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Flight Safety remet en question les méthodes de formation des pilotes de ligne

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Fabrice Morlon

L’organisme indépendant Flight Safety Foundation vient de publier un avis exprimant la nécessité de former les pilotes en utilisant une méthode basée sur les compétences et non plus sur le nombre d’heures. Face aux besoins en pilotes, la fondation s’inquiète d’un système où sont privilégiées les heures de vol au détriment des compétences, dans l’aviation commerciale mais également dans l’aviation générale.

La formation des pilotes de ligne est arrivée à un tournant majeur. C’est ce que la fondation Flight Safety (FSF) met en avant dans un document publié début mars 2018, alors que la demande en pilotes croît de manière exponentielle sur toute la planète.

« 1.500-hour rule »

Aux Etats-Unis, sous la demande du Congrès, la FAA a relevé en 2013 le nombre d’heures nécessaires pour accéder au cockpit d’un avion de ligne en qualité de co-pilote à 1.500 heures. Le fait d’avoir mis l’accent sur le nombre d’heures plutôt que sur les compétences fait qu’aujourd’hui, le pays manque de co-pilotes.

Si son point de vue vise clairement cette « 1.500-hour rule, » que la FAA cherche à amender, la FSF alerte également les autorités de l’aviation civile dans les autres pays à revoir leurs pratiques en matière de formation en cherchant à faire de la qualité et non de la quantité.

Formation basée sur les compétences

Flight Safety Foundation invite à ne pas se contenter de supposer que les compétences essentielles à la conduite d’un aéronef ne s’obtiennent qu’en passant un certain nombre d’heures en vol, comme le suppose la loi U.S. sur les 1.500 heures requises.
La fondation incite plutôt à généraliser les méthodes de formation basées sur les compétences (Competency-Based Training, CBT) ou sur l’Evidence-Based Training (EBT).

FSF reconnaît toutefois que le bilan de la sécurité aérienne en 2017 est très positif et encourageant, que cette année a été la plus sûre de l’histoire de l’aviation commerciale. Cependant, avec les accidents récents en Russie, en Iran et récemment au Népal, la fondation appelle à la vigilance.

Flight Safety Foundation attribue les résultats exceptionnels de l’aviation commerciale en 2017 à une grande variété de facteurs et aux efforts de milliers de professionnels de l’aviation. Elle précise en outre que ce n’est pas le résultat d’un seul facteur, et que les exigences en nombre d’heures de vol ne sont pas seules responsables.

Remise en question du nombre d’heures

FSF poursuit son développement en précisant que l’expérience du pilote, qui constitue également un important facteur de sécurité, a toujours été associée au nombre d’heures de vol accumulées au cours de la carrière d’un pilote. Ce qui est souvent négligé, cependant, est la qualité du temps de vol et la manière dont ce temps passé en vol a été accumulé.

Était-ce dans un avion monomoteur ou multimoteur ? Dans des conditions de vol à vue ou aux instruments? Dans un environnement structuré, professionnel, ou dans le cadre de l’aviation de loisir?

Ainsi, selon la FSF, le type d’expérience et l’environnement de vol doivent être pris en compte pour donner un sens au nombre d’heures de vol : l’expérience, les comportements et les pratiques de pilotes totalisant un nombre d’heures de vol similaire peuvent ainsi varier de manière considérable d’après Flight Safety.

Qualité des heures plutôt que quantité

La Fondation affirme que le secteur de l’aviation commerciale est arrivée à un carrefour en déterminant comment les pilotes doivent être sélectionnés, embauchés, formés et encadrés. FSF insiste sur le fait que, dans un contexte mondial où les déplacements de personnes vont croître de manière importante dans les vingt années à venir, pour continuer sur cette dynamique tout en maintenant un niveau de sécurité accru, il va falloir former des pilotes sur de bonnes bases. Autrement dit, FSF s’inquiète du volume de pilotes formés au détriment de la qualité.

Les recommandations de la Fondation Flight Safety

La fondation liste plusieurs recommandations.

  • Mettre en place un processus amélioré de sélection et de formation basé sur les compétences non techniques de base, généralement obtenues par l’expérience, telles que la communication, l’analyse, la résolution de problèmes, le leadership et la prise de décision;
  • Développer un regain d’intérêt pour la compétence et sur le processus qualité des ATO (Aproved Training Organisation, organisme de formation approuvé) afin de s’assurer que les programmes de formation sont élaborés et mis à disposition de façon à respecter les normes de sécurité et qu’ils puissent former des pilotes qualifiés et compétents;
  • Elaborer des programmes de formation fondés sur la compétences et non plus uniquement sur les heures;
  • S’assurer que les programmes de formation disposent de données continuellement mises à jour, basés sur la performance du pilote;
  • Développer des programmes ab initio avec parrainage / soutien par l’opérateur;
  • Laisser une place plus importante dans les programmes au partage d’expérience et de connaissances de l’instructeur.

Une prise en compte accrue des compétences

La fondation prend également en exemple les ATO qui ont décidé de « standardiser » les instructeurs : tous possèdent le même niveau et sont interchangeables dans la formation des élèves pilotes. Elle insiste enfin sur la nécessaire remise en question des habitudes de formation au sein des écoles et conseille un apprentissage basé sur la gestion des erreurs et des menaces (Threat and error management, TEM).

