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Défense

Le Pentagone face au mur budgétaire du F-35

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Frédéric Lert

Le GAO, équivalent américain de la Cour des Comptes française, poursuit son étude entomologique du F-35 avec un rapport qui porte cette fois sur les capacités opérationnelles des flottes en service. On y apprend par exemple que seulement 7% des avions de l’US Navy sont pleinement « mission capable ». Décoiffant !

Depuis 2011, le GAO (version américaine de la Cour des Comptes française), a rendu public pas moins de 33 rapports sur le F-35 ! Le dernier, publié le 22 avril 2021, s’est intéressé aux disponibilités et aux capacités réelles des 400 appareils déjà en service (en novembre 2020, sur un total de 525 avions construits) sous les couleurs de l’US Navy, de l’US Marines Corps et de l’US Air Force. Et le moins que l’on puisse dire est que l’analyse qui en résulte est plutôt spectaculaire.

Selon l’institution américaine, seulement 7% des F-35 de la Navy sont capables à un instant T de remplir l’ensemble de leurs missions.

L’objectif officiel était de 75%. Pour les Marines, le chiffre obtenu est de 15% contre un objectif également de 75%. Les chiffres sont un peu meilleurs pour l’Air Force avec 54% d’avions « full mission capable », pour un objectif officiel de 72%. Quand l’Air Force se regarde, elle se désole. Quand elle se compare, elle se console…

Les capacités du F-35 mesurées par le GAO.
Les colonnes MC (mission capable) montrent la proportion d’avions capables de remplir au moins un type de mission à l’instant T. La colonne FMC (Full mission capable) montre les avions capables de remplir l’ensemble de leurs missions. Les points rouges indiquent la situation réelle. © GAO

La bonne nouvelle, tout est relatif, est que ce taux de « full mission capable » pour les trois armées confondues est passé de 32% à 39% entre 2019 et 2020. En réduisant le niveau d’ambition, c’est à dire en évaluant l’avion sur une capacité opérationnelle partielle, ce taux est passé de 59% à 69%.

Les causes sont bien connues : le F-35 est complexe (on le savait déjà), sa fiabilité est insuffisante et sa maintenance est bien plus coûteuse que prévu.

Le GAO cite notamment la complexité de la « supply chain » (chaîne logistique) en raison de sa dispersion géographique dans le monde entier. Soit dit en passant, ce choix politico-industriel avait aussi été celui de Boeing avec son programme 787, ce qui continue aujourd’hui de lui coûter très cher…  La disponibilité insuffisante des réacteurs du F-35, avec des périodes d’entretien plus longues que prévues, pèse lourd également dans le manque de disponibilité des avions.

Les projections montrent même que 43% de la flotte pourrait être sans moteur d’ici 2030.

Le GAO dénonce des outillages en nombre insuffisant, de la documentation technique incomplète, le tout étant délicieusement enrobé dans l’inefficacité proverbiale du tentaculaire système de gestion de la logistique ALIS.

L’évolution du coût estimé du maintien en condition opérationnel du F-35
L’accroissement (supérieur à 150 milliards de dollars) des coûts de mise en oeuvre de la flotte de F-35 du Pentagone sur la durée de vie de l’avion. L’estimation passe de 1.100 milliards de dollars en 2012 à près de 1.270 milliards en 2020. © GAO

 

Pour  pour garder les avions opérationnels sur la durée de vie du programme et si possible faire progresser leur taux de disponibilité, le Pentagone n’aura d’autres choix que de déverser des tombereaux de dollars, on compte en dizaines de milliards de dollars.

Si l’US Navy est la plus impactée par la faible disponibilité opérationnelle de ses F-35C, elle est aussi sans doute celle qui s’est le plus méfiée de l’avion en ne choisissant d’en commander que 273 au total. Dans le même temps elle investissait lourdement sur les évolutions du Super Hornet et sur la mise en oeuvre de drones. © US Navy

Depuis 2012, le coût estimé du maintien en condition opérationnel du F-35 pour faire voler les avions jusqu’en 2070 est passé de 1.110 milliards de dollars à 1.270 milliards (160 milliards de dollars de hausse !) alors même que de nombreux efforts étaient engagés pour sa réduction. Le GAO prévient donc : c’est un mur budgétaire qui se dresse et qui ne pourra être franchi qu’en réduisant le nombre d’avions achetés.

