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Dépose minute

Ne gâchez pas la fête !

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Gil Roy
par Gil Roy

Le BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses) vient de publier son rapport final sur l’accident du Yak18, survenu le 8 avril 2018 à Lens Bénifontaine. « L’enquête n’a pas mis en évidence de défaillance technique. Il n’a pas été possible de déterminer si les actions sur les commandes de vol étaient volontaires ou consécutives à un problème d’ordre médical. » Il n’en demeure pas moins que, si le BEA a jugé nécessaire d’attirer l’attention sur cet événement, c’est que ce crash qui a coûté la vie au pilote et à son passager aurait pu avoir de plus lourdes conséquences encore. Le Yak18 s’est, en effet, écrasé à 40 mètres seulement de nombreux spectateurs.

Cet accident renvoie surtout à une statistique qui fait froid dans le dos : depuis 2004, en France, toutes catégories d’aéronefs confondues, plus de 120 accidents sont survenus au cours de « manœuvres non nécessaires à la conduite normale du vol ». On déborde évidement du cadre des meetings aériens évidemment. Pour le BEA, ces accidents dénotent « une prise de risque manifeste de la part du pilote provoquée par une émulation. » Tout est dit.

Le 8 avril 2017, le Yak18 était venu de Pontoise pour participer à un rassemblement franco-canadien en mémoire des soldats canadiens morts lors de la bataille de Vimy, en 1917. Une dizaine d’avions de collection, dont le Yak18, avaient embraqué des pilotes canadiens venus pour l’occasion et avaient survolé le Mémorial de Notre Dame de Lorette et du Mémorial de Vimy. Moment de fraternité.

C’est en repartant de Lens que le pilote du Yak18 a voulu faire un passage à la verticale de l’aérodrome avant de mettre le cap sur Pontoise. Un adieu. « Au niveau du dernier tiers de la piste 21, l’avion débute un demi tonneau à gauche suivi d’une demi boucle vers le bas », explique le BEA dans son rapport. « L’avion entre en collision avec le sol au niveau du seuil de la piste 03. » Deux morts.

L’association France Spectacle Aérien qui fédère les acteurs du show aérien encourage les directeurs des vols, à interdire formellement ce type d’évolutions acrobatiques lors des départs, y compris les passages. Mais tous les directeurs des vols ne s’appellent pas Jupiter, et tous les pilotes de meeting n’ont pas la rigueur des présentateurs du salon du Bourget. Alors, cette saison, mesdames et messieurs – surtout messieurs parce que c’est aussi une affaire de testostérone – faites nous rêver, pas pleurer. ?

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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  • Rappelons nous l'épisode de Mermoz et de son vol de test d'entrée à l'Aéropostale jugé par Daurat... tout y est si on veut bien y repenser avec l'humilité et la réflexion nécessaires.

    Quand on devient au fil du temps un bon pilote, on repousse consciemment ou non ses propres limites, on en vient à diminuer la note de ce que l'on fait sur l'échelle du risque et on finit par trouver ça quasi normal.

    Quand j'étais au top de mon entraînement et de mes capacités de pilote, je juge avec le recul que j'ai fait des choses finalement pas raisonnables compte tenu du risque qu'elles représentaient même si à l'époque ça semblait banal à moi et à bien d'autres.

    Un tonneau à l'arrivée ou au départ, un passage contre QFU juste après décollage, c'est finalement très facile à faire pour un pilote d'expérience, mais avec la proximité du sol et d'obstacles, l'absence de hauteur de sécurité, ça reste un des meilleurs moyens de se casser la g..... un jour pas comme un autre !

