

  • Décollage et atterrissage par des contractuels de General Atomics ?
    Dois-je comprendre que des civils opèrent sur des théâtres d'opérations ?!

    • Non, ils laissent ensuite la main aux opérateurs militaires français. On passait vraiment pour des guignols à ne pas pouvoir décoller et faire atterrir nos propres drones, mais c'était dans le contrat. Il était temps que ça change.
      Avec l'arrivée des Pilatus et des nouveaux Reaper, ça bouge à la 709, ça va nous changer des vrombissements des vieux TB30 qui volent sans échappement

      • Et bientôt, l'aéro-club va pouvoir fermer ses portes avec toutes les contraintes qui vont suivre l'arrivée de ces nouveaux "avions"

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