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Les militaires aussi jouent au ballon…

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Frédéric Lert

Bien loin de la sophistication effrénée des drones, le ballon captif revient discrètement sur la scène militaire dans les mission de surveillance. Des ballons d’origine américaine viendraient d’entrer en opération sur des postes isolés (COP, pour Combat Oupost dans le jargon OTAN) tenus par les Français en Afghanistan.


Fleurus, 1794. Dans ce qui est aujourd’hui devenu la Belgique, Napoléon se livre à son passe-temps préféré : il échange du plomb avec les coalisés d’Autriche et de Grande-Bretagne. Pour la première fois dans l’histoire, un ballon d’observation s’élève au-dessus du champ de bataille, permettant aux Français d’observer le dispositif de leurs adversaires. Gonflé à l’hydrogène, le ballon porte le joli nom d’Entreprenant. L’innovation n’est pourtant pas retenue par Napoléon, qui la juge trop peu mobile (avec notamment l’exigence de construire un four à hydrogène partout où le ballon opère) pour participer à ses guerres de mouvement.

Afghanistan 2011. Au-dessus de nombreuses bases de l’Otan, dans le ciel des avant-postes perdus dans la caillasse, les ballons captifs fleurissent de nouveau. Ils emportent à une centaine de mètres de hauteur des charges utiles que l’on peut classer en deux grandes catégories : capteurs optroniques pour la surveillance de zones (de jour comme de nuit, avec détection de mouvements à plusieurs kilomètres de distance) et répétiteurs radio pour servir de relais de communications. Sous ses dehors débonnaires et ludiques, le ballon est bourré de qualité et trouve de nouveau grâce aux yeux des militaires : il est moins coûteux que les drones, plus discret mais aussi dans une certaine mesure dissuasif, et il offre une meilleure autonomie. Un ballon peut en effet rester à poste pendant plusieurs semaines d’affilée, sans rien demander à personne… Le renouveau du ballon s’explique aussi par la miniaturisation des charges utiles qui permet de travailler avec des engins de taille réduite, donc moins coûteux. Pour les missions citées plus haut, ils sont tout simplement idéaux…

Le marché militaire du ballon captif est aujourd’hui dominé par les Américains et les Israéliens. Les premiers utilisent cette technique depuis une dizaine d’années pour surveiller la frontière mexicaine. Les seconds font de même face aux territoires palestiniens. La France, qui avait montré la voie il y a 200 ans, est hors du coup… Pas totalement cependant. Car comme dans les aventures de certains gaulois, une PME (qui n’est pas bretonne) résiste… Aerophile est bien connue pour exploiter le ballon du Parc André Citroën à Paris. Mais pas seulement : la société française, fondée en 2003 par deux jeunes polytechniciens, a vendu ou exploite une cinquantaine de ballons dans quinze pays. Son chiffre d’affaire se fait pour 85% à l’étranger. Et le marché militaire ne la laisse pas insensible… En mai dernier, la société participait à l’expérimentation Phoenix II en apportant son savoir-faire en matière de relais radio. Un ballon évoluant à 80m permettait d’atteindre une élongation d’une centaine de kilomètre en phonie avec une radio VHF, contre seulement une vingtaine de kilomètres sans le relais. Le ballon présenté pendant l’exercice mesurait 9 mètres de diamètre pour 380m3. La force de traction était de 250kg, largement assez pour emporter une charge utile d’une centaine de kilogrammes.

Pendant l’exercice, la moitié de cette charge utile était occupée par des batteries. A terme, l’idée de bon sens est bien entendu de laisser la source d’énergie au sol et de faire monter l’électricité par un câble d’alimentation. L’ambition d’Aerophile est aussi de proposer aux militaires un ballon plus petit que ceux déjà déployés en Afghanistan. Six personnes sont nécessaires pour mettre en œuvre les modèles américains. Idéalement, Aerophile voudrait une mise en œuvre réalisable par seulement deux soldats, ce qui permettrait un déploiement dans des bases de taille très réduite.

Précisons enfin que contrairement à une idée reçue, le ballon est peu vulnérable. A plusieurs centaines de mètres de distance, ce n’est pas une grosse cible. Une balle le traversant de part en part ne fait qu’un petit trou, entrainant un dégonflement extrêmement lent. Tant et si bien que les fuites ne sont en général remarquées qu’une fois le ballon descendu au sol pour entretien…

Frédéric Lert

Des Marines préparent un ballon utilisé comme relais de communication sur une base avancée, dans la province de Helmand (Afghanistan).
Réplique d’un ballon libre utilisé pendant la guerre de Secession pour l’observation des lignes ennemies.
Le ballon utilisé par la société française Aerophile pendant l’exercice Phoenix II.
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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Les militaires aussi jouent au ballon…
    Le problème chez nous c'est que l'armée n'a plus les moyens d’antan. Donc on envoie des fantassins sur les sommets (à pied et très rarement en hélicoptère) pour observer.

    Mais on a inventé le ballon low-cost : un sonde météo captive à 30m. Ca permet de monter un antenne VHF ou HF au dessus de la jungle en Guyane et donc de pouvoir communiquer quand même le téléphone satellitaire ne passe pas. On avait demandé la même chose en Afghanistan pour les élongations entre les vallées, mais vu qu'on réduit les effectifs et la taille de la zone on va pouvoir s'en passer et faire des économies!

    • Les militaires aussi jouent au ballon…
      Merci pour ce complément d'information sur la Guyane, que j'ignorais...

  • Les militaires aussi jouent au ballon…
    Comme on dit toujours c'est le cordonier le plus mal chausse ( je parles pour les ballons,qui ont etes inventes en France par les frères mongolfier comme chacun le sait)
    En tant que radio amateur je vois que ce systèmes est bien employer par les militaires.
    A+Amicalement

  • Les militaires aussi jouent au ballon…
    felicitaions à cette société français qui travaille essentiellement pour l' export, espérons qu'elle poura continuer.

    En ce qui concerne la résistance aux balles, ne poureait-elle pas se raprocher de Michelin qui a mis au point différents, procédés pour ne plus à avoir besoin de la roue de secours ( sur automobiles )

    je peux en indiquer un, que l'utilise, il est fabriqué en Allemagne, sous licence TIP TOP, mais je pense que le dernier procédé de Michelin serait plus approprié.

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