  • Sujet éminemment difficile et sensible. Il n'est jamais anodins de raviver des plaies encore récentes.
    Mais je comprends, et approuve, les démarches du BEA et la communication qu'en fait Aerobuzz. Et celle que nous devrions tous faire au bar de l'escadrille.
    On ne vivra pas assez vieux pour faire toutes les bêtises possible nous-même. Il est donc important de connaitre et de tirer des enseignements des "événements" arrivés aux autres.
    Je trouve d'ailleurs que ce n'est pas manquer de respect à quelqu'un que de se servir de son "exemple" (mot très mal choisi) afin que cela n'arrive pas à d'autres.
    L'accident de Renaud Ecalle a fait énormément de bien à toute la communauté aéronautique de loisir, professionnelle, et même militaire. L'utilisation "communication" de cet accident n'a pas terni son image, ni sa mémoire, ni ses compétences.
    Mais il a "remit l'église au milieu du village". Si même un pilote de la trempe de Renaud Ecalle peut se tuer en avion alors qu'il fait "juste" une navigation avec sa famille dans un avion d'aéroclub, alors n'importe qui peut se tuer.
    Et ça a remit une généreuse dose de modestie dans tous les cockpits. Merci Renaud Ecalle, dommage que vous en soyez mort, vous ne méritiez pas.
    Le cas qui fait polémique aujourd'hui est le même. Si votre ami pilote connu et respecté a eu cet accident (quelle que soit les causes, il y en a toujours plusieurs), alors nous autres pilotes lambda devrions faire attention à nous et être responsable de nos actes. Et ce n'est pas bafouer la mémoire de cet équipage.
    Cet accident m'a d'ailleurs rappelé instantanément ce crash d'un P-51 Mustang à La Roche sur Yon en 1998. Un pilote très expérimenté, aux commandes d'une machine précieuse dont il prend soin, et qui se rate, on ne sait pas vraiment pourquoi. Ça peut arriver, ça fait chier. Et il ne faut pas que ça re-arrive.
    Que leur mort serve à quelque chose, puisqu'on ne peut rien faire d'autre.

  • Mon nom est Stéphane Lanter et j’étais le propriétaire du Yak 18 dans lequel mon ami Francois Minard et Denis Walbrou ont trouvé la mort.

    Votre article laisse entendre que François était de ceux que la testostérone guide et entraîne .... sachez que « non », c'était quelqu'un de travailleur, procédurier et discret, passionné d'aviation, un vrai aviateur, qui n'a jamais recherché l’exploit ou le premier plan. Il n’était pas non plus un adepte de la voltige basse altitude ... Cet accident reste une énigme pour nous tous qui le connaissions ou qui, sur place, avons été malheureusement les spectateurs de ce drame.

    Votre article est largement influencé par le rapport final du BEA de cet accident qui lui-même, reprend une étude d’accidentologie sur les années passées, où sur plus de 120 accidents, la moitié des cas relèvent d’une forme de démonstration vis-à-vis de tiers au sol, démonstration recherchée par le pilote. Cette étude influence naturellement les causes et conclusions à donner à l’accident de François, à mon avis elle ne devrait pas faire partie du rapport d'enquête .

    Sachez que j'ai le plus grand mal à inscrire François et cet accident dans ce cadre de « démonstrateurs inconscients, emportés, .. », qui ne correspondent ni aux traits psychologiques de François, ni à la conjoncture de l’événement privé et intimiste mis en place à Lens .

    Stéphane Lanter

    • Je regrette la dérive que prennent parfois les commentaires. En l'occurrence, vous interprétez mes intentions.
      Mon article part effectivement du rapport du BEA, comme vous le soulignez très justement d'ailleurs, et mon propos s'appuie sur les 120 accidents recensés par le BEA. Vous remarquerez qu'en aucun cas je n'ai cité le nom du pilote.
      Je n'ai pas écrit non plus un article sur un accident en particulier, mais sur une récurrence mise en lumière par le BEA au travers d'une étude sur plusieurs années. Je vous invite à relire la conclusion du rapport du BEA et les différentes catégories d'accidents mises en évidence. C'est là l'objet de ma démonstration.
      Je comprends que cet article ravive des plaies, mais, encore une fois, il ne s'agit pas d'un article sur cet accident en particulier. Par ailleurs, je défie quiconque de trouver la moindre trace d'un quelconque jugement de ma part dans mes articles relatifs à un accident aérien. Et en presque quarante ans de carrière de journaliste aéronautique, j'ai malheureusement eu beaucoup d'accidents à annoncer, certains impliquant des proches qui m'étaient chers. Jamais je ne me suis laissé aller à émettre des hypothèses sur les causes d'un accident. J'attends que le BEA ou le NTSB fasse son travail et même si cela prend souvent plusieurs années.
      Je regrette que mon article vous ait blessé.