En Europe, l’EASA insiste elle aussi sur la nécessaire prise en compte des compétences et invite à mettre en place le CBT (Comptence-Based Training) à tous les niveaux de formation, et pas seulement pour la formation des pilotes commerciaux.
En France, les ATO qui forment les pilotes professionnels sont déjà sensibilisés aux méthodes.
Enfin, l’Association nationale des pilotes instructeurs (ANPI), dans ses formations destinées à proroger leur licence, insiste sur l’adoption nécessaire en aéro-club d’une formation basée sur les compétences.

Fabrice Morlon

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

View Comments

  • Les heures de vol civiles, où on compte le temps au roulage, les heures de PNF, le temps à déjeuner ou à lire son plateau, à causer aux hôtesses dans le galley, le tout avec le PA enclenché 99% du temps, avec ILS auto à la fin, sont de la daube par rapport aux heures des pilotes de chasse par exemple. Rapport de un à trente, à la louche.
    Et ce, que cela leur plaise ou non.
    Il ne faut pas s'étonner de certains accidents ...
    Stormy, 777.

  • Ah ben tient , nous y voila, en voila une de bonne idee!
    Comme disait mon instructeur sur Cap 10, a propos du commandant de l ecole d initiation qui n etait pas une "lumiere", et avec qui j avais failli finir dans un champ vu son "niveau"..
    "On a jamais fait des chevaux de course, avec des Anes.." Ah c est ben vrai ca!!
    et meme certains de rajouter, "On" est un "C-n"
    Un bemol quand meme, en travail aerien, les heures sans accidents sont quand meme un bon repere de niveau.

  • Par ma part ce débat heures de vol minimales requises et (ou) compétences seules est décalé avec la réalité du terrain depuis des lustres. Qui a imposé les 45 heures minimales aujourd'hui (40 heures hier) pour un PPL ou 1500 heures pour un pilote de ligne, les mêmes qui aujourd'hui parlent de compétences comme d'une découverte pour faire face à l'accroissement de la demande de pilotes. Pour ma part je n'ai jamais présenté au test PPL, pour prendre cet exemple, un élève en fonction des heures de vol réalisées, mais uniquement s'il était compétent pour satisfaire ce test, peu importe le nombre d'heures réalisées pour arriver à ce stade. J'ai eu des cas où à 35 heures mon élève était compétent, il a du faire 10 heures de plus pour pouvoir être présenté au test final après avoir dépassé les fatidiques 45 heures imposées par la DGAC, était-il pour autant plus compétent ou plus expérimenté. N'importe quel Instructeur pédagogue sait que compétences et heures de vol ne riment pas. Des pilotes avec 10 000 heures de vol au moins, ont été à l'origine d'accidents mortels, étaient-il compétents au moment des faits? Former des pilotes, forcément compétents, c'est une lapalissade, remonte au siècle dernier. On peut par contre parler de la meilleure méthode pour y arriver à coup sûr, ça vaut mieux que les querelles de clochers, comme, ah je vous l'avait bien dit, toujours les mêmes.

  • Formation standardisée, éléments interchangeables, mettre l'accent sur les procédures qualités et tout ça en un temps minimum. S'agit-il de la production de robots de poulets ou de la formation d'êtres humains? Sélectionner quelqu'un qui saura se vendre plutôt que sur ses compétences dans le domaine, me laisse perplexe. Heureusement, les systèmes sont dans l'ensemble très fiables.

  • Très bon article qui arrive avec 40 ans de retard mais a le mérite d'exister...
    Il a fallu attendre 2018 pour qu'enfin certaines "élites" se penchent sur la formation...
    Bien évidemment en priorité la "QUALITÉ" ce qui n'a pas toujours été le souci principal, mais les heures, les heures et encore les heures... qui ne sont efficaces que si la base d'instruction est solide et variée avec différentes formes d'apprentissage que nous connaissons depuis plus de 40 ans...
    Les "CHAPELLES" et leurs défenses ardues avec des "MOI-JE" ont divisées tant de principes efficaces où la priorité de l'efficacité n'était pas au rendez-vous général...
    Le fameux "EGO" du pilote et des systèmes... aqueu aqueu...
    Ah, j'allais oublier, un bon pilote est un pilote vivant et un excellent pilote est aussi une personne qui prend autant soin de ses écrits (grammaire-orthographe...) que de ses plans de vol et de son pilotage, de ses formations, à la virgule près ......
    Pour certains qui souhaiteraient s'améliorer ... en aurtau grafe :
    https://certification.lerobert.com/
    Bien coeur-dialement
    Loren

  • En somme, la FS Fondation recommande, sans le dire explicitement, le type de sélection et de formation ab initio, cadets, etc. tel qu’il est pratiqué depuis des décennies avec succès par les compagnies aériennes en Allemagne, Grande Bretagne, Hollande, Belgique, Suisse, France...

  • Vaste sujet dont certaines facettes ont déjà été bien explorées par notre industrie (CBT, EBT, ...).

    Il y a 25 ans, on ne parlait pas de CBT mais de Training-to-Proficiency, ce qui est bien le même objectif.

    L'EBT fait l'objet d'une publication OACI : le Manual of Evidence-Based Training (Doc 9995 AN/497).

    Par ailleurs, ne pas confondre Flight Safety (un training provider) et la Flight Safety Foundation (FSF) ; la confusion est fréquente.

  • Excellent article ! Seule la conclusion est surprenante. Cela fait en effet des années que la FFA se bat pour promouvoir dans les aéroclubs la formation basée sur les compétences avec l'appui de la DGAC et de l'ENAC ...au grand dam d'une association française d'instructeurs ! Heureux d'apprendre que celle-ci évolue...

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