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Défense

L’Alouette 3 raccroche les crampons à 60 ans.

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Frédéric Lert

Les trois dernières Alouette 3 de la marine nationale sont en service pour quelques jours encore au sein de la flottille 34F, sur la base de Lanvéoc Poulmic. Leur retrait de service définitif n’aura lieu que le 31 décembre 2022, mais la marine a déjà célébré leur fin de carrière.

Vendredi 9 décembre 2022, quelques dizaines d’anciens ont pu assister à une cérémonie présidée par l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine, suivie d’un défilé aérien de sept hélicoptères. Les trois dernières Alouette 3 (SA 319B) encore en service étaient suivies par trois Dauphin N3 et précédées par l’Alouette 2 à roulettes de Pascal Petitgenet. Il faisait un froid de canard et une fois le défilé terminé, tout le monde s’est retrouvé dans le hangar de la flottille pour boire du cidre et manger des crêpes.

Cela ressemblait furieusement à un pot de départ à la retraite et ce n’est pas un hasard : l’Alouette 3 raccroche les crampons à 60 ans. Mais 60 ans pour un hélicoptère, ça commence à compter et il n’est pas aisé de déterminer s’il faut se réjouir ou non de cet âge canonique pour une machine militaire. Toujours est-il que jusqu’à la dernière minute, les Alouette auront fait preuve d’une disponibilité exceptionnelle.

L’Alouette n°997  est une célébrité, ce qui lui vaut de porter cette décoration spéciale. C’est la seule équipée d’un radar qui lui permettait par exemple, quand elle était embarquée sur le Henri Poincaré puis le Monge, de rechercher les débris de missiles balistiques à l’issue des tirs d’essais. © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

En novembre 2022, une Alouette était encore en opération, embarquée sur le BCR (Bâtiment de Commandement et de Ravitaillement) La Somme, dans le cadre de l’exercice Silent Wolverine avec comme navire amiral le porte-avions américain Gérald Ford. Cet été 2022, une autre machine réalisait le dernier embarquement de longue durée sur la frégate de lutte anti sous-marine Latouche Tréville. Elle y a fait la preuve, une dernière fois, de sa simplicité d’emploi et d’entretien.

Jusqu’à la fin de l’année, les trois dernières Alouette (sur un total de 37 ayant porté la cocarde à hameçon…) continueront à servir la marine, notamment en surveillant le goulet de Brest pendant l’entrée et la sortie des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, les SNLE de la dissuasion. Un rôle simple qui lui va bien, qui n’exige pas de puissance stratosphérique ni de système d’arme extraterrestre.

Pendant quelques heures encore, les huit derniers pilotes de la flottille 34F qualifiés sur l’Alouette vont donc pouvoir se régaler. « L’Alouette, c’était un appareil que l’on pouvait ramener au sol en toute sécurité sans assistance hydraulique, un pilotage aux fesses comme on en fait plus et des sensations que l’on ne retrouvera plus jamais ». explique l’un deux. « C’est une vieille amie qui nous quitte et dans la flottille, on a encore de la documentation estampillée Sud Aviation  ! »

Des générations de pilotes ont appris les mystères de l’appontage grâce à la cacahuète (surnom officieux de l’appareil) © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

Les derniers pilotes de la marine ont été formés sur l’Alouette en 2018. Depuis, le travail d’instruction a été passé au Dauphin au sein de l’ESHE (Ecole de Spécialisation sur Hélicoptères Embarqués). Quand l’Alouette sera retirée du service, il ne restera que des bimoteurs dans la marine et poursuivre la formation sur un monomoteur aussi ancien n’avait plus guère de sens. L’Alouette était donc un anachronisme à roulettes, mais méfions nous des idées reçues.

Quand elle était embarquée, son rayon d’action était limité à 60 Nautiques autour de son navire, pour offrir de bonnes chances de récupérer son équipage en cas de panne moteur. Mais aujourd’hui à la 34F, personne n’a le souvenir d’une extinction de la turbine. « L’Artouste, c’est une chaudière dans laquelle il suffit de mettre du charbon pour qu’elle fonctionne… » explique un mécanicien.

Toutes les missions de jour peuvent se faire en mono pilote. Le pilote aux commandes s’installe alors en place droite, avec à sa gauche deux sièges libres, comme sur la Matra Bagheera de 1973. Un petit quart d’heure de travail suffit pour démonter le cyclique et le collectif et installer des caches sur les palonniers du deuxième pilote. Les passagers installés au balcon profitent alors d’un point de vue exceptionnel.

En mer, une détachement comprend entre six et huit mécaniciens et deux pilotes. Et ça suffit, partout sur la planète, pour faire la guerre contre les narcos, du renseignement, de la police des pèches, des évacuation sanitaire, du treuillage de naufragés etc. Il fut une époque où le soleil ne se couchait jamais sur les Alouette, depuis la Polynésie française jusqu’aux Caraïbes, en passant par la Mer de Chine, Djibouti, la France et la Bretagne…

Pascal Petitgenet, heureux propriétaire et pilote d’une SE 3130 équipée de roues, qui ouvrait le défilé aérien. © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

Le retrait des Alouette n°997 (qui partira au musée de Rochefort), 161 et 302, signe la fin d’une époque magnifique pour la France et sa Marine. Une marine qui possédait encore, au milieu des années 1980, deux porte-avions, une quarantaine de frégates, corvettes et avisos bien armés et une vingtaine de sous-marins. Des chiffres qui ont fondu de moitié quarante ans plus tard !

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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