      • En fait, ce genre d'accidents, comme celui de Renaud Ecalle que j'ai mentionné précédemment, nous rappellent que même des pilotes expérimentés, réputés de haut niveau, peuvent se trouver en situation difficile.

        C'est une leçon d'humilité que nous devons retenir aussi souvent que possible, que ce soit en aviation, ou ailleurs :

        - En automobile par exemple : "est-ce une bonne idée de dépasser ce véhicule maintenant ?" "Vais-je pouvoir rester sur une route qui de fortes chances d'être glissante ?"

        - Bricolage : "ok, cette échelle est trop courte, mais si je me tiens bien, ça passe parce que je sais ce que je fais... ou pas..."

        ...

        Soyons humbles, ne jugeons personne d'autre que nous-même.

      • Le monde actuel !
        Facile de s'exprimer - et de juger - ce que nous avons l'habitude de faire au bar de l'escadrille.
        On se rend compte chaque jour que coucher des mots sur une page - un écran - n'est pas du tout du même acabit.
        Doit-on penser que nous sommes en phase d'apprentissage (apprenti sage) ou dans la libération de la parole ?
        Sans doute un peu des deux...
        En attendant, je m'interroge sur le plus court chemin qui donnera davantage de lucidité au lecteur, aujourd'hui en déséquilibre entre la diffusion de fake news ("oeuvres" de candides ou de manipulateurs) et les contenus de fond qui necessitent un vrai travail en amont.
        La passion aéronautique réunit diverses populations qui partagent au moins la curiosité d'un monde complexe et qui font donc l'effort d'aller plus loin dans la réflexion.
        En language de cuisine très aromatique : sans cet effort nous serions dans le brut de pomme, un peu fort café parfois...

  • Vu malheureusement le même drame à Nogaro il y a deux ans lors d'un meeting aérien associé à une reunion de classic cars... La fête joyeuse au début à connu une triste fin...

    • Concernant Nogaro c’etait un rassemblement statique d’avions anciens organisé en parallèle aux courses de véhicules historiques sur le circuit situé à côté de l’aérodrome.
      Ce n’était donc pas un meeting aérien.
      L’accident évoqué concerne un ULM en phase de décollage .

  • Nombreux sont les pilotes expérimentés qui ont péri aux commandes de leur avion.
    Excès de confiance, sentiment d’invulnérabilité, dépassement de compétences, excitation en présentation publique ou encore le vol de trop sans avoir la forme physique ou mentale pour le réaliser.
    Les pilotes qui présentent des avions anciens sont souvent sous entraînés car les heures de vol coûtent cher et la disponibilité des avions est techniquement aléatoire ce qui contribuent à un manque d’aisance pour piloter des avions aux caractéristiques bien particulières devant le public , sans compter le possible stress lié aux règles et à l’organisation d’un meeting aérien (météo, timing, etc...)
    Les facteurs humains ne sont pas toujours prévisibles, par définition !

