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L’avion de combat « low cost » : mythe ou réalité ?

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Pierre Sparaco

Ce n’est pas la première fois qu’un avionneur américain tente de forcer la main du Pentagone. Avant Textron et son Scorpion, il y a eu Northrop et son Tigershark, avec la même ambition de proposer aux militaires américains un avion à bas coûts.

Textron et Airland sauront-ils convaincre le Pentagone de l’intérêt du Scorpion ?

Dans quelques semaines, le biplace Scorpio effectuera son premier vol, un biréacteur tactique et d’entraînement avancé né d’une initiative du groupe Textron, associé à la startup AirLand Enterprises. Malheureusement, les responsables du programme ne révèlent ni le montant de leur investissement, ni le prix « fly away » de l’appareil. Mais ils laissent entendre que le Scorpio sera à l’origine d’une petite révolution sur le marché des avions de combat, le prix de revient à l’heure de vol annoncé étant de 3 000 dollars seulement. Une affirmation qu’il est bien entendu impossible de vérifier.

Le Pentagone n’a pas été sollicité, le but de l’opération étant d’anticiper ses besoins à venir et de répondre en parallèle aux attentes du marché à l’exportation. On pense notamment à la succession du Northrop T-38 Talon qui devrait être retiré du service à partir de 2023, arrivé à bout de potentiel.

Contrairement à ce qu’affirment certains commentateurs américains, sur le plan des grands principes, le Scorpio compte un certain nombre de précédents lointains. Ainsi, Northrop a jadis proposé à l’USAF au tout début des années quatre-vingts un avion de combat léger, le Tigershark, audacieusement baptisé F-20, une vraie-fausse appellation militaire. Mais le Pentagone ne s’était pas laissé convaincre et les armées de l’air étrangères n’avaient pas été au-delà d’un intérêt poli. L’expérience prouvait, en effet, qu’un matériel militaire ne peut être exporté sans bénéficier au préalable de commandes nationales.

Aujourd’hui, en des temps de disette budgétaire, un avion low cost est évidemment susceptible de retenir davantage l’attention que dans le passé. D’autant plus que les militaires ont constamment cherché l’efficacité opérationnelle en incitant leurs fournisseurs à innover. Ainsi, en 1973, le Pentagone avait envisagé la formule dite du « hi-lo mix » (high-low mix) qui aurait conduit à aligner tout à la fois des avions de combat très performants, à l’image du F-15, en même temps que des appareils plus simples, plus légers et nettement moins coûteux, réservé aux missions les moins sophistiquées.

C’est ce raisonnement qui avait conduit au Lightweight Fighter (« LWF »), programme dit de démonstration technologique conduit jusqu’au vol de prototypes. Il s’agissait de low cost, à une époque où l’expression n’était pas encore inventée. Un appel d’offres avait suscité un grand intérêt et deux propositions avaient été retenues, celles de General Dynamics et Northrop. Ainsi étaient nés les YF-16 et YF-17.

Très vite, General Dynamics avait imaginé d’aller bien au-delà des limites du contrat de développement qui lui avait été attribué et envisagé de produire son avion en série, pour des clients étrangers, l’USAF n’ayant pas exprimé d’intérêt opérationnel direct. A partir de ce moment, le dossier a évolué dans la précipitation, dans la mesure où quatre pays européens, Pays-Bas, Belgique, Danemark et Norvège, avaient décidé en 1974 de choisir un même type d’avion de combat et d’en commander conjointement non moins de 348 exemplaires. General Dynamics et Pratt & Whitney déployèrent alors des efforts considérables, soutenus par les autorités de Washington, leur objectif prioritaire étant de contrer Dassault, accessoirement Saab. Le premier proposait le Mirage F1E remotorisé avec un Snecma M53, le second le Viggen. Le F-16 l’emporta de haute lutte et, dans une certaine mesure, le hi-lo mix devint une réalité.

C’est cet exploit que Textron rêve de rééditer, avec son partenaire AirLand et le motoriste Honeywell. Un pari audacieux qui, de toute évidence, dérange la « fighter mafia », expression quelque peu méprisante qu’utilise volontiers Scott Donnelly, directeur général de Textron, bien conscient de déranger l’ordre établi du complexe militaro-industriel américain. Il s’agit, en effet, de mettre sur le marché un avion au prix « accessible », une initiative en principe bienvenue au moment où les budgets militaires sont mis à mal. Reste à savoir si le Scorpio sera considéré comme une proposition crédible.

Pierre Sparaco

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Pierre Sparaco

View Comments

  • L’avion de combat « low cost » : mythe ou réalité ?
    Un f-14 low coast? ^^

    Il a l'air sympa mais on dirait plutot un jet d'entrainement...

    3000$/H de vol, c'est pour ca les ailes droites? (ca passe le Mach ça? 8-S

    Et tout cas si les Ricains me vendent de la furtivité en plus, je signe sans regarder!!! (Quoi comment ca on a deja le F-35 sur le dos?^^)

    • L’avion de combat « low cost » : mythe ou réalité ?
      Apparemment il se placerait sur le secteur de la reco, de la surveillance et de l'appui-sol (d'où les ailes droites, plus de point d'emport sans réels besoins de vitesse). Ce n'est pas un chasseur. Donc ce serait plus un remplaçant aux Dragonfly (tiens, de Cessna également), Pucara et aux Bronco. Je le verrais bien en Amérique Latine et peut être dans quelques pays africains, surtout pour de la lutte anti-drogue et anti-guérilla.

  • L’avion de combat « low cost » : mythe ou réalité ?
    Mettre des moteurs civils dans un avion militaire ?
    Oui mais, pas de "dogfight" ...
    $3000 l'heure de vol, c'est donne a comparer aux $46000 de l'heure pour un F22.

  • L’avion de combat « low cost » : mythe ou réalité ?
    Est-ce du vrai Low-cost, ou bien est-ce du "Low Cost" façon F-35 ?

    Quid de la maintenance de ces engins en opex (je pense notamment aux matériaux composites) ?

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