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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  • Dommage de se chipoter pour ou contre son propre pays, à moins que certains bossent pour nos concurrents étrangers ? Je ne m'habitue pas lorsque AF produit beaucoup de vidéo avec des triples 7 comme jets vedettes...
    Je préfère revenir au sujet de fond, le coût opérationnel, OPEX au singulier et qui ne concerne qu'un centre de coût.
    Donc on distingue la propriété de l'objet de l'accès aux services. Nous n'achetons plus de téléphone mais "on nous offre généreusement" des interfaces d'accès aux services. Parfait pour les marques qui ont le besoin de récurrence dans leurs activités et sources de profits. Le secret : développer un bien versatile au travers desquels on ajoutera des services, adaptés aux futures exigences des utilisateurs.
    On a vu apparaitre ce principe dans les matériels hospitaliers lourds car l'équipement et les capteurs n'offrent plus autant de marges de progrès. En revanche, le futur s'écrit avec des logiciels, qui incorporent l'auto-apprentissage, l'IA, des capacités de calculs... pour venir en aide dans la phase diagnostic, élément clé de l'acte.
    Le software a également l'immense avantage de s'ajuster aux usages (IHM) et d'entrer facilement dans le quotidien des métiers... Le soft est ainsi devenu le premier élément de valeur. (Pour sourire : vous êtes plutôt IHM Airbus ou Boeing ?)
    Il est facile de transposer cette évolution à la science des conflits et à la course aux technologies stratégiques, dans lesquelles le vecteur air élargit sa palette de fonction à une plateforme de tir et de capture d'infos avancée...
    Combien coûte cette supériorité ? C'est la question et le pari des marques (consortiums car le job recouvre une grande diversité de métiers) pour bâtir un nouveau modèle économique.
    Le F35 a le mérite de poser le débat.
    En attendant, discrètement mais surement le Rafale fait son chemin, et passe d'un standard à l'autre, sans trop de turbulences, made in France.
    Il faut se rendre compte que tous les utilisateurs du 35 vont, sur un modèle éco identique aux GAFA, alimentent la connaissance globale in USA, et contribuent à sa supériorité.
    Mais la négo ne fait que commencer, entre les états majors sachant qu'il est plus simple d'annoncer un update à la population que de réformer un parc de machines... Ça donne l'impression que ses impôts servent à quelque chose de palpable.

  • Nos amis Belges en ont aussi acheté je crois, ils étaient pourtant prévenus. N'y avait il pas eu un scandale retentissant lors de
    L'achat de F16 ?

    • Il y a eu aussi le scandale de la grande AFFAIRE dite Agusta-Dassault qui fit tant de bruit en Belgique. Cette affaire qui vit la démission du tout puissant président de la Fédération socialiste de l'époque, du ministre de la défense et du secrétaire général de l'OTAN de l'époque Willy Claes, fit grand bruit ici. Même le grand serges Dassault fut condamné pour CORRUPTION dans cette affaire. Depuis la société Dassault est indésirable en Belgique ! Mais sans doute que ces informations ne vous arrivent pas en France.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Agusta-Dassault

  • Ce qui m'inquiète le plus c'est que pour un avion a la pointe de ce qui se fait seul 7% sont opérationnels donc c'est de loin un gouffre financier pour un avion qui n'est pas au point devrions-nous parler le prototype ? Ou de flop consternant ? Si le rafale avait été aussi peu fiable sûrement qu'il n'aurait pas été loupé par les critiques ... Par chance seul les us voulant toujours plus toujours mieux se sont plantés comme des bleus 🤣😂🤣

    • non , le F35 est une réussite financière extraordinaire pour le fabricant.
      A noter que Boeing va aussi finir par gagner de l'argent puisque l'US Air Force , impressionnée par les performances du F35 , est en train de commander des F-15 , version modernisée quand même.

      Gros avantage pour nous , les pays engagés dans le F35 vont se retrouver sans armée de l'air digne de ce nom.

      • Je prends bonne note de votre dernière phrase, on organisera une petite confrontation avec les pays OTAN quand ils auront leurs F-35 ! On verra bien qui qui sera à la traine avec des Mirages 2000 quinquagénaires et des Rafales bloqués au standard F-3R depuis fort longtemps ! Espérons que le standard F4 qui se fait de plus en plus attendre sera sorti d'ici là !

    • Pas grave , ils sont en train de commander des F-15 pour être sur d'avoir un truc en état de voler dans un avenir proche.

      Avantage pour le reste du monde : si les USA n'ont plus de flotte aérienne digne de ce nom , ils arrêterons de vouloir exporter la démocratie partout où il y a du pétrole :-)

    • Il n'y a pas plus absurde comme commentaire; les USA avec des Rafales ! Et pourquoi pas avec des MIG/Sukhoï ou des Shenyang tant que vous y êtes ? De plus, le Rafale a sans doute comme tous les avions quelques casseroles, mais à l'inverse du F-35 on n'en sait rien ! Au moins question transparence, les USA sont un "modèle". Et le plus étonnant c'est que malgré cela et toutes les critiques qui fusent de partout, il s'arrache partout ! N'est ce pas consternant !

      • C'est clair. Il a la langue a décollage court l'ami.

        En attendant histoire de jeter de l'huile sur le feu, le rafale vole bien avec ses casseroles quand même. Le pays de la transparence n'a pas su l'entacher, puisque comme beaucoup de pays étrangers, ils aiment la France plus que bien des français.

      • Les USA un modèle de transparence ? Vous vouliez parler du 737Max ?
        Mais le plus consternant est votre manque d'humour.

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