  • Bonjour,
    Je me refuse de débattre autour de ce triste accident, quelles qu'en soient les causes véritables, et je respecte profondément la douleur de ceux qui restent…
    Je parlerai plutôt de la question de fond évoquée, sans la rattacher à cet accident, et la traiterai en généralité, à la lumière des quelques années de meetings d'expérience ou plus simplement du sinistre "dernier salut" qui se transforme en "dernier saut" en perdant l' L.
    Je me suis toujours méfié des ego surdimensionnés qui aboutissent toujours au même résultat, quelles que soient les circonstances. Et ce n'est pas une histoire de professionnel ou pas, c'est simplement une question de personnalité...et malheureusement souvent une question d'homme. L'histoire de l'aviation, grande ou petite, en est pleine!..
    Comme me disait une copine: "Il y a d'autres façons de prouver que t'es un homme".
    G.Hardy

  • « une prise de risque manifeste de la part du pilote provoquée par une émulation. » Tout est dit.
    Je partage ce point de vue. Alors, pourquoi envisager une hypothèse médicale ?
    Il est difficile de prévoir une action inappropriée d'un individu placé dans des circonstances particulières, mais pourvu que les avions puissent continuer à nous faire rêver.

  • Toujours se souvenir des adages :
    1 - il n'y a pas de bons pilotes il n'y a que de vieux pilotes !...
    2 - Un exploit n'est jamais qu'un tour de con, réussi certes mais un tour de con quand même !!!

  • L'analyse du BEA et les commentaires de Gil Roy sont sévères pour le pilote et insistent sur le risque "public"' mais ils ne résolvent pas pour autant la équation du caractère incompréhensible de l'accident. François Minard, pilote exceptionnel avec j'ai traversé l'Atlantique en hélicoptère et volé souvent en avion était non seulement un manoeuvrier d'une rare compétence mais un homme-ami de très grande classe, incapable de prise de risque inconsidérée. C'est attenter à sa mémoire et à son immense conscience professionnelle que le suspecter d'une imprudence finale et fatale. Les interrogations ne doivent-elles pas plutôt porter sur un empêchement peut-être dû au passager, car l'avion a été piloté jusqu'au bout?
    Prudence donc surtout en fin de meeting, de Maryse Bastié à tant d'autres, mais n'accablons pas les pilotes pour donner à l'Administration de nouvelles raisons d'ajouter encore des interdictions aux contraintes...

    • Merci M. David pour ce résumé tout à fait représentatif de François Minard. Nous avions effectué le vol ensemble vers Lens dans cet avion le matin, en toute humilité et en toute sécurité. François, également ami et collègue de travail, pour avoir volé plusieurs fois en sa compagnie, n'était aucunement le genre de personne à prendre des risques inconsidérés. Il se comportait toujours de manière responsable et professionnelle. D'où l'incompréhension d'autant plus marquée de cet accident. L'erreur humaine reste toujours possible, favorisée par l'émulation, alors restez sur vos gardes (en particulier par rapport à soi) lors des rassemblements. Je reprendrai les propos de M. David : notre environnement est suffisamment bordé de contraintes et d'interdictions. N'allons pas les renforcer via des spéculations laissant croire que le pilote a volontairement pris des risques inconscients dans le but de "gâcher la fête". M. Roy, j'apprécie le travail que vous faites avec Aerobuzz. Cependant, vous pourriez nous épargner ce genre d'expression, tout comme la dernière phrase de l'article, d'une part par respect pour ceux qui sont dans la peine, d'autre part pour se concentrer sur l'essentiel des faits et les leçons à en tirer - ce qui me semble être plutôt votre mission de journaliste.

      Très beaux vols à tous.

      Antoine

    • Malheureusement, même les meilleurs peuvent faire des erreurs qui nous semblent incompréhensibles.

      Souvenez-vous de Renaud Ecalle, qui semble-t-il a commis plusieurs erreurs, alors qu'il était un pilote de très haut niveau, et qu'il transportait toute sa famille.

      J'espère que vous ne méprendrez pas ce que je viens de dire. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé lors de ce meeting, je ne prétendrai pas expliquer quoi que ce soit.

      Je voulais juste faire un petit rappel, que oui... même les meilleurs font parfois des erreurs inimaginables.

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